Paul-Marie Dupré est le pseudonyme du DSI d'un groupe industriel international. Chaque mois, il nous apporte son témoignage ? anonyme ? sur des thématiques sensibles. Cette semaine : comment bien comparer ses coûts.En comparant mon ratio coûts informatiques/chiffre d'affaires avec celui d'un confrère, je constate que le sien est meilleur de 30 %. Alors que j'allais le féliciter, il m'interrompt et me dit qu'en réalité, il ne dépense pas assez. Ses dépenses ne permettent pas de maintenir la qualité du système d'information (SI) au niveau attendu par sa direction. Son ratio est plus bas mais insuffisant, et donc pas meilleur : ce que l'on entend par “ meilleur ” ratio est donc sujet à discussion, et mieux vaudrait parler de ratio “ adapté ” à la situation. Les comparaisons de coûts, censées être l'occasion d'une réflexion approfondie sur les “ pratiques ” de deux entités, se résument-elles trop souvent à une comparaison hâtive sur quelques chiffres que l'on pense clés ?
Tenir compte d'éléments non chiffrables
Autre exemple : avec mes homologues européens, nous confrontions nos ratios IT. Je signale à mon patron qu'il faudrait tenir compte d'éléments non chiffrables tels que la qualité du service rendu, le support assuré par les métiers hors budget IT, ou encore la formation dont les utilisateurs finals ont bénéficié. Après réflexion, il me répond que ma remarque se justifie, mais que cela serait trop compliqué à prendre en compte, et donc que l'on en restera aux chiffres. Et bing ! Voilà que nous comparons des choux et des carottes ; pardon, le prix des choux et le prix des carottes. Que les uns coûtent plus ou moins cher que les autres, nous pouvons le calculer et le mesurer. Pourtant, cela ne nous renseigne guère sur la valeur réelle des choux ou des carottes. Car même au sein d'un groupe, les SI diffèrent assez d'un pays à l'autre pour que la comparaison des ratios ne permette pas de déterminer le système d'information le plus performant sur tel ou tel domaine.La comparaison doit être perçue comme un travail préalable à la réflexion. Des coûts ? ou tout autre indicateur ? inférieurs ou supérieurs ne doivent pas être considérés en eux-mêmes comme meilleurs ou moins bons. Ils sont simplement inférieurs ou supérieurs. Le travail de réflexion commence à partir de cette constatation. Et la première question à se poser est pourquoi existe-t-il des écarts ? Quels sont les éléments pris en compte dans les coûts ? Les disparités peuvent être considérables. Par exemple, l'achat de PC pourra être pris en charge par les métiers, ou refacturé par le service informatique et intégré dans les coûts IT… Se pose également la question du niveau de service proposé par l'IT ? Selon que l'on dispose d'une véritable application ou d'un jeu de feuilles Excel, le niveau de service ne sera pas le même, le coût non plus. Il faudrait prendre en compte le temps consacré par les utilisateurs à gérer leur application Excel !Faire que les aspects qualitatifs aient raison des chiffres
Dans ce cas, une approche par les points de fonction peut s'avérer intéressante ou, simplement, un questionnaire visant à évaluer le degré de couverture fonctionnelle ou de satisfaction des utilisateurs. Enfin, quels sont les services éventuellement reportés de l'IT vers les métiers ? Le support de premier niveau est-il assuré par des utilisateurs pilotes (key users) reconnus dans les métiers, ou par l'informatique ? Comment valoriser le service rendu par les key users dans le premier cas, par l'IT dans le second, de façon à réintégrer cette valeur dans la comparaison ?Inversement, certaines activités sont-elles assurées par l'IT alors qu'elles le sont par les métiers ailleurs ? Ensuite, quelles circonstances contribuent à expliquer cet état de fait ? Mon groupe bénéficie d'une forte culture centralisatrice, les différents pays sont très homogènes ; il est concentré sur un seul métier, ne vend qu'en B to B, n'affiche pas de croissance externe depuis plus de dix ans, ou au contraire… Enfin, quelles pratiques propres à l'IT peuvent expliquer de tels écarts de coûts : centralisation ou non de l'IT, contrats d'achats groupés, culture de l'économie ou, au contraire, préférence pour les solutions haut de gamme, nombreux échanges entre pays ou relative indépendance…Après cette analyse approfondie, gageons qu'il ne restera pas grand-chose de la comparaison initiale, et que les aspects qualitatifs auront eu raison des chiffres. Et c'est bien là l'intérêt de la démarche : partir des chiffres pour rechercher leurs causes profondes.
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