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Plus besoin de réviser le contrat avec son prestataire pour inclure des évolutions de périmètre ou de tarif. Depuis quelques années, des mécanismes financiers préétablis sont appliqués. Quelques entreprises décrivent les dispositifs intégrés à leurs contrats.
Externalisation et flexibilité n'ont pas toujours fait bon ménage. Pendant longtemps, les entreprises se sont plaintes de la trop grande rigidité des contrats. Une fois leur signature apposée, elles se sentaient pieds et poings liés, dans l'incapacité de les adapter à l'évolution de leurs besoins et de l'activité autrement que par la négociation d'avenants. “ Le contrat du XXe siècle avait une faible flexibilité car le prestataire investissait au prix fort, au départ dans le transfert des actifs matériels et des équipes, puis dans la transformation des méthodes. Derrière, il souhaitait récupérer cet investissement par de la marge ”, explique Jean-Benoit Chauveau, gérant du cabinet de conseil en externalisation Tiefree Partners.
Des mécanismes plus simples à actionner
Aujourd'hui, les transferts d'actifs matériels et de personnel se font plus rares. Les contrats ont donc pu gagner en souplesse. Alors que les entreprises abordent généralement la deuxième ou troisième génération de leur infogérance, il est aussi plus simple pour les prestataires d'actionner des mécanismes de modification du périmètre des prestations (en fonction de l'évolution de l'activité de la société, par exemple) et de révision des prix. C'est particulièrement vrai dans le domaine de l'externalisation des infrastructures où les modèles de variabilité sont les plus aboutis. Les contrats d'infogérance qui intègrent des clauses de variabilité financière tenant compte de l'évolution à la hausse ou à la baisse du volume de serveurs ou des postes de travail sont désormais monnaie courante. Chez Bombardier Transport, le constructeur de matériel ferroviaire qui a externalisé l'ensemble de son infrastructure informatique auprès de CSC depuis 2002, le contrat, renouvelé en 2008, est structuré sur une base de référence pour chacun des services d'infrastructures (PC, serveurs, réseau, applications, help desk…). “ Si l'un des services est sujet à une évolution positive ou négative, un mécanisme d'addition ou de réduction, ARC (Additional Ressource Charges) ou RRC (Reduced Ressources Credits), permet d'augmenter ou de réduire la base de référence ”, indique Jean-Claude Barrier, directeur des opérations informatiques de Bombardier Transport. Un mécanisme fondé sur un montant fixe modulé par un soupçon de variabilité. L'entreprise a introduit en complément plusieurs dispositifs de révision tarifaire : les prix unitaires peuvent être révisés si les volumes de référence sont supérieurs à une variation de plus ou moins 20 %.
La répercussion du gain de productivité sur les tarifs
L'amélioration de la productivité est également répercutée sur les tarifs. “ Les prix unitaires sont réduits tous les ans en fonction du pourcentage d'amélioration de productivité défini au contrat, précise Jean-Claude Barrier. De même, nous appliquons annuellement une formule basée sur un index du coût de la vie qui permet de les recalculer. ” Enfin, l'entreprise peut appliquer la clause de benchmarking. Un classique, désormais, que l'on observe dans la plupart des engagements passés par les DSI interrogés.Mécanisme similaire pour les serveurs hébergés de Faceo. “ Un état du parc a été réalisé à la signature. Toute évolution à la hausse ou à la baisse est facturée ou déduite à hauteur du montant négocié ”, relève Pascal Bailleul, DSI back office de Faceo. Dans les contrats négociés par cette société de sous-traitance des services généraux, les prix sont fermes : l'indice Syntec, qui reflète l'évolution des coûts salariaux, n'est pas répercuté pendant leur durée (trois ans).Tendance majeure de ces dernières années, l'instauration de systèmes d'unités d'œuvre de plus en plus élaborés a contribué à permettre une variation plus grande des montants.L'unité d'œuvre associe un tarif à un périmètre et un service. Elle s'applique désormais parfois sur la totalité de l'engagement. Comme dans cette entreprise de la grande distribution (dont le DSI a souhaité qu'elle reste anonyme) qui a, depuis un an, abandonné le mode forfaitaire, négocié initialement. “ Au départ, les évolutions de périmètre faisaient l'objet d'une négociation annuelle, dont la mise en œuvre s'est révélée complexe. Afin d'optimiser les prévisions et de faciliter la gestion, le mode forfaitaire a été remplacé par une facturation en unités d'œuvre ”, explique le DSI. Désormais, pour 95 % du montant du contrat, le coût de la prestation s'appuie sur un calcul du nombre des unités d'œuvre (gigaoctets de stockage, nombre de serveurs, etc.). L'ajout ou la suppression d'un serveur est directement intégré à la facturation du mois suivant. La réduction de la facture mensuelle passant par la réduction du nombre d'unités d'œuvre, “ les projets de consolidation sont un levier très important d'action ”, précise le DSI. Si, en théorie, la variabilité est sans limite sur ce type de contrats, elle est généralement bornée, en tout cas à la baisse, afin de préserver la rentabilité pour le prestataire. “ Le montant de certains contrats est parfois calculé entièrement en unités d'œuvre, mais il y a toujours un socle fixe d'unités que l'entreprise s'engage à payer. Certains prestataires comme IBM et T-Systems affirment néanmoins qu'ils peuvent élaborer des dispositifs variables à 100 % ”, observe Richard Peynot, fondateur du cabinet de conseil en sourcing Acseitis.
