Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Comment obtenir l'agilité nécessaire à l'entreprise à partir d'anciens systèmes ? Après une analyse, parfois alarmante, à l'intention de leur direction générale, les DSI modélisent les processus métier. Puis confient aux
architectures orientées services la modernisation des architectures techniques.
La mondialisation de la concurrence impose aux DSI de réagir sans délai à l'évolution brutale des modèles économiques et de se plier au cadre réglementaire (Sarbanes-Oxley, IFRS-IAS, Bâle II, LSF...). Quand il ne faut pas
reconsidérer le périmètre d'activité ou intégrer étroitement les sous-traitants à la chaîne de valeur de l'entreprise et à son environnement économique. Bien sûr, pour y parvenir, chaque direction générale espère s'appuyer, à moindre coût, sur un
système d'information à la fois souple et flexible. D'ailleurs, nombre de DSI n'ont pas attendu que les architectures orientées services parviennent à maturité pour agir en ce sens, devançant les éditeurs de logiciels.Sur le terrain, les DSI démarrent parfois dans des conditions catastrophiques. ' Quand j'ai repris la DSI en octobre 2005, le système d'information était dépassé. Avec un réseau saturé, un progiciel de gestion
intégré sur une plate-forme Windows NT4. Il fallait modifier les postes de travail pour faire tourner des applications anciennes ! L'asphyxie totale ! Pourtant, notre société est à la pointe sur son marché ', confie
Philippe Angotta, DSI de LPG, fabricant français d'appareils de massage destinés à lutter contre la cellulite. ' La direction générale ne parvenait ni à quantifier, ni à qualifier précisément l'obsolescence de son système
d'information. Mais elle avait besoin de s'ouvrir vers le web collaboratif. Tant en interne que vers l'extérieur. ' Bien qu'extrême, l'état de cette architecture illustre une situation courante. ' Les
applications métier sont souvent reliées par des interfaces en point à point. Toute modification entraîne des coûts et délais très importants ', analyse Didier Chaumont, directeur technique et services publics chez Capgemini.
' Difficile de changer ou d'ajouter un processus métier ', ajoute John Schlesinger, architecte en chef chez Information Builders, éditeur d'architectures orientées services.
Des boulets nommés silos
Pour le DSI de telles sociétés, cela signifie aussi que le système d'information devient plus complexe à mesure que le groupe se développe. ' A chaque acquisition du groupe, nous héritons d'un système
d'information supplémentaire ', témoigne Frédéric Godet, DSI Europe du fabricant d'ascenseurs ThyssenKrupp Elevator. ' Rien qu'en France, nous en avons quinze différents. ' Ces
applications ayant coûté extrêmement cher, pas question de les jeter avec l'eau du bain. Pourtant, aucun de ces systèmes n'a été conçu pour répondre aux besoins d'évolution rapide des directions générales. Il faut dire que toute application métier
possède son infrastructure et ses données propres, sa logique de navigation, ses projets... et son budget. C'est le syndrome du silo. Autre handicap, les frais de maintenance et de gestion des applications existantes amputent les sommes qu'il
serait opportun d'accorder aux projets. Dans des proportions vertigineuses : ' Les entreprises consacrent en moyenne 42 % de leur budget informatique à la maintenance d'applications ', assure
Benoît Gougeon, responsable middleware chez IBM Software Group. C'est sur ce poste que le DSI s'efforcera de dégager des moyens financiers pour optimiser son système. En d'autres termes, faire plus avec moins. ' Ce sera
d'autant plus délicat que les fruits de la rationalisation ne se voient pas avant trois ou quatre ans ', poursuit Benoît Gougeon. Il n'empêche. Moderniser, à l'aide des architectures orientées services, les applications
historiques, souvent écrites en Cobol et tournant sur grands systèmes reste un objectif prioritaire.
Des outils, pas de dogme
En termes de réactivité, les liaisons en point à point pénalisent fortement le dynamisme commercial. John Schlesinger évoque ainsi les problèmes rencontrés par American Express : ' En 2000, il fallait neuf
mois pour tester un changement dans les 130 interfaces du système de gestion des cartes de crédit. Du coup, American Express se limitait à tester trois nouveaux produits par an. Pendant ce temps, Bank One pouvait en tester
5 000 ! ' Pour lancer un service, par exemple une carte de crédit assortie d'un taux d'intérêt plus élevé, Bank One l'expérimente auprès de 3 000 clients. Une fois l'offre approuvée par 15 % d'entre eux,
la banque s'estime en mesure de la transformer en produit commercial. Pour obtenir une réactivité comparable, les responsables informatiques ont pour mission première de rationaliser le système d'information. Ainsi, chez Renault, qui exploite pas
moins de 3 000 applications métier. ' Pour autant, nous ne considérons les SOA ni comme un dogme ni comme une stratégie. Mais comme un moyen ', insiste Pascale Montrocher, directrice des
technologies et innovations informatiques pour l'automobile du groupe. ' Dans le détail, la méthode classique de chaque projet consiste le plus souvent à dupliquer des développements, des machines et des données. Ce qui
contribue à sans cesse alourdir le coût global des systèmes d'information. Notre objectif, c'est de diviser à terme le nombre d'applicatifs par deux. ' Louable ambition.
Des progiciels fédérateurs
Frédéric Godet réforme son système dans le cadre du déploiement d'un progiciel de gestion intégré pour la finance, la comptabilité et le service après-vente. Oracle eBusiness Suite constituera le noyau commun des systèmes
d'information dans la centaine de pays où ThyssenKrupp Elevator opère. Plutôt que de réaliser de nombreuses développements sur mesure, il préfère conserver les applications des anciens progiciels pour les relier à eBusiness Suite.
