Comment Renault aide ses vendeurs à mieux cibler leurs clients

La division marketing véhicules utilitaires de Renault utilise depuis plusieurs mois un logiciel décisionnel pour détecter les entreprises au parc automobile vieillissant et ainsi leur proposer une alternative personnalisée.
En louant notre dernier modèle de Laguna, en remplacement de celles que vous avez actuellement, vous économiserez 2 000 euros par véhicule par an, explique le commercial Renault. Vous aurez un véhicule neuf qui consomme moins ». L’argument a de quoi séduire le directeur des achats de ce grand compte qui possède cinq voitures de ce type pour les VIP. Mais cette entreprise possède aussi une vingtaine de véhicules utilitaires de marques et gabarits différents, dont les contrats de location arrivent tous plus ou moins à échéance. Le commercial sait, chiffres à l’appui, quels véhicules Renault il va pouvoir mettre en avant et ceux, au contraire, sur lesquels la négociation sera plus difficile.

Car la concurrence est rude, et le marché de la location de véhicule longue durée n’est au beau fixe. En effet, selon le Syndicat national des loueurs de voitures en longue durée (SNLVLD), le nombre de locations de voitures et d’utilitaires légers en longue durée a baissé de 1,3% au troisième trimestre, à 92 123 unités, et de 6,2% sur les neuf premiers mois de l’année, à 290 993 véhicules.
En France, le groupe Renault (41,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012, 1,7 milliard de bénéfices) et PSA Peugeot Citroën (55,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 5 milliards de pertes) s’arrogent l’essentiel du marché. Les véhicules utilitaires légers Renault dominent les ventes (31,2% de part de marché), face aux Citroën (17,2%) et aux Peugeot (16,6%). Cependant, en un an, l’érosion du marché a été beaucoup plus forte chez la marque au losange, avec 9,7% de véhicules immatriculés en moins, contre une baisse de 3,4% pour Citroën et de 5,7% pour Peugeot.
Argumentaire sur mesure
Dans ce contexte particulièrement difficile, Renault a décidé d’améliorer la connaissance de l’état du parc de véhicule des entreprises qu’il démarche. Objectif : construire un argumentaire technique et économique personnalisé pour convaincre chacun des prospects approchés et reconquérir des parts de marché dès 2014.
Or, le constructeur automobile loue et vend ses véhicules à toutes les typologies d’entreprises, de l’artisan au grand compte. Mais les modes de financement sont très différents. « Les grandes entreprises louent leurs véhicules 48 mois en moyenne. Elles sont dans une logique d’investissement et de lissage mensuel des charges, explique Jean-Louis Wiedemann, chef de service marketing ventes flottes et véhicules utilitaires chez Renault.
Les artisans préfèrent quant à eux être propriétaire de leurs véhicules ». Pour répondre au mieux à chacun des segments de marché, Renault a déployé une structure de vente dédiée à chacun d’entre eux : 4 500 vendeurs s’occupent des artisans et commerçants, 650 se concentrent sur les TPE et PME, 35 managers se chargent des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 18 responsables traitent directement avec les plus grands comptes. Ces segments (PME, ETI et grands comptes) sont très dynamiques.
Sur le seul marché des utilitaires, 47 000 entreprises françaises ont des flottes de plus de six véhicules, représentant 56% du parc de véhicules d’entreprise et 65% des nouveaux achats de véhicules Renault. Autrement dit, le rapport entre le nombre d’entreprises et le nombre de ventes potentielles est plus favorable sur le marché des grands comptes, à condition d’équiper les commerciaux d’indicateurs pertinents.
En effet, la seule connaissance quantitative de la flotte d’une société n’est pas suffisante. Jusque-là, Renault se contentait des seules données d’immatriculation des véhicules d’entreprise, achetées au Ministère des Transports. « Or nous devions aussi avoir connaissance de l’activité et de l’état de santé de nos clients et prospects, indique Jean-Louis Wiedemann. Par exemple, à l’occasion de nos campagnes de mailing, 9% des messages étaient envoyés à des entreprises en mauvaise santé, ou ayant disparu ».
Tableau de bord en ligne
Depuis septembre 2013, le constructeur automobile utilise Access Insight, un tableau de bord disponible sur Internet (en mode Saas, Software as a service), accessible aussi bien sur un ordinateur que sur un smartphone et une tablette. En plus des traditionnelles données d’immatriculation, Renault a enrichi ce logiciel avec des données sur la santé financière des entreprises, leur composition capitalistique et actionnariale, ainsi que les différents contacts (acheteur, gestionnaire de parc, etc.)… Accès Insight a été mis à disposition de plus de 600 vendeurs et managers PME et grands comptes, sous le nom de code interne Fleetbase.
En pratique, les commerciaux, généralement affectés à des zones géographiques précises, ont une visibilité cartographique de leurs performances, c'est à dire des entreprises où la marque est bien représentée et, surtout, celles où elle l’est moins. C’est donc là où il y a le plus fort potentiel de vente pour le fabricant. « Grâce à cet outil, nous connaissons très finement la flotte automobile d’une entreprise aussi bien, voire mieux, que l’entreprise elle-même », s’amuse Jean-Louis Wiedemann. Marque, modèle, année, nombre de places, consommation de carburant, émission de CO2… Tous ces paramètres techniques sont identifiables en un coup d’œil. Grâce à des filtres, les vendeurs peuvent alors construire l’argumentaire personnalisé qui leur manquait tant. Par exemple, Renault peut développer un argumentaire autour de l’émission de CO2 des véhicules.
Cet indicateur a une répercussion économique directe puisque les entreprises payent une taxe proportionnelle à ce niveau d’émission. D’ailleurs, à compter du 1er janvier 2014, un nouveau barème du malus automobile sera appliqué, à la défaveur des véhicules polluants. La taxe atteindra 8 000 euros pour les véhicules émettant plus de 200 grammes de CO2 par kilomètre. Dès lors, Renault peut proposer des véhicules moins polluants, c'est à dire moins gourmands en carburant et plus faiblement taxés. « Dans bien des cas, l’économie réalisée finance quelques mois de loyer des nouveaux véhicules », illustre Jean-Louis Wiedemann. Ainsi, en s’équipant du dernier modèle de Clio, en remplacement de la version précédente, une entreprise gagne deux mois de loyer.
En production depuis trois mois, Renault estime ne pas avoir suffisamment de recul pour mesurer les bénéfices financiers dégagés grâce à Accès Insight. Et si le cout de l’utilisation n’a également pas été révélé, Jean-Louis Wiedemann estime que le retour sur investissement lié à l’ensemble de la mise en œuvre du logiciel (licences, enrichissement de la base de données, tests…) sera atteint en moins d’un an. L’outil a toutefois un point faible : le réseau de vendeurs ne peut saisir d’information dans le logiciel. Or les concessionnaires en visite chez leurs clients engrangent beaucoup informations utiles tant sur la vie de l’entreprise que sur sa flotte de véhicules. Autant de données qui pourraient enrichir l’outil et qui ne peuvent pas, encore, être exploitées.