Claude Kirchner (Inria) : “ extraire, analyser et maîtriser nos données est un enjeu crucial ”
Délégué général à la recherche et au transfert pour l'innovation au sein de l'Inria, Claude Kirchner a pour mission d'orienter la politique de partenariats stratégiques avec les industriels.En quoi consiste votre mission au sein de l'Inria ?Claude Kirchner : L'Inria est un organisme de recherche en sciences informatiques et mathématiques dont l'objectif est de concevoir des logiciels et des technologies utilisables dans divers domaines comme la médecine, le développement durable ou les technologies de l'information. Sur de multiples projets, nous collaborons avec d'autres instituts de recherche tels que le CRNS, les centres hospitaliers universitaires et l'Inserm. Dans cet environnement, ma mission consiste à superviser les activités scientifiques de l'Inria en visant à développer le transfert de technologie vers la société, l'économie et l'industrie.Comment se positionne l'Inria au niveau international ?CK : Au vu des résultats aux appels très compétitifs de l'European Research Council, nous sommes, au niveau européen, le premier établissement de recherche en informatiques et en mathématiques appliquées. De plus, au regard du nombre de publications internationales ou des relations entretenues avec les autres grandes institutions au travers le monde, nous occupons une très bonne place sur la scène internationale.Si la France est aussi bien classée en termes de recherche, pourquoi ne parvient-elle pas à créer des Google ou des Facebook ?CK : Dans l'Hexagone comme en Europe, nous bénéficions d'excellents chercheurs et équipes de recherche, mais nous n'avons pas, comme aux Etats-Unis, cette capacité à dynamiser les projets de transfert et les start up, à convaincre les financiers à investir. C'est pourquoi plusieurs de nos chercheurs travaillent actuellement au sein de la Silicon Valley, afin d'étudier la façon dont les Américains procèdent et de nous associer éventuellement à ce dynamisme. La direction du transfert et de l'innovation de l'Inria a été constituée pour aider nos chercheurs à transférer les technologies issues de nos équipes projet, mais aussi pour créer de la valeur afin de développer l'emploi, tout particulièrement vers les petites et moyennes entreprises. Depuis la naissance de l'Inria, près de 120 start up ont été fondées, dont 6 en 2010 et 7 en 2011 ; nous sommes sur la même tendance cette année. Nous travaillons également à accompagner nos chercheurs dans leur insertion au sein des entreprises et dans le monde économique.Etes-vous optimiste quant au développement numérique de la France ?CK : La conscience du numérique dans l'Hexagone est très récente, comparée aux Etats-Unis. Toutefois, des initiatives telles que l'entrée de l'informatique au Collège de France ou l'enseignement de la discipline en terminale S, s'avèrent très positives. Il faut maintenant aller beaucoup plus loin car il est inconcevable, au regard de l'importance du numérique dans notre quotidien, que l'informatique ne soit pas enseignée au même titre que les mathématiques ou le français.Et sur un plan industriel, le retard de la France peut-il être comblé ?CK : Au niveau industriel, nous avons évidemment une carte à jouer. Le pétrole du numérique, c'est la donnée. Or, qui détient et accumule aujourd'hui ces données ? Essentiellement des entreprises américaines telles que Google et Facebook. Si nous n'agissons pas rapidement, nous serons une fois encore dépendants d'entités extérieures pour faire fonctionner une partie de notre société et de notre économie. Il nous faut donc travailler à l'émergence de technologies et d'entreprises capables d'extraire, d'analyser et de maîtriser nos données. Il s'agit d'un enjeu stratégique. A nous de créer, en France et sur le Vieux Continent, les conditions de la maîtrise des données par nos entreprises et nos services publics, tout en sensibilisant l'ensemble de la société. L'Inria en fait un point majeur de son futur plan stratégique 2013-2017.
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