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La stratégie volontariste du Maroc attire les SSII françaises. Celles-ci entraînent dans leur sillage des informaticiens qui donnent ainsi un nouvel élan à leurs parcours professionnels.
' En quinze jours, j'ai recruté 16 personnes. Et ce n'est pas fini. Nous serons une cinquantaine à la fin du mois de mars. Il faut faire vite, car nous ne savons pas ce qu'il adviendra du marché de l'emploi
au printemps ! ' Hassan Abdellaoui est le patron de la nouvelle filiale marocaine de la petite SSII française Telys. Ce Franco-marocain de 43 ans a effectué toute sa carrière en France.Son diplôme de l'Ecole centrale en poche en 1986, il travaille d'abord en SSII, puis dans le secteur de l'assurance et de la banque. En 2004, il rejoint Telys en tant que directeur associé, avec la ferme intention de créer une offre
offshore. Après quelques mois de test avec une société marocaine, il participe à la création d'un joint-venture local. ' C'est pour moi une excellente opportunité, se félicite-t-il. Le
Maroc se développe si vite ! Quand on vit à Casa (Casablanca), on a envie de participer à la dynamique. C'est un chantier extraordinaire. Du coup, j'ai atteint mon objectif : revenir au Maroc, tout en gardant un pied en
France. 'Aujourd'hui, il sait que le temps presse : les mastodontes du service, notamment français, se ruent au Maroc. En particulier à Casablanca, la capitale économique.
' La Bangalore des pays francophones '
Les SSII sont incitées par la stratégie volontariste du gouvernement et, surtout, du roi Mohammed VI, visant à faire du Maroc une grande destination offshore.' Casa deviendra la
Bangalore des pays francophones ', prédit Hassan Bernoussi, le directeur d'Investir au Maroc, une organisation gouvernementale de promotion économique, lors de sa tournée de communication en France. Capgemini vient d'ailleurs
d'arriver.Après de longs mois de palabres et de tergiversations, le géant français loue des locaux en attendant la livraison, prévue pour juillet prochain, de la plate-forme flambant neuve du fameux Casashore. L'objectif annoncé est
clair : monter une équipe de 500 personnes dans les trois prochaines années. Rien à voir, bien sûr, avec les 10 000 ingénieurs de la SSII en Inde. Mais, toutes proportions gardées, l'arrivée du leader français risque fort
d'assécher le marché de l'emploi. C'est là que le bât aurait pu blesser. ' Le point crucial qui a déterminé notre décision d'implantation au Maroc est l'engagement du Royaume de tout faire pour accroître la quantité
d'ingénieurs disponibles dans le pays ', poursuit Philippe Donche-Gay, le directeur général de Capgemini France.
Profiter de l'expérience en France pour évoluer vite
Souriante, avenante, mais déterminée, Farida prend une pause de quelques minutes pour raconter son parcours. Après un diplôme d'ingénieur à l'école Mohammedia (l'équivalent marocain de Polytechnique), elle part faire ses armes en
France. Quatre ans et demi en SSII, dont deux en Allemagne, et Farida se construit une belle spécialité dans les télécoms. Lorsque son employeur, Unilog, lui propose de rejoindre l'équipe marocaine en plein développement, elle n'hésite pas une
seconde. Aujourd'hui, à 27 ans, installée à Rabat, elle est aux commandes d'une équipe d'une dizaine de personnes, qui développe une application de facturation. Et elle ne s'arrêtera sûrement pas là.' Je réalise mon rêve : mettre à profit les acquis de mon expérience en France pour évoluer rapidement dans mon pays d'origine. ' Un parcours qui se banalise, surtout depuis quelques
mois. Pour créer les nouvelles structures et apprendre aux jeunes diplômés marocains les méthodes de travail si cruciales dans les centres offshore, rien de tel qu'un management composé essentiellement de Marocains chevronnés,
rompus aux pratiques des SSII françaises.Ainsi Mohammed Lakhlifi, le patron de la nouvelle entité d'Unilog à Casablanca, a-t-il passé dix-huit ans en France, au sein de la SSII. C'est donc en toute logique qu'il a été choisi pour créer la plate-forme de Casa. Et la SSII
française a choisi de ne pas attendre un an la livraison des locaux de Casashore. Le 1er juillet dernier, Mohammed Lakhlifi a inauguré un espace tout neuf dans un autre centre d'affaires de Casa. Equipement des locaux, recrutement, construction