' Nous avons démarré les architectures orientées services avec notre PGI français de gestion des ressources humaines et de la paie, que nous voulions connecter à eBusiness Suite. Cela exigeait une vingtaine
d'interfaces ', se souvient Frédéric Godet, qui a choisi les outils BPEL (Business Process Execution Language) d'Oracle, après les avoir comparés à Web-Sphere d'IBM et Biztalk de Microsoft. ' Dans ce
type de chantier, le choix des bus applicatifs, des connecteurs et des orchestrateurs est délicat, poursuit-il. Nous avons opté pour Oracle, car il couvre ces fonctions. Sauf pour les produits qui ne sont pas de cet éditeur. Il a fallu alors acheter
des connecteurs ou les développer nous-mêmes, ou les confier à la sous-traitance. ' Si l'on ne tient pas compte de l'étude comparative, ce chantier a démarré début 2005 pour une mise en production début 2006. Ce qui, somme
toute, est assez rapide.
De bas en haut ou de haut en bas ? Deux voies pour rénover
Même rationalisation à l'Argus Automobile. ' Des 35 millions de calculs annuels de cotation des véhicules d'occasion (date d'interrogation, date de mise en circulation du véhicule, marque,
modèle, version, kilométrage...), nous tirons des statistiques fournissant une vision fidèle du marché, explique Laurent Ménard, secrétaire général en charge de la DSI. Il en ressort une valeur marketing très élevée pour
les constructeurs automobiles, assureurs, loueurs et organismes de financement. Il est important, par exemple, de savoir que le c?"ur de marché se situe autour de 2003-2004. ' A sa prise de fonctions, en 2001, l'algorithme
de cotation résidait sur deux plates-formes : web et minitel. Sans compter la plate-forme interne AS/400. En outre, chaque plate-forme employait son langage et était gérée par un prestataire. A chaque évolution de l'algorithme, les
développements étaient donc multipliés par trois. ' Les développeurs de chaque prestataire étaient susceptibles de ne pas interpréter les règles de gestion de la même façon. Parfois, les résultats différaient d'une plate-forme
à l'autre. Difficile de savoir qui avait raison. ' C'est ainsi qu'il a fallu réécrire l'algorithme et passer par les services web pour fusionner et synchroniser les plates-formes.Avant d'intégrer des technologies orientées services, il convient de trouver une méthodologie. A cet égard, la modélisation des processus métier (BPM) se révèle vertueuse. ' L'approche BPM aide à la mise en
place des SOA. Elle concerne l'organisationnel. Quant aux SOA, elles portent sur la technique de mise en ?"uvre ', estime Christophe Bastard, président de l'éditeur français C-Log, qui joue dans la cour des Mega et IDS
Sheer pour la modélisation BPM, et dans celle de W4, entre autres, pour la gestion des flux de travail, la gestion et automatisation des tâches... Il n'est pas seul à constater que les DSI adoptent deux approches. Par le bas (bottom-up) ou par
le haut (top-down). Dans la première, on a affaire à des applications métier dotées de connecteurs propriétaires. Il faut alors les reprendre une à une pour développer la couche de service qui en fera abstraction. Celle-ci jouera le rôle d'interface
standard d'accès à ces applications. Ensuite, il faudra créer une couche de communication entre ces services. Avec cette méthode, l'on démarre par la technique pour arriver aux processus métier. ' L'inconvénient, c'est qu'on
risque d'avoir des processus métier sans service associé et des services inutilisables par les processus métiers ', poursuit Christophe Bastard.En partant du haut, on s'intéresse d'abord aux processus métier, que l'on modélise de façon graphique. Ensuite, il s'agit d'analyser les services techniques qui donneront accès au système d'information. ' On
identifie tous les services nécessaires à un processus donné. Puis, l'on compare les processus pour trouver les services que l'on peut mutualiser. On constitue alors une bibliothèque de services réutilisables pour les différents
processus ', décrit Christophe Bastard. Une grande majorité de DSI est persuadée des vertus de ce type de modélisation.
La modélisation à l'ancienne garde ses adeptes
' Avant de faire la révolution, j'avais intérêt à y aller tout en douceur. A quitter un modèle d'obscurantisme pour me diriger vers un modèle ouvert, transparent, à partager avec les membres du conseil
d'administration ', avoue Philippe Angotta, qui s'est efforcé d'expliquer les concepts de base et l'orientation de sa DSI par rapport à la stratégie d'entreprise. L'enjeu : que l'informatique soit considérée comme un
centre de profit. ' C'est dans le cadre de la mise en place d'un PGI, SAP R/3, que j'ai modélisé les processus métier. Il a fallu convaincre. Une bataille de six mois ! ' Quant à la migration, il
l'a étudiée avec l'aide du responsable qualité et des directeurs fonctionnels. ' La modélisation m'a aidé à bien border le projet. Chacun sait où l'on va. ' Ainsi, il a paru nécessaire d'adopter un
outil collaboratif (Vdoc d'Axemble), pour contrebalancer la rigueur du progiciel. Cependant, la modélisation à l'aide de logiciels de BPM ne convainc pas sur toute la ligne. ' J'ai commencé au papier et
crayon ! ', reconnaît Philippe Angotta. Et il n'est pas le seul. A l'instar de Jean-Michel Detavernier, deputy CIO de SMABTP : ' A la sortie de la conception logique rédigée en pseudocode,
nous pourrions presque produire automatiquement le code Java pour créer les services. Nous ne sommes pas allés jusque-là. Je ne suis pas sûr que cela soit au point. ' Bonne nouvelle, ce qui était vrai hier ne l'est peut-être
plus aujourd'hui.