Concurrence : Google publie l’intégralité de ses engagements vis-à-vis de l’Europe

Alors que le Commissaire européen chargé de la concurrence se dit satisfait des engagements de Google, ses adversaires veulent se faire entendre et exigent plus de transparence? Et justement, en matière de transparence, Google s'y connaît !
Lors d’une conférence de presse, le 5 février dernier, Joaquim Almunia, Commissaire européen en charge de la concurrence, se disait satisfait des dernières propositions de Google. « Je crois que la nouvelle proposition obtenue auprès de Google après de longues et difficiles discussions peut désormais répondre aux inquiétudes de la Commission. Sans empêcher Google d’améliorer ses propres services, elle fournit aux utilisateurs un vrai choix entre les différents services en concurrence d’une manière comparable », déclarait-il, indiquant qu’il allait soumettre ces propositions à l’avis de la Commission.
Manque de transparence ?
Joaquim Alumnia précisait également qu’il n’avait pas l’intention de passer par la case market tests -qui consiste à soumettre les documents à l'ensemble des acteurs - bien qu'ils aient contribué à repousser les deux premières propositions. Le Commissaire européen a adressé cette troisième proposition aux seuls plaignants dans cette enquête pour abus de position dominante.
Une décision qui a eu pour effet d’agacer des groupes lobbyistes comme Fairsearch ou l’ICOMP. Ce dernier s’interrogeait même dans un communiqué sur les motivations du Commissaire et sur l’intérêt à jouer la carte de la transparence alors que la procédure pourrait arriver à son terme : « Une plus grande transparence sur ces propositions ne servirait-elle pas l’intérêt public et n’aiderait-elle pas à faire taire les critiques qui déclarent que ces engagements sont inutiles ? »

Réponse du berger à la bergère
C’est dans ce contexte tendu et menaçant que Google a réalisé ce que la Commission européenne n’a pas souhaité faire. Dans un effort de transparence qui fleure bon l’ultime pied de nez, le géant américain a publié, vendredi, sur un de ses blogs officiels, la totalité de ses engagements destinés à apaiser l’ire de la Commission européenne et de ses concurrents.
Une décision qui a été saluée par certains de ses détracteurs, comme David Wood, conseiller juridique de l’ICOMP, qui déclarait qu’il est « important et nécessaire de permettre aux parties tierces et aux organisations de consommateurs de prendre connaissance des propositions revisitées ». Il ajoutait également qu’il « est encore plus important que la Commission écoute et prenne en considération leurs commentaires et analyses ».


Des engagements et peu de risques
Quoi qu’il en soit, dans un document de 93 pages – dont près de 50 servent de support à des captures d’écran des services avant et après applications des engagements, Google détaille les paramètres utilisés pour établir les classements des résultats de recherches dans ces différents services : shopping, recherche locale, voyage, etc. Il liste également les propositions de modifications, dont l'intégration pour chaque service de résultats « alternatifs » (voir ci-dessus).
Ainsi, Google signalera aux utilisateurs quand ils vont suivre un lien menant vers du contenu « Google », des images, notamment. Afin, de ne pas utiliser des données générées par des concurrents pour ses propres services, le géant de Mountain View proposera également aux fournisseurs de contenus « la possibilité, s’ils le souhaitent, de refuser l’utilisation de leur contenu dans les services de recherche spécialisés de Google, et ce sans être pénalisés par Google », expliquait Joaquim Almunia. Un ou plusieurs mandataires indépendants, payés par Google et approuvés par la Commission, devront s’assurer que ces engagements seront appliqués et respectés. Reste maintenant à savoir si Google aura moins de problème qu’Apple avec un tel mandataire.
Mais, dans l’absolu, Google n’a, semble-t-il, pris que peu de risque. Joaquim Almunia a déjà indiqué qu’il est peu envisageable que les plaignants le fassent changer d’avis et l’empêchent d’accepter les dernières propositions du géant américain. Tout en promettant d’étudier avec attention les retours des concurrents de Google, il avait déclaré : « Je ne pense pas que je changerai d’avis par rapport aux propositions ». Sachant qu’il n’entendait même pas écouter les argumentations des lobbies comme l’ICOMP ou Farisearch, qui étudient à l'heure actuelle le document de Google. Le groupe de Larry Page pourrait avoir échappé aux sanctions européennes…
Tout n'est pas joué...
Mais c'est sans compter sur une fronde d'une partie des Commissaires européens qui s'opposent à la tournure que prend la situation. Environ un tiers des Commissaires, à en croire Reuters, s'opposerait à ce qu'un accord soit trouvé entre Google et la Commission européenne dans la forme actuelle. Neuf oppositions ne seraient pourtant pas suffisantes pourtant pour empêcher le Commissaire Almunia de valider les propositions du géant américain.
Pour Michel Barnier, autre Commissaire européen, la Commission a eu un « très long débat, ce qui prouve qu'il y a beaucoup d'inquiétudes et de questions. Nous n'avons pas fini notre travail sur le sujet », concluait-il. La procédure d'enquête a duré près de trois ans et Google pourrait écoper d'une amende allant jusqu'à cinq milliards de dollars si aucun accord n'était trouvé et qu'un abus de position dominante était démontré. La décision des Commissaires devrait être rendue dans les mois à venir, de quoi laisser le temps aux différents lobbies et acteurs de défendre leurs points de vue. Si Google semble proche d'échapper au pire, tout n'est pas encore joué...
A lire aussi :
Zoom Actu : Google est-il trop puissant ? - 07/02/2014
Concurrence : Google prié d’envoyer de nouvelles propositions à Bruxelles – 15/01/2014
Bruxelles estime que les propositions de Google ne sont « pas acceptables » - 20/12/2013
Sources :
Conférence de presse de Joaquim Almunia
Communiqué de l’ICOMP
Blog pour l’Europe de Google
Reuters