L'apparition d'autres dispositifs de facturation
Sous l'influence des messages marketing sur le cloud ou, auparavant, de l'informatique à la demande, des dispositifs sont apparus qui dépassent le mode de calcul de la variabilité selon le volume matériel. “ Pour nous, le passage en unités d'œuvre a été une première étape. Nous venons de démarrer la bascule de notre messagerie sur le cloud avant une facturation à la boîte aux lettres. Nous réfléchissons également à la facturation sur la base d'unités métier (fiche de paie ou ticket de caisse, par exemple) ”, signale encore notre DSI de la grande distribution.Le fabricant de produits de conditionnement métalliques Boxal, dont les trois serveurs SAP sont hébergés chez HP en Allemagne, a négocié une flexibilité tarifaire sur l'évolution à la hausse de l'usage de ressources matérielles (CPU, mémoire et espace disque). L'entreprise étudie aussi le passage à une facturation à la boîte aux lettres pour sa messagerie. “ Nous sommes en cours d'externalisation de la messagerie du groupe sous Exchange ”, précise François Ghani, responsable logistique et informatique de Boxal France.Outre le volume, l'évolution peut concerner les engagements de services (SLA). “ Nous avons défini des SLA pour chacun des domaines, avec une amélioration de la performance sur la durée de l'engagement ”, indique Jean-Claude Barrier. Bombardier Transport a intégré au contrat d'externalisation un plan d'évolution des infrastructures informatiques qui tient compte de la vétusté, de la dépréciation des équipements et des besoins en nouveaux services et technologies. “ Tous ces travaux n'étant intéressants que s'ils contribuent à l'amélioration du service aux utilisateurs ”, poursuit-il. Chez Faceo, le prestataire a aussi une obligation de gain de productivité, “ afin d'absorber les volumes supplémentaires sans surcoût ou selon un plan de progrès à périmètre équivalent ”, précise Pascal Bailleul.Si les DSI relèvent les progrès accomplis en matière de flexibilité des contrats dans le champ des infrastructures, ils sont plus réservés, voire parfois critiques, lorsqu'on évoque le cas de la tierce maintenance applicative (TMA). “ Les licences logicielles se fondent de plus en plus sur l'utilisation réelle du produit. Il serait intéressant de transposer ce principe à la TMA ”, juge ainsi Pierre Coquerelle, DSI de Groupe Pasteur Mutualité, groupe d'assurance, de prévoyance et de prêt pour les professionnels de santé. Mais le DSI est conscient que le principe de paiement du service réellement utilisé (selon le ticket incident, par exemple) ne peut s'appliquer que dans la mesure où le prestataire dispose d'un portefeuille suffisant de clients pour un même système ou une même technologie.
Autre facteur limitant, le poids de l'investissement initital
S'aligner en fonction de la charge de travail demandée par le client suppose, pour le prestataire, de pouvoir réaffecter les développeurs concernés sur des contrats similaires. Faute de quoi il imposera un montant minimal. “ Dans le cadre de la TMA, le prestataire doit maintenir les compétences d'une équipe, même si celle-ci n'est pas mobilisée toute l'année, relève Richard Peynot, d'Acseitis. Dès lors, il va généralement promouvoir l'idée d'un socle forfaitaire auprès de son client : “ je paie trois développeurs sur votre parc donc je demande tant ”. ”Le poids de l'investissement initial nécessaire pour le transfert de connaissances est également un facteur limitant. Dans le cas de Groupe Pasteur Mutualité, l'investissement de départ consenti par le prestataire sur l'application métier a nécessité une durée de contractualisation relativement longue de cinq ans. Au final, plus l'expertise métier nécessaire pour supporter l'application sera rare (typiquement une application spécifique dans le secteur automobile), moins le prestataire sera en mesure de proposer une souplesse de facturation.Sur des domaines où les compétences sont répandues, les ERP par exemple, les contrats sont plus souples. Ainsi Boxal, qui confie sa TMA SAP à la société Teamwork Management, a pu choisir une durée de contrat courte, un an, ce qui lui permet de remettre régulièrement en concurrence le prestataire ou de renégocier. La facturation, quant à elle, reste classique avec un système basé sur le calcul de la charge en jours/homme. “ Le tarif jours/homme est fixé depuis plusieurs années sans fluctuation en fonction du profil : consultant métier, programmateur local ou offshore, etc. ”, précise François Ghani.Dans le cadre d'une TMA, l'entreprise négocie généralement un forfait ? donc un budget fixe ? sur l'ensemble de la maintenance curative et des petites évolutions. Avec un coût journalier dégressif à mesure de l'avancée du contrat. Une enveloppe est ensuite prévue pour les évolutions plus conséquentes faisant l'objet d'une facturation supplémentaire, généralement sous la forme d'unités d'œuvre, le plus souvent les jours/homme, ou parfois selon des critères techniques (abaques) comme le nombre d'écrans ou le nombre d'états… Grâce à la multiplication des centres de services partagés, un mode de facturation plus élaboré apparaît, où le coût est modulé en fonction du nombre réel de tickets incidents ou d'appels utilisateurs. Une modulation encadrée : prestataire et entreprise fixent ensemble une fourchette de nombre d'appels minimum et maximum pour laquelle s'applique cette variabilité. De même, selon Jean-Benoit Chauveau, des clauses de variabilité fondées sur les calculs du nombre de points de fonctions maintenus se répandent, une méthode de mesure normalisée qui repose sur la valeur fonctionnelle de l'application.Il n'en reste pas moins que la meilleure façon d'introduire de la flexibilité dans le contrat pour les entreprises est l'instauration de périodes de renégociation fréquentes. Afin de contrer la relative rigidité des contrats, nombre d'entreprises ont ainsi eu tendance, ces dernières années, à raccourcir la durée d'engagement avec le prestataire.
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