de toutes pièces de la nouvelle structure, etc. Le dirigeant franco-marocain a dû tout créer ex nihilo.Même scénario chez Atos Origin. La grande majorité du management arrive de France. ' Je fais partie des anciens élèves de l'Insa Lyon. C'est grâce à ce réseau que j'ai trouvé ce job. '
Mounir est, lui aussi, venu de France pour participer au développement d'Atos au Maroc. Déjà présente dans le développement de projets pour les clients marocains, la SSII construit également sa structure offshore. Elle vise le
recrutement d'une centaine d'ingénieurs, qu'il faudra former aux méthodes de la TMA - en particulier à CMMI. Voilà bien le point fort des ingénieurs et consultants rodés en France : leur maîtrise des processus de développement de
maintenance des applications.Retourner au Maroc après plusieurs années d'expérience en France. La perspective en séduit plus d'un. Mais à une condition non négligeable : accepter de réduire son salaire, globalement de moitié ! Un sacrifice que tous ne
sont pas prêts à consentir. Les discours officiels ne gomment pas ce point. ' Qu'ils soient nés au Maroc ou en France, les ingénieurs d'origine marocaine sont les bienvenus chez nous. Mais les écarts de salaire sont
importants, et subsisteront ', prévient Adil Douiri, le ministre de l'Artisanat et de l'Economie sociale, venu porter la bonne parole de l'offshore en France.Un inconvénient qu'il convient néanmoins de relativiser. En France, les ingénieurs marocains subissent encore souvent les discriminations, et peinent à évoluer. Au Maroc, ce plafond de verre se transforme en tapis rouge. Ils
deviennent porteurs d'une connaissance indispensable. Sans compter que, comme dans toute nouvelle activité, de nombreuses places sont à prendre très rapidement.Pour ce faire, les réseaux se multiplient. Dans la lignée de celui des anciens élèves des Insa, se sont créés des réseaux particulièrement opérationnels. A l'instar d'Académia, qui a pour cofondateur le ministre Adil Douiri. Lequel
milite depuis 1997 en faveur du retour au Maroc des étudiants les plus brillants, notamment par le biais de l'aide à l'insertion professionnelle. Tout un programme.
Des écoles d'ingénieurs à la qualité reconnue
Et ce n'est pas tout : chaque année, le Forum Rhône-Alpes accueille le Carrefour maghrébin. Un salon de recrutement dédié aux entreprises d'Afrique du Nord - et surtout marocaines -, en quête de profils de haut niveau
résidant en France. Une occasion à ne pas manquer - la prochaine édition se tiendra les 7 et 8 mars prochains. ' Nous avons lancé cette rencontre pour les étudiants d'origine marocaine, dont une grande partie souffre
de discrimination en France. Le pays est en pleine évolution, et de nombreuses opportunités leur sont offertes ', affirme Yasmina Benchekroun, une étudiante de 21 ans, en quatrième année de l'Insa Lyon et responsable de
la communication du salon.Le moment est donc opportun pour profiter de cette formidable expansion. D'autant que la relève ne tardera pas à prendre le relais. ' C'est une grande chance pour moi de travailler dans une entreprise
française : j'y apprends la rigueur, les méthodes de travail, la discipline, l'autonomie. Et nous voyons le client, qui se rend ici tous les trois mois. ' A 22 ans, le jeune Faris a été recruté par GFI Maroc, l'été
dernier, à la sortie de son école d'ingénieurs à Casa. Le prestataire l'a invité à rejoindre sa première équipe offshore. Une aubaine. Dans quelques mois, l'espace offshore de GFI comptera plusieurs dizaines
d'ingénieurs. Recrutés localement, cette fois, puisque c'est le but de ces plates-formes.Atout indéniable du Maroc sur le terrain de l'informatique : le pays entretient depuis de nombreuses années une forte culture mathématique. Ses ingénieurs sont réputés pour leurs fortes compétences. Ajoutons à cela une motivation
rare en Europe, et le cocktail produit des équipes particulièrement efficaces. Reste tout de même une inconnue, et de taille. Les prochaines élections marocaines, en juin 2007, risquent de voir la tendance islamiste dominer... Qu'en sera-t-il
alors de cette prodigieuse ouverture ?
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