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Depuis l'apparition des centres de services partagés, le chef de projet voit ses fonctions se diversifier. Celui de ' front office ' et celui de 'back
office ' se partagent désormais la conduite des opérations.
Rightshore chez Capgemini, Xshore chez Sopra Group, Global Service Delivery chez Unilog LogicaCMG... Chaque SSII y va de sa terminologie afin de décrire une nouvelle réalité : l'éclatement des projets, menés de plus en plus
couramment depuis des sites géographiquement distribués. A l'instar des composants d'une automobile fabriqués en plusieurs endroits, le développement d'une application est le produit d'un ensemble d'activités exécutées dans différentes
localités : sur le site du client ou dans un centre de services à proximité, dans une région voisine, dans un pays proche (nearshore), voire lointain (offshore). La ligne directrice énoncée par les prestataires étant l'utilisation des
compétences au meilleur prix, en fonction de leur disponibilité et des contraintes imposées par l'entreprise cliente. C'est l'essence du terme ' rightshore ', marque déposée par la SSII française
Capgemini.Cette évolution entraîne évidemment des conséquences sur la façon de mener les projets d'intégration ou les opérations de tierce maintenance applicative. Fini, le responsable du projet qui profitait de toute son équipe directement à
ses côtés. La conduite des opérations est à présent partagée entre un chef de projet ' front office ', responsable de la relation client et des engagements pris auprès de ce dernier, et un alter ego
' back office ', chargé de réaliser les développements et les tests d'intégration au sein du centre de production distribué. ' Le responsable relation client demeure le patron
global du projet. Son rôle d'animation d'équipe est moins marqué. Il va recentrer sa mission d'une part sur la bonne définition des spécifications et d'autre part sur le contrôle des niveaux de services ', précise Jean-Luc
Deixonne, directeur de projet chez Capgemini. Définis avec le chef de projet côté production, ces niveaux de services internes s'expriment de façon traditionnelle en termes de charge de travail (en jour/homme ou en unité d'?"uvre) et de délais de
livraison des différents composants de l'application. Chez GFI Informatique, les chefs de projet ' front office ' émanent à 80 % des agences, rapporte Christophe Chauvin, le directeur industriel du
groupe. Ce fait s'explique par la nécessité de posséder une bonne connaissance du métier de l'entreprise pour exercer une telle fonction.
L'impératif d'une bonne coordination
Afin d'organiser le travail en moderé parti, les chefs de projet s'appuient sur des outils et des méthodes qualité maison (Media chez Sopra, Cortex chez Unilog Logica-CMG...) édictant les règles de fonctionnement à respecter.
Leur mise en place opérationnelle est parfois assurée par des spécialistes. Chez Capgemini ou Unilog, un responsable de la cellule qualité - ou un ' transition manager ' si le projet est une
opération de tierce maintenance applicative (TMA) - est chargé d'installer ces procédures et les outils de communication ou de reporting afférents. D'autres opérationnels encadrent le chef de projet, tel le responsable qualité, qui audite le
déroulement des projets. De même, un ' bid manager ' (parfois dénommé ' solution architecte ') va préparer le terrain en définissant le découpage théorique
des tâches entre le centre de services et l'équipe locale, ou front office.Mais la réussite du projet repose avant tout sur la bonne coordination entre le chef de projet local et son ou ses alter ego en centre de services. ' Dans ce mode distribué, on a un fonctionnement particulier à
gérer en interne : à savoir un projet découpé en plusieurs parties ', souligne Jacques Vesco, directeur des offres et industrialisation chez Sopra Group. Leur étroite collaboration s'avère particulièrement cruciale lors
de la phase d'initialisation du projet. Chez Sopra, ils délimitent ensemble le partage des tâches entre le centre de services et l'équipe front office, selon les enjeux et les risques du projet : le dimensionnement des équipes et le planning
d'exécution des phases de spécification fonctionnelle générale, de spécifications techniques détaillées, des tests d'intégration, etc. On retrouve ce mode de fonctionnement tout au long de la vie du projet. ' Chacun concocte
un plan de bataille hebdomadaire avec ses équipes, puis les chefs de projet se retrouvent pour un point d'avancement global du projet ', complète Jacques Vesco.Chez Unilog, la définition de la répartition des tâches, souvent prédéterminée grossièrement en avant-vente, incombe davantage au chef de projet front office, rebaptisé ici ' delivery
manager '. ' Celui-ci est responsable de la planification précise du projet et de l'ajustement des " blended rates ", c'est-à-dire des ratios d'activité par centre définis lors
de la phase d'avant-vente. Il orchestre également les chassés-croisés des intervenants sur les sites du client et du prestataire ', décrit Jean-Marie Barret, delivery manager outsourcing chez Unilog.
