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Dell, Apple, Toshiba, IBM... Tour à tour, les constructeurs rappellent les batteries de leurs portables. Y aurait-il des bombes à retardement sous nos claviers ?
L'histoire que raconte Hinckley Allen paraît à peine croyable. Son PC portable était innocemment posé sur la table basse. En passant à côté, il entend un bruit curieux sous le clavier. Des craquements, quelques sifflements aussi. Ce
n'est pas le disque dur, il en est sûr. A peine s'approche-t-il pour mieux identifier le bruit qu'une odeur terrible le repousse : un mélange de brûlé et d'acide. Quelques secondes plus tard, une flamme jaillit sous la machine. Et soudain,
boum ! Projeté en l'air par l'explosion de la batterie, l'ordinateur finit sa course par terre.Voilà bientôt dix ans que les cassandres préviennent de la dangerosité des accumulateurs lithium-ion, les seuls à contenir un liquide inflammable dans un boîtier sous pression. En cas de court-circuit, ils peuvent s'enflammer et
exploser. C'est d'ailleurs pour cette raison que les batteries de ce type se voient rarement utilisées dans les outils de bricolage ou les voitures hybrides. Elles restent, en revanche, la coqueluche de l'électronique, car elles offrent une densité
énergétique deux à quatre fois supérieure à celle des batteries traditionnelles (nickel-cadmium, métal-hybride ou plomb). Etant aussi bien plus légères, elles facilitent la fabrication d'appareils miniatures capables de tenir la journée sur une
seule charge.
Un défaut détecté voici plus d'un an
On rapporte ici et là quelques exemples d'appareils surpris en combustion spontanée. Mais ils étaient rarement médiatisés. Au mieux, ces batteries explosives étaient considérées comme des incidents isolés. Au pire, comme des
affabulations. Cet été, la donne a changé. En juin, l'image d'un portable Dell en flammes dans une salle de conférence de Singapour fait le tour de monde. En juillet, un portable Latitude prend feu dans l'Utah, nécessitant l'évacuation d'un building
et l'intervention des pompiers. Le 14 août, Dell ordonne le rappel de plus de 4 millions de batteries. Le plus important de l'industrie en la matière.Après enquête, on apprend que le problème est diagnostiqué depuis plus d'un an. Entre 2004 et 2005, Dell a analysé une douzaine de cas de batteries qui surchauffent. Résultat : un défaut est décelé sur les cellules lithium-ion de
son fournisseur Sony. Des petites particules de métal parasites peuvent contaminer les cellules, provoquer un court-circuit et surchauffer la batterie.Le défaut aurait été corrigé en février dernier. Sony a revu son processus de fabrication et son contrôle qualité pour limiter la présence desdites particules, et tout serait rentré dans l'ordre. Mais rien n'a été fait pour les
batteries déjà sur le marché. ' A l'époque, nous n'avions aucune confirmation sérieuse de catastrophe, de feu ou d'explosion. Il n'y avait donc pas lieu de déclencher une opération d'envergure ',
précise un membre de l'équipe de conception des portables Latitude.
Pas un problème de design des machines
Alors, inconscients, les fabricants de batteries et de portables ? C'est ce que veulent faire croire les anti-lithium-ion. ' Certes, on ne dénombre pas aujourd'hui de blessés. Mais imaginez que l'incident
vécu par Hinckley Allen se soit produit dans un avion ! Enfin, qui dit que Dell est le seul à souffrir du problème ? ' interroge Ross Dueber, PDG de Zinc Matrix, un fabricant de batteries au zinc, ragaillardi par la
crise. Car le vendeur en direct n'est pas le seul à utiliser ce type de batteries. Sony est en effet le premier fabricant mondial de cellules lithium-ion. L'annonce d'un lot défectueux n'a pas tardé à faire boule de neige. Dix jours après Dell,
Apple rappelle lui aussi 1,8 million de batteries. En septembre, c'est au tour de Panasonic, d'IBM/ Lenovo, de Toshiba, puis de Fujitsu-Siemens de porter le nombre total de batteries rappelées à plus de 7 millions.Il faut maintenant s'attendre à des campagnes de rappel massives. Sony s'y est préparé en contactant ses clients pour définir les modalités de retour. Mais il ne veut pas être le seul responsable de ces portables transformés en
explosifs. Dans un communiqué, il assure que le court-circuit dû aux impuretés conduit, en général, à un simple blocage de la batterie ou à une légère surchauffe. Les risques d'incendie n'interviendraient que si les cellules sont rangées de façon
perpendiculaire ou s'il existe une source de chaleur à proximité immédiate (processeur, alimentation, etc.).Ainsi, ni Acer, ni HP, ni Sony Computer ?" qui, selon nos informations, utilisent les cellules incriminées ?" n'ont pour l'instant annoncé de rappel de leurs batteries. Pourtant, Dell reste formel.
' Il ne s'agit en aucun cas d'un problème de design de nos machines, insiste Michael Dell. Le défaut provient uniquement des batteries. Elles n'étaient pas bonnes, et posent un problème quelle que soit la
façon dont on les utilise. 'Dell et Sony ont beau se renvoyer la balle, cette mauvaise publicité finit par déteindre sur la technologie lithium-ion. Les risques d'explosion, jusqu'ici considérés comme anecdotiques, représentent une réelle préoccupation. Alors,
Apple, Dell, HP et Lenovo ont pris les devants. Ils viennent de se réunir pour établir un standard de qualité des batteries. L'idée consistant à définir des processus de fabrication et de contrôle pour s'assurer que plus aucun ordinateur portable
n'explosera.Toute cette affaire aura au moins eu le mérite de mettre en lumière les risques inhérents aux batteries. De même, elle aura forcé les constructeurs à se montrer plus vigilants sur la sécurité. Personne ne s'en plaindra, à l'heure où
l'on annonce la commercialisation imminente des premières piles à combustible pour PC portables. Rappelons que le méthanol se révèle bien plus inflammable qu'une solution lithium-ion.a.mbida@01informatique.presse.fr
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