La multiplication des centres de services en région n'aura pas changé la donne. Plus que jamais, la fonction informatique se concentre en Ile-de-France. Selon l'Apec (Agence pour l'emploi des cadres), 66 %
des recrutements de cadres de l'informatique en 2006 ont été réalisés en région parisienne, contre 60 % en 2005. Et pour 2007, les prévisions tablent sur 73 % !Non seulement la région parisienne fait main basse sur l'emploi, mais on n'y trouve aussi, pour ainsi dire, qu'une seule catégorie d'employeurs : les sociétés de services et d'ingénierie en
informatique (SSII). Toujours selon l'Apec, plus de huit recrutements sur dix sont à mettre à l'actif des sociétés de services.Partant de ce double constat, nous avons souhaité donner, dans ce dossier, quelques conseils aux candidats qui frappent à la porte des SSII. La reprise revenue, le marché du travail se détend, et le rapport de forces s'est
inversé. A défaut de pouvoir négocier le salaire ?" les SSII contiennent leur masse salariale, et l'effet de rattrapage se fait toujours attendre ?", les recrues sont en mesure de discuter des clauses contractuelles ou
des évolutions de carrière.Les candidats à l'embauche sont aujourd'hui en mesure d'opérer un véritable choix parmi les SSII, et de séparer le bon grain de l'ivraie.
' Il ne faut pas mettre toutes les SSII
dans le même panier, estime Jean-Camille Gallay, consultant du groupe Alpha.
Signer le premier contrat reçu serait une erreur. Ce n'est pas un choix neutre. Il peut peser sur l'orientation d'une
carrière. ' Grande ou petite SSII, mission au forfait ou en régie... Profitez de la conjoncture pour choisir, en connaissance de cause, la SSII qui vous convient. Pas question, ici, d'établir un classement
nominatif des SSII. Il s'agit plutôt de donner quelques pistes à même d'alimenter votre réflexion.
1. Décrypter l'offre d'emploi
La reprise est là : les offres d'emploi pullulent sur internet. Mais il ne faut pas accorder à toutes le même crédit. Il existe tout d'abord des annonces fictives, destinées à rassurer le marché ?" une
entreprise qui recrute est en bonne santé ?" ou à constituer une CVthèque à moindre coût. Ensuite, les offres périmées ou sujettes à discrimination, comme le définit l'article L 311-4 du Code du travail (mention de l'âge, du
sexe, etc.). Enfin, les doublons. Répondant à un même appel d'offres, plusieurs SSII publient la même annonce. Mais, au final, une seule emportera le marché. Ainsi, selon l'Apec, seule une offre sur deux donne lieu à un recrutement
effectif.En leur temps, Recruteursbidons.org et Fuckthatjob.com, aux Etats-Unis, ont relevé de l'intérêt public en dénonçant les employeurs indélicats. Malheureusement, personne n'a pris la relève. Reste quelques conseils.
Président du Munci, Régis Granarolo recommande de privilégier les offres précises et correctement formulées.
' Les annonces floues, mélangeant des technologies disparates ou à la quête d'un hypothétique mouton à cinq
pattes, sont parfois rédigées par les commerciaux eux-mêmes. 'A noter que les 15 sites ?" CadresOnline, Keljob, Lesjeudis.com, etc. ?" de l'Association des professionnels pour la promotion de l'emploi sur internet (Appei) ont signé, à
l'initiative de l'ANPE, une charte de déontologie. Contact-emploi.com va plus loin en proposant
' des offres uniques et exclusives '.2. Consulter les classements des SSII
Comment savoir si la SSII que vous souhaitez rejoindre a bonne réputation ? Une rapide recherche sur internet vous aidera à déceler, par exemple, un grand nombre de condamnations en justice. Le site Top 50 SSII, propose, lui,
un palmarès social des SSII, établi par les internautes eux-mêmes. Le personnel note, selon trois critères, l'ambiance générale, la rémunération, et les perspectives de carrière. Un ' sondage d'avis
subjectif ', d'après les termes du site. Il a toutefois le mérite de sonder en temps réel les humeurs des salariés, par ailleurs invités à poster un témoignage ou une expérience.Fin 2003, la CGT avait publié, elle aussi, un classement des SSII selon leurs indicateurs sociaux ?" représentation syndicale, conditions de travail, climat... Mais elle a décidé de ne pas renouveler
l'expérience.
' Cela allait à l'encontre du but poursuivi, note Noël Lechat, secrétaire général de la fédération CGT des sociétés d'études.
