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Les datacenters en containers réussissent là où ceux traditionnels en dur sont limités. Rapidité de déploiement, modularité, efficacité énergétique optimisée…, ils répondent aux problématiques temporaires comme aux besoins à long terme. Mais à quel prix ?
Les containers initialement construits pour unifier le transport maritime international ont d'abord été détournés pour fabriquer des habitations. Ils sont en effet résistants, étanches, empilables, modulaires et, surtout, peu chers. Des containers juxtaposés et empilés ont ainsi servi d'aménagements pour certains logements sociaux, étudiants notamment. Depuis le milieu des années 2000, ils ont fait l'objet d'une reconversion supplémentaire : le datacenter.
Un parc vieillissant à déménager ou à reconstruire
Désormais, les containers maritimes recyclés embarquent des centaines d'équipements d'infrastructure informatique, depuis les serveurs jusqu'aux matériels de détection d'incendie, les alarmes et le contrôle d'accès, en passant par le stockage et les équipements réseau. Sun et Rackable (SGI aujourd'hui) ont été des pionniers dans le domaine. Si, depuis le rachat par Oracle, l'offre Modular Datacenter de Sun n'existe plus, les offres commerciales se multiplient depuis quelques mois : HP, Colt ou encore Bull ont suivi, et proposent leurs datacenters containers ou modulaires, chacun avec des spécificités. Ce tout jeune marché a été rejoint en ce milieu d'année par le joint-venture Huawei Symantec, ainsi que par Cisco.Pourquoi un tel engouement de la part des équipementiers ? “ Avec un âge moyen de quinze ans, les centres de données sont vieillissants. Près de la moitié d'entre eux devront être déménagés ou refaits, avec les risques d'interruption de service que cela implique ”, estime Sabine Crespo, chef de produit POD (Performance Optimized Datacenter), l'offre de datacenter en containers de HP. Or, “ jusqu'à présent, les entreprises investissaient dans des datacenters en dur, qui étaient amortis en une dizaine d'années. Mais aujourd'hui, il est impossible de prédire sa production informatique sur de telles périodes ”, ajoute Olivier Jean, responsable de l'offre de centre de données en containers Mobull chez Bull. De plus, au sein même des datacenters, les fabricants de serveurs ont constaté une forte densification de la puissance consommée par rack. Les besoins en très haute densité avoisinent les 30 kW/m2, alors que les datacenters n'ont en moyenne qu'une capacité de 1,5 à 2 kW/m2. A partir de ces différents constats, ce sont les équipementiers informatiques qui ont, les premiers, lancé les offres de containers. “ Ils sont ainsi en mesure de répondre aux entreprises qui ont un besoin rapide et clés en main d'ajustement ou de montée en puissance de leurs datacenters. En plus, les offres peuvent être vendues prééquipées de matériel informatique ”, explique Tristan Labaume, directeur de Greenvision, une société de conseil en efficacité énergétique.
Six mois pour déployer un datacenter en containers
La rapidité de mise en œuvre est en effet un des avantages clés des datacenters modulaires en containers. “ Une fois obtenu le permis de construire nécessaire à l'installation de l'alimentation électrique, aux travaux de génie civil pour amener la fibre et à la sécurisation du site, six mois suffisent pour déployer un datacenter constitué de plusieurs containers et regroupant 5 000 serveurs ”, confirme Henry Klaba, président de l'hébergeur OVH. Le cas d'OVH est particulier : l'hébergeur bâtit un nouveau centre de données entièrement composé de containers qu'il conçoit sur mesure. Il sera basé à Strasbourg et mis en production à la fin de l'automne 2011. Pascal Lecoq, directeur des services datacenters chez HP, constate, lui, que “ très peu de POD sont employés pour bâtir des datacenters complets ou globaux. Ils sont plutôt utilisés comme des compléments, en apportant en trois à six mois de la puissance de calcul qui n'aurait pu être mise en œuvre qu'en douze à dix-huit mois sur un site en dur. ” En tant qu'ajout à l'existant, l'installation du POD ne nécessite aucun permis de construire. “ Nous gagnons ainsi plusieurs mois sur la livraison de la puissance de calcul ”, ajoute-t-il. Dans les mois à venir, HP indique qu'il livrera à une entreprise française le second POD sur les trois qu'elle a commandés. “ Les infrastructures ont été prévues pour accueillir les trois containers à différentes dates : dalle, groupe froid, onduleurs, etc. En une semaine, nous raccorderons et testerons le second POD avant sa mise en production ”, explique Pascal Lecoq.Olivier Jean, quant à lui, segmente la demande de façon plus précise : “ Un tiers des projets répond à des demandes de courte durée, à l'échelle du semestre. Un autre tiers met en compétition une réhabilitation des salles informatiques existantes avec le déploiement d'un datacenter de très haute densité en containers. Un dernier tiers des projets concerne des prévisions de construction, lorsque l'entreprise évalue cette solution par rapport à un datacenter en dur. ” Autrement dit, selon lui, c'est la durée du projet et le budget associé plutôt que son objectif qui conditionnent le choix final.
