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Après Linux, le libre s'introduit dans les applications d'infrastructures, le Web et le décisionnel. Son point faible demeure les applications métier.
Le libre fait aujourd'hui figure de pilier dans plusieurs domaines. Il a prouvé son excellence avec Linux, le système d'exploitation pour serveurs ?" aujourd'hui, 60 % des serveurs sous Unix sont des Linux. Il est
remonté ensuite dans les couches du système d'information avec les serveurs d'applications Tomcat et JBoss. Et il apparaît désormais à tous les étages du middleware, en s'affirmant sur le terrain des architectures orientées
services, des frameworks (Struts, Open Lazslo...), et des environnements de développement comme Eclipse, devenu un standard de fait.En parallèle, le libre a investi la Toile. Avec Apache (dominant dans le domaine des serveurs Web) et sous l'impulsion de langages de programmation (Java, Pearl, PHP, Python et C#) facilitant l'intégration des applications au système
d'information. Les systèmes de gestion des bases de données (SGBD) MySQL et PostgreSQL, commencent à tailler des croupières aux ténors du propriétaire (Oracle et Microsoft). Dans ce secteur, la compétition s'est durcie quand CA a ouvert le code de
son SGBD Ingres et lorsque SAP a confié le sien, MaxDB, à MySQL AB. Et le libre campe devant les couches applicatives. D'excellents systèmes de gestion de contenu (CMS) comme EZ Publish, Drupal, Typo3 ou Spip se sont déjà imposés.En 2006, l'on utilisera dans 75 % des cas le libre pour de nouvelles applications plutôt que pour remplacer des applications existantes, estime le groupe Gartner. Certains acteurs industrialisent leurs plates-formes de
développement de projets en misant exclusivement sur les logiciels à code ouvert. Aujourd'hui, seuls les postes de travail et les applications métier, critiques pour l'entreprise, échappent à son emprise.
Une stabilité des normes et standards propice à l'industrialisation
Toutefois, Linux demeure le principal facteur d'évolution vers le libre, notamment au niveau des infrastructures. ' Nous utilisons Unix depuis les années 80. Linux est arrivé naturellement chez nous, comme un
Unix gratuit, en 1997. Nous fûmes, en quelque sorte, des pionniers ', sourit Bernard Charnay, DSI du groupe Lapeyre, qui fabrique des éléments de construction pour l'habitat. Dans la foulée, le DSI a poursuivi en installant
d'autres composants d'infrastructure inclus dans sa distribution Linux : un serveur de noms de domaines (DNS), des serveurs DHCP (Dynamic Host Configuration Protocol) et proxy (Squid), un service de partage de fichiers (Samba Server), Apache,
un annuaire (OpenLDAP) et la messagerie Sendmail.' Nous avons presque tout fait en interne en abordant les couches une à une, des infrastructures réseaux et télécoms vers le développement d'applications et le middleware pour déboucher sur la couche
applicative. En fait, nous sommes surtout sur le développement et le middleware ', précise Laurent Rousset, adjoint au DSI. Certains développements sont vraiment industrialisés : ' La messagerie
Sendmail, que nous hébergeons, comporte 3 000 boîtes à lettres. Comparée à Exchange de Microsoft, elle ne nous a rien coûté. Notre plus gros moteur en faveur du libre, c'est la maîtrise des coûts ', reprend Laurent
Rousset.Second moteur : la maîtrise du système d'information, notamment des infrastructures. Un aspect crucial. Sur les 350 points de vente, 130 disposent d'un serveur spécifique pour concevoir les produits sur mesure achetés par
les clients. ' Ici, le libre est intéressant, car il se fonde sur des normes et des standards stables qui nous permettent de rester indépendants des éditeurs. Nous pouvons rebâtir notre système d'information selon nos
désirs, explique Laurent Rousset. Avec les solutions de Microsoft, il aurait fallu utiliser son DHCP, son DNS et ses autres briques. Sans garantie de stabilité. Pour nous, le retour sur investissement du libre est surtout
qualitatif. 'En 2000, à l'occasion du lancement du programme de refonte du système d'information du fisc, dénommé Copernic, le ministère des Finances a redéfini les axes stratégiques de sa politique informatique : maîtrise et pérennité du
système d'information et indépendance vis-à-vis des fournisseurs. Quant à la démarche de mise en ?"uvre, elle repose sur l'adoption d'un modèle d'architecture orientée services et, surtout, sur le respect scrupuleux des normes et standards.' L'utilisation des logiciels libres était en 2000 une option parmi d'autres ', rappelle Jean-Marie Lapeyre, directeur technique du programme Copernic. C'est à cette époque qu'il connaît
sa première expérience de déploiement industriel de logiciels libres. La raison ? Encore un problème de version de licences : ' Nous avons été contraints de faire évoluer notre application de gestion de l'impôt sur
le revenu. Soit près de 900 serveurs en production, pour 23 000 utilisateurs et 34 millions de foyers fiscaux à gérer. ' La nouvelle version est déployée début 2001 sur des serveurs Intel fonctionnant sous
Linux. ' Depuis, nous n'avons jamais rencontré un quelconque problème de système ! Cette infrastructure est alors devenue, et de très loin à l'époque, celle dont le coût de possession relatif était le plus faible de notre
environnement. '
Des victoires probantes dans les appels d'offres du secteur public
D'autres expériences ont conforté la confiance du ministère de l'Economie et des Finances en son choix. Jusqu'au printemps 2004, où l'usage du libre passe du statut d'option à celui d'axe de la politique informatique.
