DCNS : la simulation nous fait gagner en Time to Market

Dans le secteur de la construction navale, les tests en bassin de carène cèdent peu à peu le pas à la simulation numérique. Plus rapide et plus précise, elle permet d'accroître les performances des navires.
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Le groupe DCNS conçoit et construit les navires armés et systèmes de combat de la Marine nationale et de nombreuses marines militaires dans le monde. Issus des arsenaux militaires créés par Richelieu au XVIIe siècle, ses établissements ont une longue tradition dans la conception de carènes. « L’hydrodynamique est une science très ancienne, traditionnellement très expérimentale, explique Alain Bovis, directeur DCNS Research. Nous continuons à faire de nombreux tests en bassin de carène, mais, depuis vingt ans, nous développons nos capacités en simulation numérique. C’est ce que nous avons baptisé le bassin numérique. » La DCNS a mené ses premiers calculs numériques dans les années 60, c'était encore l'époque des ordinateurs à lampes. « L’hydrodynamique, c’est en quelque sorte la science mère du calcul numérique : nous avons mené nos premiers calculs sur ordinateur dans les années 60… A l’époque, c’était avec la petite musique des ordinateurs à lampes ! »
Pas de prototype lorsqu'on conçoit un sous-marin

Depuis, la simulation numérique s'est élargie à de nombreux autres domaines que la seule hydrodynamique : « Aujourd’hui, on simule toutes les performances des navires dans ses différentes manœuvres. On simule écoulement et vibrations de coques lors des manœuvres. On travaille sur tous les signaux émis par le navire : acoustique, électromagnétique, infrarouge, etc. Tout ce qui est détectable doit pouvoir être simulé. Il faut absolument prévoir toutes les performances d’un bâtiment avant qu’il ne soit livré car on est dans une industrie où il n’y a pas de prototype. Le premier exemplaire construit est le premier exemplaire livré. » Pour fabriquer un sous-marin aux capacités optimales, de nombreuses heures de tests en bassin étaient nécessaires. « Si on remonte au programme de SNLE de seconde génération, mené dans les années 90, il fallait encore 50 000 heures d’essais sur maquette. Sachant que la capacité de test d’un bassin de carène, c’est 1 000 heures par an, il a fallu mener de multiples tests dans des tunnels, en mer ou dans des lacs. Pour la génération à l’étude, on va diviser le nombre de ces tests par cinq. » Le groupe DCNS s’appuie sur 1 500 ingénieurs au total, et au moins 300 d’entre eux sont dédiés au calcul numérique.
Des gains en performances très significatifs

Outre le gain de temps et de ressources de tests significatif, la simulation permet d'obtenir des résultats plus précis et de multiplier les configurations possibles pour atteindre l'optimum. Ainsi, sans évoquer les gains apportés sur les coques des sous-marins et autres navires de combat, Alain Bovis souligne les améliorations produites sur le design d'une coque d'un navire moins « sensible », un chalutier : « On se dirige aujourd’hui vers une optimisation multiphysique. C’est une approche mathématique multicritère. Par exemple, nous avons appliqué l’approche à une optimisation d’une forme de chalutier. Plusieurs centaines de carènes ont été ainsi calculées et, au final, comparées à la coque dessinée par l’architecte naval. Nous sommes parvenus à un gain de traînée de 35 %, ce qui veut dire 35 % de carburant consommé en moins. »

Pour atteindre de tels résultats, les ingénieurs du groupe DCNS exploitent à la fois des codes issus du marché, tels que Ansys Fluent, et la plate-forme open source OpenFoam, Code_Saturne d’EDF ou encore le solveur ISIS-CFD créé par l’école Centrale de Nantes. « Leurs équipes sont au tout premier plan mondial en ce domaine. On utilise par ailleurs des codes plus spécifiques, par exemple pour la modélisation du phénomène de cavitation », ajoute Alain Bovis qui souligne toutefois l'importance des tests réalisés en bassin : « Je doute que nous arrivions un jour à zéro essai en bassin. Même en aéronautique, on ne peut se passer des tests en soufflerie. Nous ne visons pas le zéro essai, mais, d’ici un à trois ans, nous aurons encore beaucoup progressé, que ce soit en précision ou en exhaustivité. »
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