Ce classement pouvait inciter les candidats
à ne postuler que pour les premières SSII, alors qu'elles n'étaient que les moins mauvaises du secteur. 'Reprenant le flambeau, le Munci doit publier ces jours-ci une liste de ' SSII à déconseiller ', dressée sur la base des témoignages recueillis dans ses forums de discussion. En raisonnant dans
l'autre sens, vous pouvez aussi consulter la dernière enquête menée par CadresOnline et 01 Informatique (voir n?' 1867, du 7 juillet 2006) sur les entreprises préférées des informaticiens.
3. Éplucher les indicateurs sociaux
Turnover, évolution des effectifs, nombre de licenciements, âge moyen, ancienneté, taux d'intercontrat, effort de formation, rémunération, parité... Obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés, le bilan
social délivre un grand nombre d'indicateurs, d'autant plus précieux qu'ils peuvent être comparés à ceux des années précédentes.Hélas, peu d'entreprises jouent la transparence en le diffusant publiquement. Mieux vaut donc de connaître un salarié en interne, susceptible de s'en procurer un exemplaire auprès des représentants du personnel. Il est
également possible de joindre un délégué syndical, dont les coordonnées sont de plus en plus souvent accessibles sur le web. Soumis à un devoir de réserve, ce dernier ne critiquera toutefois pas ouvertement son entreprise au téléphone.Le site Miroir social entend faciliter cette intermédiation en mettant en ligne des grilles sociales alimentées par les représentants syndicaux. L'opération a démarré depuis peu de temps, mais celles de Devoteam ou
d'Oracle s'y trouvent déjà. Une fois les renseignements souhaités en main, vous pourrez les comparer aux moyennes du secteur. Spécialisé dans l'assistance aux comités d'entreprise, le groupe Alpha a récemment consolidé
les bilans sociaux de 24 SSII.A défaut de bilan social, certains signes ne trompent pas.
' Les SSII qui affichent des prévisionnels d'embauche dépassant le tiers de leur effectif ne sont que des usines à régie, prévient
Régis Granarolo, président du Munci.
La seule croissance du chiffre d'affaires ne justifie pas une embauche si soutenue. Elles anticipent un fort turnover, consécutif à leur piètre politique RH. '4. S'informer auprès des salariés en poste
Qui, mieux qu'un salarié en poste, peut décrire de l'intérieur le fonctionnement de la SSII, l'ambiance qui y règne, et les conditions de travail ? Vos connaissances sont les indicateurs les plus
fiables : anciens collègues, copains de promotion, confrères identifiés dans l'annuaire des anciens de votre école... A défaut, consultez les forums d'emploi du Munci, de Developpez.com, ou de Hardware.fr, où candidats et salariés
échangent librement leurs points de vue.Attention, toutefois, au prisme déformant, avertit Ivan Béraud, secrétaire national de la F3C CFDT :
' Comme sur les forums de consommateurs, on trouve les très contents, téléguidés ou non par
l'entreprise, les très mécontents, mais pas la majorité silencieuse. ' Pour atténuer cette distorsion, Régis Granarolo, président du Munci, conseille de privilégier les messages publics, et de poser des questions
précises.
' Si le ressenti est négatif, il faut déterminer s'il s'agit d'un cas particulier, que l'on peut ou non généraliser. ' Un délégué syndical identifié sur le web peut
aussi vous donner deux ou trois noms de salariés à contacter.Autre piste pour contacter des employés en poste : les réseaux sociaux (Linkedin, 6nergies, Xing, Viadeo) ou les sites spécialisés dans la cooptation (Jobmeeters, Cooptin). Méfiez-vous, cependant, des dérives de cette méthode.
L'appât du gain peut transformer des coopteurs en rabatteurs. Ces chasseurs de primes vous vanteront invariablement la culture d'entreprise exceptionnelle, les missions intéressantes, et les salaires régulièrement revus à la hausse. A
l'instar de cet employé de SSII, qui se propose d'appuyer votre candidature. ' Entretien garanti ', précise-t-il.
5. Décortiquer le déroulé de l'entretien d'embauche
S'il est mené par un commercial, et non par un responsable des ressources humaines, un opérationnel, ou le patron lui-même pour les petites structures, méfiance. Vous êtes tombé sur une société qui fait avant tout de la
régie, et pas de la meilleure manière. : ce commercial peut ?" si vous êtes en poste ?" tenter de vous soutirer des informations. Il ne s'agit alors que d'un entretien d'embauche factice, visant à
connaître le client et le projet sur lequel vous intervenez actuellement.
