En matière de qualité de service, les mêmes mots ne recouvrent pas les mêmes idées, selon que l'on adopte le point de vue de la direction générale ou celui de l'informatique. Ces deux univers doivent apprendre à communiquer autour des bons indicateurs. En informatique, la qualité de service est souvent synonyme de temps de réponse, de disponibilité des applications, ou de délai de résolution des incidents. Mais ces aspects restent peu parlants pour un chef d'entreprise.
“ Une direction générale est peu intéressée par les indicateurs techniques, qui mesurent la bonne marche des métiers de la DSI, trop souvent centrée sur elle-même ”, relève Hubert Tournier, senior manager au cabinet Deloitte. Un point de vue plus global s'impose. Or, la qualité de l'informatique s'apprécie de multiples manières. Le cabinet Forrester Research propose une grille d'évaluation selon le rôle de l'informatique dans l'entreprise : utilitaire, prestataire de confiance, ou partenaire. Une informatique utilitaire sera jugée sur son rapport qualité/prix, sa fiabilité, la transparence de sa structure de coûts, et la baisse constante de ses tarifs. Une informatique prestataire de confiance, outre les qualités précédentes, doit boucler ses projets dans les délais et les budgets prévus, en fonction des demandes des entités opérationnelles. Enfin, en tant que partenaire, l'informatique doit en plus créer des solutions concurrentielles pour les clients, les fournisseurs, et les utilisateurs internes.
Combien ça coûte ?
Concernant le volet financier, les critères pour la direction générale sont effectivement le coût et le rapport qualité/prix. Les coûts sont-ils au bon niveau ? Comment la qualité de service contribue-t-elle aux objectifs métier ? La direction générale examine ainsi des ratios : coût par rapport au chiffre d'affaires, par utilisateur, par employé, par magasin…
“ Ce calcul est propre à chaque entreprise ”, précise Francis Capdepuy, consultant chez Compass. Les comparaisons se font d'une année sur l'autre, ou avec des sociétés similaires. Attention, il faudra alors distinguer les coûts dont l'informatique est responsable, tels que le coût par poste de travail ou le coût par nombre d'opérations traitées par agence, qui dépend du métier. La transparence sur le coût des services s'impose pour justifier la qualité délivrée.
“ Sans coût associé, la qualité n'est jamais assez bonne ”, avertit Sonia Boittin, directeur associé au cabinet KLC (groupe Solucom). La direction des services informatiques doit donc préciser les coûts ou facturer ses services en interne, particulièrement pour responsabiliser les utilisateurs. S'ils veulent des économies, à eux de décider s'ils réduisent la qualité. Par exemple, un plan de reprise d'activité en quatre heures sera 50 % moins onéreux qu'en deux heures. Dans le même temps,
“ il faut élaborer un indice global de satisfaction des utilisateurs ”, ajoute Sonia Boittin.
Une informatique agile
Pour ce qui est du deuxième volet, l'informatique prestataire de confiance,
“ on attend de l'informatique qu'elle s'adapte aux besoins du métier ”, explique Francis Capdepuy. Surtout lorsque l'entreprise entend lancer de nouveaux produits ou investir de nouvelles régions.
“ L'adaptabilité est un élément de la qualité de service pour une direction générale ”, souligne Fabrice Dersy, directeur de l'activité externalisation d'Accenture. Il existe un indicateur clé : la part du budget informatique consacrée aux nouveaux projets (le
“ change ”) par rapport à la maintenance des systèmes en condition opérationnelle (le
“ run ”). Les performances de la maintenance récurrente seront suivies de près en comptabilisant le nombre de corrections et d'évolutions par application. Or, le cas d'un ratio de 20 % de
“ change ” contre 80 % de
“ run ” n'est pas rare. Le DSI doit avoir pour objectif d'inverser cette tendance.Un autre indicateur est le délai de mise en service de nouveaux composants. Combien de temps faut-il pour mettre en ligne une application, modifier un processus, déployer un bureau à l'étranger, intégrer une filiale ?
“ Une direction générale perçoit ces indicateurs ”, poursuit Fabrice Dersy.
“ Il ne faudra alors pas hésiter à bâtir du provisoire pour aller vite ”, note même Christophe Duthoit, directeur senior associé au Boston Consulting Group.La capacité de la DSI à réduire les délais sera capitale, quitte à augmenter l'investissement (l'offshore pouvant servir alors à lutter contre une trop forte augmentation des coûts), afin de ne pas rester sans résultat sur des projets durant neuf mois, une durée critique. Les métriques comprendront le respect des délais mis en regard de la qualité (d'après le nombre de corrections durant la recette), le temps écoulé entre les demandes d'évolution et leur prise en compte, tout comme le degré de couverture des besoins métier.
“ On mesure, par exemple, le nombre de traitements manuels interrompant un processus automatisé ”, dit Francis Capdepuy.
Maintenir un lien très étroit entre DSI et métiers
Dans le troisième cas de figure, l'informatique partenaire, l'aspect proactif devient essentiel.
“ Elle doit pousser de nouvelles solutions technologiques afin d'accroître le chiffre d'affaires, réduire le time to market, ou aller au-devant des clients. Si elle se limite seulement aux contributions aux entités métier, elle risque de passer sous leur responsabilité, ou sous celle de la direction financière ”, précise Hubert Tournier. La qualité de service sera alors indexée sur le nombre de propositions de la DSI aux métiers, et sur les projets qui en découlent dans le plan stratégique de l'entreprise. La DSI cherchera à épauler les entités métier et les aidera à apprécier les opportunités liées à des évolutions technologiques (Wi-Fi, 3G, RFID, …).Peut-on aller jusqu'à apprécier l'influence de l'informatique sur l'activité de l'entreprise ou sur la création de valeur ? Sonia Boittin s'y oppose de façon nette :
“ L'informatique ne peut pas calculer cette contribution, c'est aux métiers d'évaluer l'investissement avec la DSI et d'en prouver l'efficacité. ” Pour Christophe Duthoit,
“ il faut mettre le“ run ” sous contrôle et de plus en plus de ressources dans le “ change ”, sous réserve d'un retour sur investissement favorable ”.Pour légitimer des budgets, il existe toutefois des éléments d'appréciation factuels. Un DSI justifiera le doublement du nombre de serveurs EDI en indiquant le coût d'une panne qui bloquerait les commandes. Il demandera un budget supplémentaire en montrant l'accroissement du nombre de factures ou de lignes de commandes échangées de façon dématérialisée avec les fournisseurs et les clients. Pour accroître le budget alloué à la sécurité, le DSI tiendra compte du nombre d'attaques bloquées. Au final, en matière d'indicateurs, on sera amené à personnaliser chaque cas de figure.
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