Se déplacer pour maintenir l'unité de l'équipe
Le défi, imposé par la distance, tient à la bonne compréhension par les équipes de développement situées dans le centre de services des spécifications fonctionnelles de l'application à développer ou maintenir. Malgré les efforts de
formalisation menés par les SSII, l'échange de documents, aussi sophistiqué soit-il, demeure insuffisant pour garantir ce transfert de connaissances. Les chassés-croisés évoqués visent à dépasser la séparation des rôles entre l'équipe proche du
client, chargée des tâches de conception, et les équipes du centre de services, plutôt astreintes aux tâches de réalisation. ' Une séparation stricte ne fonctionne pas, tranche Manu Kaïla, directeur Rightshore pour
Capgemini France. Il est impossible de coder correctement une application, même si l'on est un expert du langage utilisé, sans comprendre la fonction et les processus qu'elle sous-tend. 'La tendance actuelle est de convier les équipes du centre de services à intervenir le plus tôt possible. Chez Sopra, les référents fonctionnels des centres de services passent ainsi quelques mois sur le site client lors du démarrage
d'un projet de TMA. Inversement l'équipe front office apporte sa contribution afin de sécuriser la prise en charge du domaine applicatif repris. Idem chez Capgemini, où des consultants fonctionnels effectuent, pour des projets d'intégration
importants, un séjour prolongé au moment de la phase de conception détaillée. ' Ils récupèrent les travaux réalisés pendant la phase de conception générale, de comprendre les décisions prises, telles les règles de gestion, et
de connaître les intervenants ', relève Jean-Luc Deixonne.Capgemini cherche à pousser la logique plus loin. La SSII tisse peu à peu un réseau de consultants fonctionnels référencés par secteur et spécialité (comme un spécialiste de la facturation chez un opérateur), qu'elle dissémine dans
tous ses centres délocalisés. La société espère obtenir ainsi une participation maximale des équipes des centres de services à toutes les étapes du projet. Notamment aux phases amont de conception. ' Cela autorisera, à moyen
terme, une délocalisation accrue des projets ', promet Manu Kaïla. Par exemple, en déportant la phase de spécifications détaillées, voire, demain, une partie des travaux de définition d'architecture ou d'analyse des besoins.
La mobilité des intervenants présente un autre intérêt : ' On gomme en partie la séparation physique entre front office et back office. Qu'il soit à Paris ou à Toulouse, chacun doit se sentir partie intégrante d'une
équipe projet ', relève Jean-Luc Deixonne.S'il privilégie le téléphone, le chef de projet effectue également des déplacements réguliers. Ces derniers l'aident à instaurer une bonne communication et l'unité de l'équipe de projet. La distance ne doit pas l'empêcher de mettre un
nom et un visage sur chaque participant. ' Si un problème survient, le chef de projet doit se montrer capable d'établir un contact direct avec la personne qui réalise le composant logiciel concerné. Il faut donc qu'il le
connaisse ', observe Jean-Luc Deixonne.Les déplacements, le degré de formalisation plus poussé nécessaire pour compenser la distance, de même que les fonctions doublonnées expliquent le surcoût inhérent à ces projets délocalisés. ' De 10 à 30 %
par rapport à un projet en mode unitaire ', estime Christophe Chauvin. Des surcharges ensuite largement compensées par le différentiel salarial.o.discazeaux@01informatique.presse.fr
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