' L'entretien doit porter sur le profil et le poste à pourvoir, rappelle Régis Granarolo, du Munci.
Ne répondez pas aux
questions limites. De même, refusez le double entretien, qui consiste à vous présenter au client avant même d'avoir été embauché. ' Cette pratique relève du délit de marchandage.Si, pour préparer l'entretien, il est nécessaire de s'informer en amont sur la société (sites web institutionnels, articles de presse, etc.), le rendez-vous sert aussi à collecter, in situ, des indices. Regardez les
panneaux d'affichage (règlement intérieur, tracts syndicaux, etc.), jaugez la qualité de l'accueil, l'ambiance générale. Faites le tour du propriétaire comme si vous évaluiez un bien immobilier.
' Si une
SSII prétend ne faire que du forfait, assurez-vous que les conditions de travail s'y prêtent. Elle n'est pas crédible si elle ne dispose que de petits locaux ', assure Régis Granarolo.
6. Étudier les conditions contractuelles
Le contrat de travail qui vous sera proposé sera certainement un contrat type. Il peut cependant contenir un certain nombre de clauses, susceptibles d'être autant de chausse-trappes. Parmi les plus usuelles, on trouve les
clauses de mobilité ?" déplacements possibles sur tout le territoire ?", de dédit-formation ?" remboursement des frais de formation en cas de départ précipité ?", de non-concurrence, et de
confidentialité.Pour rester équitable, le dédit-formation doit être proportionnel à la durée et au coût de la formation. Dans la conjoncture actuelle, retenir pendant deux ans un jeune diplômé à la suite d'un stage d'intégration de
deux mois est jugé excessif. La clause de mobilité, elle, n'est pas limitée dans le temps.
' Un jeune peut y voir l'opportunité de voir du pays. Mais elle risque de vite devenir contraignante, lorsque celui-ci
s'installe et fonde une famille ', rappelle Ivan Béraud, de la F3C CFDT. Si le rapport de forces est en votre faveur, tentez de restreindre le périmètre géographique de cette clause, s'il n'est pas
possible de la supprimer.En ce qui concerne la clause de non-concurrence, un arrêt de la Cour de cassation précise que, pour être valide, elle doit être rémunérée substantiellement au regard du préjudice. Evitez, enfin, la prolongation de votre période
d'essai. Elle représente pour vous une porte de sortie tardive, mais elle favorise aussi certains abus. Par exemple : vous licencier sans devoir avancer de motif si vous vous retrouvez en intercontrat durant cette période.
7. Analyser le type de mission proposée
Forfait ou régie ? Nos experts sont unanimes : mieux vaut privilégier les SSII pratiquant le forfait ou la régie forfaitisée. Qualifiées de ' marchands de viande ', certaines SSII utilisent le mode
régie pour se décharger de toute gestion des ressources humaines. Sans passer par la case départ, vous êtes alors directement placé en clientèle pour une mission de longue durée. Les relations avec le siège social se limiteront au contact avec le
commercial, qui viendra vous voir de temps en temps pour toucher sa commission lors du renouvellement du contrat.A l'inverse, en mode forfait, vous êtes intégré à une équipe de travail. Vous accédez plus aisément aux ressources internes (formation, méthodologie, etc.), vous brassez différentes technologies, et multipliez les secteurs
d'activité. Un atout, surtout en début de carrière.
' Livré à lui-même chez le client, un jeune diplômé serait rapidement perdu ', estime Ivan Béraud, de la F3C CFDT. Un avis que ne partage pas
entièrement Jean-Camille Gallay, du groupe Alpha, pour qui la recrue est plus exposée en forfait.
' Le nouvel embauché doit alors être immédiatement opérationnel. En régie, s'il ne l'est pas dans les premiers
temps, cela passera plus facilement. ' Quoi qu'il en soit, certains informaticiens ayant acquis une bonne expérience souhaitent se retrouver en régie, autonomes, sur une mission de longue durée.Ne négligez pas non plus les centres de services en région, qui regroupent un nombre significatif de salariés.
' Ils proposent des salaires moins élevés, mais davantage de stabilité ?" la mobilité
n'est plus géographique, mais fonctionnelle ?" et d'encadrement, analyse Ivan Béraud.
