Dérive de citations
' Ne rien dire, c'est aussi communiquer ', disait Paul Watzlawick. Il pensait peut-être aux autistes, mais il a raison pour tout le monde : souvent on ferait mieux de se taire. Et si vous me dites : ' Puis-je vous parler franchement ? ', je répondrai : ' Surtout pas, je vous en prie, faites comme avant ! ' Taisons-nous, ne changeons rien. Jouons de la musique plutôt. Pourquoi ? ' Il y a de la musique dans les mots mais la musique est plus forte : dans la musique, il n'y a pas de mots ' répond Alessandro Barrico.Pareil pour l'action. Un spécialiste du management, peut-être Octave Mirbeau, disait un truc du genre : ' Il n'y a aucun problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre. ' Laissez pourrir le bug, il implosera de désespoir : suicide, harakiri, pschitt. Je connais des managers qui pratiquent avec art ce type d'esquive. Ce sont en fait des humanistes, qui ne veulent pas peiner les gens. Des prudents aussi : faire le minimum pour éviter de se faire piéger. Car ' tout travail tend à se dilater pour remplir le temps disponible ', avertit Cyril Northcote Parkinson, auteur de la loi du même nom, pas de la maladie.La plupart du temps, d'ailleurs, les gens savent ce qui va se passer. ' On n'emmène pas son nougat à Montélimar ', dit l'un de mes camarades de plume. Longtemps, je ne me suis pas couché de bonne heure parce que je me demandais ce que cela signifiait. Mais je n'osais moufter, vu que tout le monde opinait, l'air pénétré. Bref, il faut essayer d'annoncer aux gens des choses qu'ils ne savent pas, et là, ça devient compliqué. Les gourous de la high-tech ont compris : ' Les marketeurs sont des menteurs ', prévient Seth Godin, pape de la mercatique, mais de plus ils disent des choses incompréhensibles, même pour eux. Comme ça, tout le monde est content.De toute façon, la machine nous supplante peu à peu. Fritz, un logiciel à 50 euros, vient de dominer le champion du monde d'échecs : ' Le monstre est fort, mais je peux le battre ', a épilogué Vladimir Kramnik, un peu vexé quand même. La machine nous bat dans les prévisions, les analyses, et autre data mining. Nous devenons esclave de nos prothèses : ' We shape our tools and they in turn shape us ', prédisait Mc Luhan. L'homme, ce ' dieu prothétique ' de Freud vaincu par ses créations, vieille histoire...Reste la logique, la pure, la dure, seule digue pour maintenir les flots, seul navire pour nous maintenir à flot. La logique de Mullah Nasruddin, bien sûr : ' Maître, quest-ce qui est le plus utile, la Lune ou le Soleil ? lui demande-t-on un jour. ?" La Lune, évidemment ! ?" Pourquoi ? ?" Elle, au moins, elle éclaire quand il fait nuit ! '
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