Comment le web 2.0 a fait vaciller Ben Ali

[Blog] Facebook, Twitter, YouTube, WikiLeaks… la révolution du jasmin fait un large usage des outils du web 2.0. Un modèle de cyberdissidence qui pourrait faire école.
Avant-propos. Il ne s’agit pas ici de laisser à penser que la révolution du jasmin ne serait que virtuelle. Un soulèvement populaire se gagne dans la rue et non à coup de tweets. La jeunesse tunisienne - et ses martyrs - nous le rappelle tous les jours. Les médias sociaux jouent, en revanche, le rôle de caisse de résonance au sein d’une société jusqu’alors privée d’expression.
Au commencement était WikiLeaks. Le 7 décembre – dix jours avant l’immolation de Sidi Bouzid - Le Monde publie via WikiLeaks un câble diplomatique américain décrivant la corruption au plus niveau du régime de Ben Ali. Titré « Ce qui est à vous est à moi », ce mémo qualifie l’entourage familial du chef de l’Etat de « quasi-mafia ». Une dizaine d’exemples sont donnés et notamment l’affaire du yacht volé par deux neveux puis restitué peu de temps après à un homme d’affaires français « bien introduit ».
YouTube, le relais vidéo. Fin décembre, les premières vidéos des manifestations et de leurs répressions sont mises en ligne. Une dizaine de jours plus tard, YouTube est accusé de censurer des images provenant du service d’urgence de l’hôpital d’El Ghasrin. Un mauvais procès semble-t-il. Les images particulièrement insoutenables justifiaient la suspension de la vidéo puis leur accès restreint aux utilisateurs de plus de 18 ans.
Le firewall se fissure. The Tech Herald détaille comme le pouvoir tunisien se servait du fournisseur d’accès national ATI pour espionner les services de Gmail, Yahoo ! et Facebook. Un code de Javascript injecté sur les pages d’authentification permettait de récupérer les identifiants et mots de passe des internautes. Slim Amamou, le blogueur tunisien qui avait dévoilé le pot aux roses dès juillet est arrêté.
La cyberdissidence s’organise. Avec plus d’un million et demi de fans de Facebook – sans compter la diaspora - pour un pays de dix millions d'habitants, la cyberdissidence fait tâche d’huile. Nombre de comptes Facebook troquent leur photo pour le symbole de la révolution : le drapeau tunisien encerclé de mains. Le portail Nawaat.org fédère les énergies tandis que les hackers d’Anonymous lancent une attaque massive sur les sites proches du pouvoir (le site du parti unique reste indisponible). De son côté, le Parti Pirate français appelle dès le 6 janvier la diplomatie française à ne pas cautionner les exactions commises… cinq jours avant la déclaration à controverse de Michèle Alliot-Marie devant l'Assemblée Nationale.
Un geek dans le gouvernement par intérim. A peine libéré, Slim Amamou, notre blogueur, est propulsé secrétaire d’Etat à la jeunesse et aux sports. Il l’annonce sur Twitter avant même la composition officielle du gouvernement d’union nationale. Dans un autre tweet daté d’hier, il déclare de ne pas vouloir démissionner « comme les autres ». Associé au cabinet Ernst & Young, Sami Zaoui se voit, lui, confier le portefeuille du numérique.
Le nouveau pouvoir sonde l’opinion. Un contrefeu ? Sur le mode participatif, le gouvernement transitoire propose sur Tunisie2011.com de faire connaître les candidats aux futures élections présidentielles – et, espérons-le, les premières démocratiques du pays. Un mini-CV les présente et il est déjà possible de voter… en ligne.
La mémoire vive du web. Et pour ne pas oublier les errements de l’ancien parti unique, le web peut servir l’Histoire. Comme cet appel pour un nouveau mandat de Ben Ali en 2014 signé par 65 personnalités « de premier plan ». En bas de cet appel, les commentaires signés pour la plupart sous une vraie identité sont édifiants. En espérant que ces archives ne servent pas à une quelconque chasse aux sorcières.
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