Le 2 avril 1999, l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) lançait une consultation publique sur le dégroupage. Trois ans déjà. Cette consultation a été suivie par la création d'un comité " Bravo
", du nom de son président, qui, depuis lors, ne cesse de travailler sur cette question. Au cours de cette longue période, toutes les autorités compétentes sont intervenues. En premier lieu, le Conseil de la concurrence, qui, à
quatre reprises ?" la dernière datant du 27 février dernier ?" a tenté de donner un début de consistance au mot " concurrence " en permettant aux opérateurs tiers de revendre l'offre de France Telecom.
Puis, la Commission européenne, qui est intervenue en réussissant à faire adopter un règlement publié le 18 décembre 2000, qui vise à donner un cadre réglementaire unique sur l'ensemble de l'union. Enfin, l'ART, en mettant en demeure quatre fois
France Telecom.Toutefois, le 20 décembre 2001 était officialisé le nombre de lignes réellement dégroupées, soit 400, alors que l'opérateur historique totalisait un nombre d'abonnés ADSL mille fois supérieur. Le leitmotiv qui tend à expliquer ce
résultat est de dire que le dégroupage est une question complexe. Or, que trouve-t-on de vraiment complexe dans le dégroupage ?
Composer avec l'Autre
Complexe veut dire : qui réunit plusieurs éléments différents. De prime abord, deux types d'éléments différents sont réunis dans le dégroupage. Les premiers sont techniques, les seconds économiques. Les éléments techniques sont, en
matière de télécommunications, des plus triviaux. En effet le dégroupage consiste à louer deux fils de cuivre entre deux bâtiments. Par conséquent, ce ne devrait pas être plus compliqué que de louer une rallonge chez votre loueur préféré.La seule différence tient à ce que la rallonge se trouve dans le sol ou accrochée à des poteaux et que, compte tenu du volume de rallonges à louer, il serait plus rentable pour les deux parties de disposer d'un terminal directement
connecté sur le serveur de commande de votre loueur.Du point de vue économique, les choses ne paraissent pas vraiment plus difficiles. Il est juste nécessaire que le prix de location soit fixé à un niveau qui permette au loueur et au locataire des rallonges de réaliser une marge
raisonnable.Il est donc indispensable d'identifier un autre élément intervenant en plus de ces premiers. Pour ce faire, recherchons la différence avec la mise en ?"uvre de l'interconnexion, qui, malgré son caractère technique et économique bien
plus complexe, semble, en dépit de certaines vicissitudes, avoir pu prendre place dans un délai bien plus court. La vraie différence ? La rencontre de " l'Autre "en chair et en os. En effet, dans le cadre de
l'interconnexion, " l'Autre " avait seulement le droit de déposer ses équipements au bas des bâtiments de France Telecom, tandis qu'aujourd'hui, cet Autre a le droit de pénétrer dans les
bâtiments eux-mêmes, qu'il a bien fallu adapter pour éviter toute promiscuité.Dans les alcôves de France Telecom
Pourtant les choses risquent bien de devenir encore plus complexes. En effet, à la fin de l'année dernière, l'ART avait décidé que dans l'hypothèse où il n'était pas possible de faire chambre à part, France Telecom devait faire chambre
commune. Mais la Commission européenne a, ce 20 mars, été encore plus loin en engageant une action contre la France, qui n'a pas encore imposé le sous-dégroupage. En effet, une telle action tend à contraindre l'opérateur historique non plus
seulement à ouvrir ses chambres, mais également ses alcôves, sans faire dhistoires ! * avocat, Coudert Frères
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