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Les transferts des informaticiens des entreprises vers les sociétés de service représentent pour certains une véritable occasion d'évolution. D'autres seront moins chanceux. Mais tous doivent soudain affronter des changements qui
peuvent être perturbants.
Le corollaire du succès de l'infogérance est le nombre grandissant d'informaticiens qui migrent d'une direction informatique vers une SSII. Focalisées sur la réduction des coûts et les modalités contractuelles, les entreprises
cédantes négligent souvent le volet social de ce transfert de personnel. C'est pourtant cet aspect humain de l'opération qui conditionne ou non son succès.Passer d'une DSI avec ses avantages sociaux, sa culture syndicale ?" sans oublier le poids des habitudes ?" à une société de services ne s'effectue pas sans heurts. Le transfert représente un saut dans l'inconnu et
le personnel déplacé ressent inévitablement, au départ, un sentiment de trahison. D'autant plus que la décision, unilatérale par essence, tombe souvent comme un couperet. ' Nous avons été vendus avec les
meubles ' est le leitmotiv le plus fréquent des salariés externalisés. L'amertume éprouvée peut conduire au déclenchement de mouvements sociaux. En témoigne la grève avec occupation des locaux menée en 2004 par les
informaticiens de Schneider Electric pour peser sur leurs conditions de transfert vers Capgemini.
Démystifier le monde des SSII
Cette migration nécessite un accompagnement à toutes les étapes, de l'annonce au suivi d'intégration. L'entreprise cédante et la SSII retenue doivent répondre rapidement aux interrogations légitimes des salariés. Quel poste
vais-je occuper ? Où ? Dans quelles conditions ? Les instances représentatives du personnel doivent être informées sur les modalités de reprise dès que le cadre légal le permet. L'article L 122.12 alinéa 2 du Code du travail qui régit
ces modalités de transfert, est particulièrement succinct et ne s'attache qu'aux dispositions individuelles. Il garantit au salarié tous les droits afférents à son contrat de travail : fonction, position, rémunération et ancienneté. Mais, les
avantages collectifs ?" accords d'entreprise et de branche ?" passent par la voie de la négociation. A ce titre, le prestataire peut proposer des dispositions particulières (prime, congés) atténuant la perte d'avantages consécutive au
passage à la convention collective Syntec, souvent moins favorable que celle de l'entreprise d'origine.Afin de calmer les angoisses des salariés transférés, les SSII (Unilog, Steria ou CSC) organisent de plus en plus souvent des rencontres avec leurs futurs collègues. Une manière de démystifier le monde des SSII et de leur
enlever l'étiquette de ' marchands de viande '. Ces sessions sont suivies d'entretiens individuels et de bilans de compétences afin que chacun puisse expliquer son parcours et exprimer ses souhaits
d'évolution. A la SSII ensuite de croiser les profils des recrues avec ses besoins, puis de proposer des plans de formation et des possibilités de mobilité fonctionnelle ou géographique. ' Les salariés prennent en compte les
promesses qui leur sont faites, la carrière envisagée, la solidité financière du prestataire, note Corinne Handelsman, responsable de la commission ressources humaines de l'European Outsourcing Association. Ces éléments pèsent
dans le choix du prestataire. Entre deux offres équivalentes, la balance penchera vers la plus sociale. '
Plus d'opportunités pour les informaticiens
Le transfert vers une SSII peut représenter pour un informaticien une opportunité de mobilité, voire de promotion. Les perspectives de carrière se multiplient dans les SSII, alors qu'elles se raréfient dans les directions
informatiques des entreprises. Le salarié passe d'un service qui compte au maximum quelques centaines de personnes et dont l'activité est périphérique par rapport au métier de son entreprise, à une entité de quelques milliers de salariés tournée
vers l'informatique, et aux missions variées.Il est fréquent que les salariés infogérés restent au service de leur ancien employeur quelques mois, pendant la période de transition, avant de se voir offrir des perspectives d'évolution. Car les passerelles existent bel et
bien entre les différents services d'une SSII, comme passer d'un poste de responsable de production à celui de responsable commercial, si l'on possède la fibre du commerce. Mais les promotions semblent d'autant plus faciles que le salarié entrant
occupe un poste à responsabilité.Son évolution dépendra aussi de ses facultés d'adaptation. Il devra mettre en ?"uvre de nouvelles méthodes de travail, mais surtout s'imprégner de la culture commerciale de sa nouvelle entreprise, redevable du service délivré
au client. L'instauration d'une relation client-fournisseur apporte son lot de contraintes, comme justifier sous forme de reporting régulier le travail effectué auprès des clients. Le nouvel arrivant devra aussi afficher régulièrement ses attentes
pour ne pas tomber dans l'anonymat au sein de sa société d'accueil. Et pour se voir proposer, lorsqu'une opportunité se libère, le poste correspondant à ses attentes.Bien sûr, le paysage n'est pas toujours idyllique. Les SSII communiquent sur les transferts qui réussissent, mais laissent dans l'ombre les nouveaux salariés qui ne se sont jamais adaptés à leur culture ou ont démissionné. Il
est fréquent aussi qu'une SSII ne soit pas intéressée par la totalité des équipes de son donneur d'ordre. Selon Pierre Laigle, directeur général du cabinet de conseil KLC, seul en moyenne 30 % de l'effectif intéresse vraiment le repreneur. A
savoir, les jeunes, peu chers et volatils, et les salariés les plus pointus qui possèdent la connaissance métier de l'entreprise cédante. Quant au sort des fonctions de support, il n'est pas très enviable. ' Ils ont perdu
leurs attaches culturelles et se retrouvent dans une SSII dont le c?"ur de métier diffère du leur ', analyse Corinne Handelsman.La SSII doit donner des garanties aux plus fragilisés, compte tenu de leur fonction, de leur âge ou de leurs contraintes familiales. Les grévistes de Schneider Electric ont ainsi obtenu des garanties d'emploi pour les plus de 55
ans et la création d'une commission de suivi chargée d'arbitrer les cas de mobilité sans accord de l'intéressé. Ces efforts ne doivent pas s'arrêter une fois le transfert opéré. Des bilans réguliers permettront de s'assurer que la greffe a bien
pris.