En réintroduisant de la hiérarchie, ces centres offrent aussi plus d'opportunités de
promotion. '8. Détailler le profil de la société
La prime aux gros. En raison de leur ancienneté et leur implantation, les grandes SSII sont mieux à même de proposer des missions au forfait et des chantiers attrayants, mêlant des technologies innovantes. Ayant des besoins
récurrents, elles recrutent plus naturellement sur profil que sur contrat. Par ailleurs, elles sont référencées par les grands comptes. Vous travaillez en direct chez le client sans passer par plusieurs niveaux de subordination. Ce que suppose la
sous-traitance en cascade. Une grande société de services donne aussi plus de latitude pour rebondir en changeant de poste, voire de pays. Enfin, remarque Jean-Camille Gallay, du groupe Alpha, le mouvement de concentration se poursuit :
' Mieux vaut être chez celui qui mange que chez le mangé. 'A l'inverse, une petite structure offre des plans de carrière rapides. Vous faites alors le pari de progresser avec elle. A condition qu'il ne s'agisse pas, comme le souligne Régis Granarolo, du Munci,
d'
' une jeune SSII sans spécialisation créée récemment par opportunisme '. Entre l'anonymat des grandes structures et le risque posé par les petites, l'idéal reste, selon lui,
' une SSII de taille moyenne, spécialisée dans le décisionnel, par exemple '. La liste des clients référencés constitue un autre indice. A priori, l'industrie ou l'Administration offrent
des projets plus longs et plus variés que la banque, connue pour multiplier les missions en régie.
9. Comparer la rémunération par rapport au marché
' Quitter une SSII pour une autre ne présente aucun intérêt si l'augmentation de salaire n'est pas d'au moins 20 %, tranche Régis Granarolo.
La bougeotte est mal
vue sur un CV. Surtout si, à terme, on souhaite rejoindre une DSI. Par ailleurs, abandonner une SSII en cours de projet sans motif sérieux peut nuire à votre réputation. Le monde des SSII est petit. ' Si le salaire est
l'objectif numéro un, autant devenir travailleur indépendant.Pour vérifier si le salaire proposé correspond aux prix du marché, vous pouvez interroger un comparateur en ligne de rémunération, comme Suisjebienpaye.com ou Salaires-informatique.info. Mais pour comparer ce qui est comparable, il
convient de prendre en compte la rémunération globale en intégrant les primes, part variable, intéressement, épargne salariale, treizième mois, ou nombre de jours de RTT. Sans oublier les hausses de salaires promises et, si possible,
contractualisées.
' Cette hausse doit être d'au moins 5 % à la fin de la première année ', estime Régis Granarolo.En revanche, n'acceptez pas d'être payé illégalement par le biais d'indemnités forfaitaires de frais. Comme leur nom l'indique, ces indemnités ne tiennent pas compte des dépenses réellement engagées, et
peuvent donner lieu à redressement fiscal. Un employeur digne de ce nom vous rembourse sur la base des dépenses réelles ?" transport, hôtel, restaurant... ?" avec, bien sûr, des maxima.
10. Prendre en compte les évolutions de carrière
Les sirènes du marché sont tentantes. Se vendre au plus offrant peut toutefois se révéler préjudiciable par la suite.
' Il faut développer un plan de carrière raisonnable, estime Régis Granarolo.
Etre propulsé d'emblée consultant ne rime à rien. Pour dispenser un conseil, il faut avoir engrangé au moins quatre ou cinq ans d'expérience. ' Ivan Béraud, de la F3C CFDT, prône, lui aussi, la
modération.
' Avant de penser à changer de SSII, étudiez les possibilités de mobilité en interne. ' Dans le cadre, déclaré ou non, d'un prérecrutement, une SSII est en mesure de représenter un
tremplin pour rejoindre une DSI.En entretien, testez la capacité de votre interlocuteur à envisager votre avenir, et dérouler un plan de carrière sur le moyen ou long terme. Evolution rimant avec formation, assurez-vous que vous serez correctement formé. Les SSII
affirment couramment dépenser 4 ou 5 % de leur masse salariale en formation. Cependant, selon une récente étude de l'Opiiec, seuls 38 % des développeurs ont été formés au cours des trois dernières années, pour une durée moyenne de
trente jours.Profitez de votre période d'intégration pour demander une formation d'appoint de trois à cinq jours sur un logiciel, par exemple.
' La plupart du temps, elle est
acceptée ', constate Régis Granarolo. Vérifiez que le DIF est bien mis en place. Par ailleurs cherchez à savoir si l'ingénieur en intercontrat travaille sur des projets internes, s'il suit des cours en
présentiel, s'il se forme seul, ou s'il reste chez lui. Une chose est sûre, si la SSII dispose d'un centre de formation interne, elle en proposera plus facilement.
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