' Depuis 2000, nous avions décidé de fonder nos nouveaux développements sur le standard J2EE. En revanche, nous n'avions pas fait de choix particulier d'intégration de conteneur EJB. Dans le dessein de rationaliser notre parc,
nous avons lancé un appel d'offres devant aboutir au choix d'un produit et de l'assistance globale à l'utilisation de cette technologie ', expose Jean-Marie Lapeyre.Neutre quant au modèle, le cahier des charges spécifiait que logiciels libres et propriétaires étaient acceptés. ' Nous exigions le respect des normes (J2EE 1.3 et JMX), et comparions les performances des
produits proposés, la compétence des équipes, l'engagement contractuel et le prix. ' Le directeur technique savait que sa démarche devait être exemplaire. Et que les résultats devaient être incontestables.L'équipe de Jean-Marie Lapeyre conçoit et réalise alors une application test (une charge de travail de 8 mois/homme) incorporant toutes les difficultés connues ?" elle y insère même du code mal écrit ! Chaque société
doit se présenter pour l'évaluation de sa proposition de solution selon un scénario fixé à l'avance. Tous les résultats sont notés et l'avancement chronométré par un tiers indépendant. ' L'épreuve a été reconnue comme
exceptionnellement difficile par tous les candidats ', rapporte Jean-Marie Lapeyre. Sept prétendants se mettent sur les rangs. Quatre d'entre eux, sous la houlette d'une grande SSII (Atos Origin, Capgemini, Bull, Thalès
Services) défendent une offre fondée sur du libre. Le camp des propriétaires rassemble les pontes du secteur : BEA, IBM, Oracle.Au terme de l'épreuve, seules des offres reposant sur le libre figurent sur le podium. Et le tandem Atos Origin-JBoss Inc emporte le contrat. Leçon de l'histoire : ' Pour un outil aussi complexe qu'un
serveur d'applications, il existe, depuis 2004, une offre libre complètement mature. Les logiciels, comme JBoss, sont de bonne facture et l'offre commerciale de services (conseil, intégration, maintenance et assistance) se révèle professionnelle,
compétente et économique ! Notre position est donc parfaitement pragmatique. '
Une solide implantation dans le domaine de la sécurité
Autre point fort du libre, la sécurité. Les antivirus ClamAV et ClamWin se taillent un franc succès aux côtés de l'antipourriel Spam Assassin, notamment chez les fabricants de boîtiers électroniques de routeurs pare-feu. Ici encore,
on trouve des solutions qui s'industrialisent dans les directions informatiques. ' Nous voulions disposer d'un système d'authentification forte afin de protéger les applications de virements utilisées par nos
400 trésoriers ', explique Sylvère Léger, responsable de la sécurité des systèmes d'information (RSSI) chez l'assureur AGF.Le projet, démarré au mois de mars 2004, s'achève au début de 2006. ' Nous avions confié une étude d'opportunité à la société Solucom. Elle a examiné la plupart des solutions disponibles en matière
d'authentification forte. L'enjeu était pour nous de trouver la solution la plus complète possible. Il s'agissait d'intégrer une infrastructure à clé publique (PKI), de rester compatible avec nos applications maison développées sur grands systèmes,
et d'utiliser des cartes à puce du marché ', se souvient Sylvère Léger qui, au terme de l'étude, a opté pour la solution du Français IdealX.' Le calcul est rapide : les éditeurs commerciaux font généralement payer au nombre d'utilisateurs alors que l'éditeur libre propose d'installer le serveur d'authentification et de rajouter autant
d'utilisateurs que souhaité. En fait, pour 400 utilisateurs, cette solution n'est peut-être pas moins chère. Mais si on la déploie pour plusieurs milliers de collaborateurs, ce sera certainement le cas ', tempère Sylvère
Léger. Aujourd'hui, les trésoriers saisissent toujours leur identifiant et leur mot de passe. Mais lors de chaque virement, le système leur demande d'insérer leur carte à puce.En fait, c'est surtout la qualité de service qui rassure le RSSI : ' Nous n'avons accepté le libre qu'à la condition d'être adossé à un intégrateur spécialisé chargé de la maintenance et du support. Il se