L'efficacité énergétique en regard du niveau de service
Même s'il s'agit de salles informatiques prêtes à l'emploi en quelques mois, les datacenters en containers sont soumis aux mêmes règles de gestion de la disponibilité que les datacenters traditionnels. En particulier, les niveaux de redondance des infrastructures (tiering) sont définis de la même façon : tier 1, 2, 3 ou 4. Plus le niveau est élevé, plus l'infrastructure de fonctionnement (alimentation, refroidissement, etc.) est sécurisée et est à même d'assurer une haute disponibilité du système. L'espace accueillant ces caissons métalliques doit être desservi en énergie (quelques mégawatts), en réseau télécoms, éventuellement en eau (selon le système de refroidissement) et être abrité. Microsoft ou Google, qui utilisent des containers, ont prévu toutes ces infrastructures avant même l'installation des premiers éléments. Pour ces géants énergivores, les containers permettent d'atteindre des PUE (Power Usage Effectiveness, indicateur d'efficacité énergétique) très bas. L'argument est développé par les fournisseurs de containers : dans un centre de données traditionnel, le PUE dépasse 2. Les containers auraient un taux légèrement supérieur à 1. “ Ce niveau est atteignable mais avec une redondance allégée de l'infrastructure de fonctionnement. Autrement dit, dans ces conditions, un container a une disponibilité statistique moindre. C'est pourquoi ces solutions sont destinées aux importantes structures informatiques homogènes, composées de plusieurs dizaines de milliers de serveurs, tels Google, Microsoft, ou Yahoo. En effet, dans ces cas, la redondance ne s'applique pas au niveau du container mais au-dessus : si l'un d'entre eux tombe en panne, la redondance est assurée par les autres containers composant le datacenter ”, nuance Tristan Labaume. Le niveau de service demandé par l'entreprise et le type de raccordement avec l'extérieur (climatisation, énergie…) influent sur l'efficience énergétique des containers. “ Mais il y a un réel flou autour des valeurs de PUE des constructeurs de containers, car ils n'indiquent pas clairement les niveaux de service avec lesquels ils les atteignent, regrette Olivier Jean. Nous avons un centre de données en containers basé à Grenoble, uniquement utilisé par la R&D, qui bénéficie toute l'année d'un captage d'eau de nappes, donc très efficient. Il n'y a pas d'onduleur, pas de groupe électrogène au diesel. Le PUE est de 1,09, une valeur impossible à tenir dans un contexte de production entièrement secouru et redondé ! ” Une entreprise prête à s'équiper de containers doit donc se poser la question suivante : de quelle capacité et de quelle disponibilité ai-je besoin ?
Des innovations en termes de refroidissement
Pour les entreprises dont le PUE est un critère de choix, les fournisseurs proposent différentes innovations, notamment en termes de refroidissement du container. Bull utilise par exemple un système de refroidissement à eau installé sur chaque rack. Inutile ainsi de climatiser l'ensemble du container alors qu'il n'est peut-être pas rempli. En outre, “ dans un datacenter traditionnel, la climatisation sèche l'air, ce qui génère des charges électrostatiques qui peuvent mettre en panne les serveurs. Dans un container refroidi à l'eau, l'air n'est pas asséché. Le taux d'humidité reste voisin de 80 % ”, explique Henry Klaba, qui utilise aussi une solution de refroidissement liquide. Le container Ice Cube Air de SGI intègre, quant à lui, près de 300 capteurs pour ajuster la température intérieure via un refroidissement à air en fonction de l'environnement ambiant. “ Le refroidissement à eau nécessite de grands volumes. L'infrastructure associée est assez coûteuse. Les entreprises rechignent à un tel investissement ”, constate Patrice Gommy, responsable marketing pour l'Europe du Sud chez SGI.Mais l'efficacité énergétique n'est, ponctuellement, pas toujours la priorité numéro un. “ Dans le cadre de notre projet de déploiement de centres de données en containers pour nos événements internationaux, le PUE n'était pas une caractéristique déterminante. Pas plus que la densité des serveurs, car nous n'utilisons que 15 kW par rack. La différenciation s'est opérée au niveau de la capacité de la solution à accepter des équipements télécoms ”, explique Simon Miller, ancien responsable du projet cloud chez BT.
Des coûts de construction divisés par cinq
Enfin, étant préfabriqués, les containers réduisent l'investissement nécessaire à la construction. “ Selon nos calculs, les coûts de construction d'un datacenter en containers sont divisés par cinq par rapport à un datacenter classique ”, estime le président d'OVH. Les calculs de HP montrent, quant à eux, que les coûts d'acquisition d'un centre de données en containers sont réduits dans une fourchette comprise entre 25 et 40 %. Chez Bull, un petit container (équipé de six racks mais sans fourniture d'équipements informatiques) coûte environ 250 000 euros. Le prix des plus grands avoisine le double.L'ensemble des arguments avancés par les constructeurs peuvent séduire. Mais Tristan Labaume rappelle que “ si l'entreprise n'est pas pressée, si elle n'a pas d'infrastructure d'accueil pour un container, la mise en place d'une salle informatique classique est probablement conseillée. Elle sera pérenne et offrira un meilleur niveau de tiering et d'évolutivité. ”
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