Des médias sociaux à la surveillance participative

La loi de programmation militaire (LPM) votée fin 2013 est synonyme de modernisation de "l'entreprise France" et pas de surveillance arbitraire sans discernement.
Pour les acteurs du numérique, l’année 2013 s’est achevée sur des débats houleux autour de la loi de programmation militaire. Principal sujet d’agitation, l’article 13 du projet initial, renuméroté article 20 dans la version votée par les deux chambres au début du mois de décembre, et qui porte sur l’accès aux données de connexion numérique des internautes. En résumé, cet accès est élargi tant au niveau des motifs d’accès, que des acteurs en disposant et des moyens auxquels ils peuvent prétendre.
Et la loi de programmation militaire fut votée
Une réaction de colère des principaux acteurs du numérique en France s’en est suivie. Elle n’a rien de surprenant en soi : les données personnelles des internautes sont à la fois un actif important pour ces entreprises, et un sujet éminemment sensible au niveau des données privées. En élargissant l’accès à ces données dans un cadre encore plus vaste, l’article incriminé risquerait de porter atteinte à la confiance des utilisateurs dans le numérique.
La menace d’un « big brother » national était brandie. Désormais, la surveillance étatique allait envahir notre intimité via les réseaux sociaux et la géolocalisation, il n’y aurait plus de vie privée sur internet, la France était en train de basculer dans une forme d’état de non-droit, cette nouvelle loi était « une incroyable agression contre les droits fondamentaux »(Jérémy Zimmerman), voire, était « … le plus grand coup porté au fonctionnement de la démocratie depuis les lois d’exceptions pendant la guerre d’Algérie » (Gilles Babinet). Certains députés menaçaient même de saisir le Conseil constitutionnel. Bref, on était à deux doigts de la révolution.
Puis la loi fut votée.
Et on vit enfin quelques internautes se poser la question du bien-fondé d’une telle mobilisation.
Objectif : sécurité nationale, criminalité organisée, délinquance, terrorisme
Car enfin, quelle est la finalité d’une telle loi ? Est-elle la surveillance arbitraire des individus sans discernement, à la manière d’une dictature souhaitant mettre à bas toute forme de contestation en ligne en provenance de blogueurs risquant d’influencer l’opinion, ou de communautés Facebook ? Allons-nous tomber dans les excès de la NSA, et la mise sous surveillance systématique d’un tas d’individus, politiques, artistes, scientifiques, sous le prétexte de la « sécurité de l’état » ?
Evidemment non. Les motifs d’intervention des services autorisés à accéder aux données de connexion restent cantonnés à ceux relevant de la vie réelle hors connexion : sécurité nationale, criminalité organisée, délinquance ou terrorisme : la loi ne sort pas du cadre des missions de maintien de l’ordre des services concernés. Il n’y a pas de doute là-dessus.
Moderniser « l’entreprise France »
En réalité, ce que permet l’article 20, c’est de doter les services de l’état de moyens en adéquation avec les évolutions technologiques et sociologiques du moment, de renforcer son passage au « digital ». Les réseaux sociaux sont parfois utilisés à des fins meurtrières, par un appel à la radicalisation terroriste ou en exposant des savoir-faire qui mettent en danger la sécurité d’autrui. N’est-il pas alors légitime pour un état démocratique de voir ses services de police ou de sécurité du territoire intervenir en utilisant les informations laissées – parfois stupidement - en ligne par les individus qui participent à la menace ?
A l’heure où la modernisation de « l’entreprise France » est en jeu, où l’on demande à l’état comme aux entreprises d’adopter les codes et les technologies du digital, il me paraitrait, au contraire, parfaitement irresponsable de ne pas doter les entités en charge de la protection de la nation des moyens adéquats. L’article 20 est un article qui peut surprendre, mais qui ne doit pas choquer.
La force d’une démocratie, c’est d’avoir été capable de débattre de telles idées, dans un contexte parfois véhément, mais toujours responsable. Le vote de fin décembre me renforce sur la conviction que les bons choix ont été effectués.
Excellente année 2014 à toutes et à tous.