trouve aussi qu'IdealX avait déployé sa solution chez un certain nombre de grands comptes, précise Sylvère Léger. Progressivement, nous étendrons l'authentification forte aux données. Par la suite, nous pourrons sécuriser les
courriers électroniques de plusieurs milliers de collaborateurs. 'Après les composants d'infrastructure et la sécurité, le libre inonde les plates-formes de développement d'applications métier. ' Il est présent à tous les étages dans nos développements spécifiques en nouvelles
technologies. Nous avons industrialisé une plate-forme qui combine architecture orientée services et un environnement de développement que nous appelons "l'application blanche". Trente de nos architectes y travaillent. Et elle est
utilisée par des centaines de nos développeurs ', témoigne Didier Chaumont, directeur technique nouvelles technologies chez Capgemini. A l'instar de Capgemini, le groupe Lapeyre a bâti sa propre plate-forme de développement
d'applications métier. ' Dans une perspective de Master Data Management, nous avons développé un système de gestion des référentiels pour la pyramide commerciale, une modélisation des entités de l'entreprise ainsi que notre
site web en Java (J2EE) ', détaille Laurent Rousset qui projette maintenant de s'attaquer à la partie commerciale.Parmi les projets les plus effervescents, la création de sites Web en libre tend à devenir la norme. Après avoir souffert avec Vignette, Bertrand Bigay, patron et DSI de l'éditeur de guides urbains locaux Cityvox, se réjouit d'avoir
racheté un rival, WebCity, qui avait conçu son site en PHP ?" il le faisait héberger par Accelance MSP, lui-même repris par la SSLL OpenWide. ' J'avais rencontré TF1 et Le Monde, qui étaient
passés de Vignette au PHP. Leurs conseils valaient tous les comparatifs de la Terre ', se souvient-il. C'était en 2004. La SSLL a récupéré l'historique de Cityvox et redéveloppé le site avec une application originale en PHP.
' Nous avons commencé la bascule à 6 heures du matin. A 14 heures, c'était fini, et bon du premier coup. ' Bertrand Bigay a aussi transféré les noms de domaines de son hébergeur (BT Fluxus) à
Accelance MSP. ' Le binôme SSLL-hébergeur est fabuleux. Car l'architecture technique (serveurs, frontaux...) a été conçue en cohérence avec le développement applicatif. En termes de performance, le résultat est
exceptionnel. '
En France, la diffusion des PGI libres demeure confidentielle
Dans la mouvance de Linked-In, les sites Web se veulent plus collaboratifs et tablent sur le réseautage. A l'image du récent projet lancé par Matthieu Delouvrier, PDG et DSI de Swensee : ' Notre plate-forme
met en relation tous les acteurs du commerce international. Swensee est le Meetic de l'export. '. De quoi toucher les 100 000 exportateurs de France et espérer atteindre 800 000 entreprises. Le projet
repose sur le système de gestion de contenu Drupal. Il touche trois types d'acteurs complémentaires : les entreprises, les chefs de réseaux qui les soutiennent (chambres de commerce et d'industrie, fédérations, clubs d'exportateurs), et les
organismes officiels qui procurent des aides (Coface, régions...). ' Nous démarrons en France, mais nous avons un schéma de développement international. 'Quant aux applications métier, tels les PGI (progiciels de gestion intégrés), elles ne séduisent pas les grandes entreprises, déjà équipées en solutions propriétaires. Pas de révolution en vue, sauf, dans une certaine mesure, dans les
PME. Certes, le PGI Compiere enregistre plus d'un million de téléchargements dans le monde. Mais il se limiterait en France à une vingtaine de projets de PME. ' En revanche, le décisionnel libre fait son entrée en force. On ne
le voyait pas venir, mais avec Pentaho ou SpagoBI, il existe un engouement ', note Alexandre Zaplosky, PDG de la SSLL Linagora. Une chose est sûre : le prochain terrain de développement du libre sera celui des
applications métier.
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