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Le Maroc manque d'ingénieurs, et il est cher de venir étudier en France. Ce sont donc les écoles françaises qui se déplacent.
En novembre dernier, le groupe Grenoble Ecole de management, l'éditeur SAS et l'Ecole supérieure du commerce et des affaires de Casablanca (Esca) ont signé un partenariat tripartite. L'objectif ? Monter un Master spécialisé en
management de projet décisionnel à la rentrée 2007 ; soutenir des travaux de recherche appliqués par les étudiants de l'Esca ; et ouvrir une université d'été du 9 au 13 juillet prochain aux étudiants marocains et africains. Les
initiatives des écoles françaises en direction du Maroc se multiplient.
Former deux fois plus d'ingénieurs
Les liens historiques entre la France et le Maroc, et la proximité culturelle des deux pays comptent parmi les moteurs de ces initiatives. De plus, les écoles d'informatique françaises accueillent déjà de jeunes Marocains dans leurs
cursus ; l'Esiea (Ecole supérieure d'informatique, électronique automatique) en compte une cinquantaine ; l'Epitech une centaine ; et les candidatures prolifèrent. La dynamique entretenue par l'Etat marocain est aussi un facteur
important. Youssef Belqasmi, responsable pédagogique du Master en management de projet décisionnel de l'Esca, insiste sur la succession de réformes entreprises au niveau de l'enseignement supérieur, universitaire et privé, et notamment celle du LMD
(licence, Master, doctorat). ' Lancé par le gouvernement en 2001, le plan Emergence ouvre de grands chantiers sur les deux prochaines décennies. Il préconise le renforcement de l'enseignement supérieur afin de mettre à
disposition des entreprises les ressources humaines attendues. ' Et de citer l'obligation donnée aux opérateurs de verser 1 à 2 % de leur chiffre d'affaires à l'Agence nationale de réglementation des télécommunications
marocaine (ANRT) pour promouvoir les nouvelles technologies dans l'éducation et la recherche. Le programme ' Génie sup ' encourage l'enseignement de ces disciplines. L'objectif : accélérer les
formations d'ingénieurs. Le Maroc fournit chaque année 4 400 ingénieurs diplômés, universitaires compris, dont 1 500 dans les technologies de l'information. Il ambitionne les 10 000, toutes disciplines confondues, à l'horizon
2010 !L'Esiea est l'une des premières écoles informatiques à bénéficier de cette dynamique. Son antenne marocaine ouvre en 2002. Pierre Aliphat, directeur général de l'école, explique : ' La densité de la
population avec près de 34 millions d'habitants, la maîtrise de la langue française, et l'accueil très favorable reçu ont contribué à déterminer notre choix. De plus, la loi marocaine 01 00 fixe le cadre de l'enseignement supérieur, avec notamment
la création d'une entité d'habilitation des titres d'ingénieur similaire à celle qui existe en France. ' Pierre Aliphat apprécie l'excellent niveau des élèves en mathématiques et en physique. Mais il note des lacunes dans les
travaux de groupe, les exercices oraux, le mode projet, et la maîtrise de l'anglais. Les cours mettent donc l'accent sur ces aspects. Après trois années d'études sur place, les élèves marocains passent les deux suivantes en France.
' Nous proposons des cours en quatrième année à Casablanca, avec le même programme, en raison de la difficulté d'obtenir des visas ', poursuit-il.En 2004, l'école a monté un mastère spécialisé sur la sécurité, identique à celui de Paris. Les titulaires de ce Master, dont la formation est en grande majorité payée par leur entreprise, décrochent aisément des postes de directeur
informatique ou de responsable en sécurité. Une année scolaire revient à 4 100 euros au Maroc, contre 6 750 euros en France. Ce prix est proche de celui que compte pratiquer l'Epitech. Selon son directeur général, Nicolas Sadirac, il
s'établirait entre 3 500 et 4 000 euros. ' En tout cas, deux fois moins cher qu'en France. ' L'aspect financier est déterminant. Marie-France Derderian, responsable pédagogique à l'EMSI (Ecole
de management en systèmes d'information) et du Master spécialisé en informatique décisionnelle au sein du groupe Grenoble Ecole de Management, le souligne : ' Nous recevions beaucoup de demandes de la part d'étudiants
marocains souhaitant se former à Grenoble. Or, pour beaucoup, les frais de la scolarité, ajoutés à ceux de la vie quotidienne, sont rédhibitoires. 'Autre aspect de ces partenariats : l'enseignement. A l'Esiea de Casablanca, les professeurs permanents sont marocains. Les autres sont les mêmes que ceux qui enseignent dans les deux sites français de l'école (à Paris et à Laval
en Mayenne). Pour l'antenne marocaine de l'Epitech, Nicolas Sadirac recrute des Marocains pour les postes administratifs et l'enseignement des mathématiques. En revanche, les professeurs en informatique viendront de France en raison de leur maîtrise
de la pédagogie spécifique à l'école. Idem pour les Masters proposés par l'INPT. ' Les cours sont assurés en partie par des professeurs issus de nos écoles ', note Gilbert Lainey, directeur adjoint de
l'Enst Bretagne. Le mastère en informatique décisionnelle de l'Esca et de l'université d'été est aussi le fruit d'une collaboration entre les trois partenaires. ' Une équipe s'est constituée pour mener cette coproduction avec
Grenoble et SAS, notamment en vue d'une recherche commune sur ces outils, rappelle Youssef Belqasmi. Il ne s'agit pas seulement de délocaliser un Master au Maroc, mais aussi de faire de l'Esca une plate-forme en informatique
décisionnelle. Au niveau du pays, et de l'Afrique. '
Des besoins couverts à 80 %
Ces créations d'écoles sont naturellement encouragées par un contexte économique florissant. Selon Youssef Belqasmi, le chiffre d'affaires réalisé par l'industrie des technologies de l'information (télécoms, matériel, logiciels et
services) représentait déjà en 2005 5 % du PIB (2,4 milliards d'euros). Dans ces conditions, on comprend le besoin en main-d'?"uvre qualifiée ! Nicolas Sadirac a déjà noué des contacts avec des SSII implantées au Maroc et prêtes à
accueillir en alternance les futurs élèves de troisième et quatrième années de l'établissement de Casablanca. Nacer Amraoui, responsable de grands comptes chez l'éditeur HPS, estime que les besoins en recrutement des entreprises high-tech sont
couverts à seulement 80 %. ' Nous avons de gros projets, dont les donneurs d'ordres sont des entreprises marocaines. Je crains que la demande ne soit inférieure à l'offre. Les formations marocaines, de plus en plus
nombreuses, mettent sur le marché d'excellents techniciens. Mais nos métiers exigent aussi des qualités relationnelles et de management. ' Youbi Kamal, directeur de l'entité marocaine de l'éditeur Netfective Technology,
partage cet avis. Diplômé de l'Ecole nationale supérieure d'informatique et d'analyse des systèmes (Ensias) à Rabat, il dirige une équipe d'une soixantaine d'ingénieurs, dont la moyenne d'âge ne dépasse pas 28 ans. ' Nous
éprouvons des difficultés à recruter des ingénieurs spécialisés dans des technologies bien précises, telles que JEE ou .Net, ou des managers. 'af.mares@01informatique.presse.fr
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