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Modèle cloné du câble et du satellite contre offre multiplay : opérateurs et éditeurs de contenus testent en vraie grandeur les formules commerciales pour générer de nouveaux revenus sur un marché de l'ADSL en pleine croissance.
L'année 2004 datera la naissance de la télévision sur ADSL en France. Oubliant les appréhensions nées de la crise, plusieurs opérateurs ont pris le risque de se lancer dans une aventure où les revenus devront être partagés avec des éditeurs de contenus aux appétits non dissimulés. Titillé par le battage médiatique de Free (dont la maison mère, Iliad, prépare son entrée en Bourse), France Télécom a sorti l'artillerie lourde, courant décembre, pour contrer son ' petit ' concurrent. L'opérateur s'est allié à TPS pour lancer à Lyon MaLigne tv, en parallèle avec TPSL, premier service télévisuel disponible sur le réseau.
Une stratégie de banalisation de l'ADSL
Cette offre de télédistribution sur ligne téléphonique numérique qui devrait s'enrichir prochainement, avec Canal-satellite s'inscrit dans la stratégie de banalisation de l'ADSL défendue par l'opérateur : services diversifiés, simples d'usage et déconnectés de la technologie.La tendance va s'amplifier dans les mois à venir, avec l'apparition de nouvelles applications (telles la messagerie et la visiocommunication), portées par des terminaux plus ou moins dédiés, mais qui ne feront plus, là encore, référence à l'ADSL.Le programme de France Télécom est ambitieux, puisqu'il prévoit de déployer suffisamment de DSLam de nouvelle génération pour délivrer de la vidéo à quatre millions de foyers fin 2004, et à vingt millions en 2006. Ces équipements viendront s'ajouter aux capacités plus anciennes, qui totalisent déjà plus de trois millions d'abonnés à l'internet haut débit (tous opérateurs confondus). Pour rentabiliser ses investissements (installation d'au moins un DSLam d'une capacité de 1 000 lignes TV par central téléphonique, mise à niveau des dorsales ATM, serveurs de vidéo à la demande, centre de supervision et de facturation, terminaux et modems spéciaux), l'opérateur public mise sur deux tableaux : l'augmentation du revenu par abonné et la perception de redevances de transport de la part des diffuseurs de contenus. Sur ce dernier point, il partage avec TPS une approche du marché calquée sur le câble ou le satellite. Le client intéressé par la télévision et déjà raccordé à l'ADSL doit d'abord payer pour accéder à cette fonctionnalité sur le réseau (64 euros de droit d'ouverture de la ligne TV, 75 euros de dépôt de garantie pour le décodeur, 199 eurospour acheter le modem spécial, et, enfin, 16 euros d'abonnement mensuel). Il doit ensuite débourser pour accéder aux services (droit d'entrée de 40 euros et abonnement mensuel de 21 euros pour TPSL). MaLigne tv seule n'offre, pour l'instant, aucun service de base inclus dans l'abonnement, mais donne accès à la vidéo à la demande en mode kiosque (paiement à la séance sur un fonds de 1 500 films) et à la rediffusion de journaux et de magazines télévisés (entre 0,5 et 7 euros pièce).
Une facturation en plus, justifiée par France Télécom
L'accès à l'internet haut débit et au téléphone est facturé en plus, car, pour l'heure, il n'est nullement question d'offre multiservice. France Télécom justifie ces coûts par un haut niveau de qualité de service et d'image, et par une sécurité absolue du système (contrôle de la ligne, du décodeur et des programmes) qui doit surtout rassurer les éditeurs. ' Nous nous devions de proposer un service comparable, sinon supérieur, à celui auxquels les téléspectateurs sont habitués ', a argumenté Thierry Breton, p-dg de France Télécom.Techniquement, le débit sur chaque ligne ADSL est de 6 Mbit/s jusqu'à 3,5 km du central. 4,5 Mbit/s sont réservés au canal TV en MPeg-2 (3,8 Mbit/s réels) ; 1 Mbit/s, au haut débit ; et 500 kbit/s, aux nouvelles applications comme la visio. Fin 2004, le passage en ADSL2+(par changement de carte du DSLam) montera la bande passante à 10 Mbit/s, et sera l'occasion d'introduire le codage en MPeg-4 pour distribuer simultanément deux programmes, ' le standard du marché TV ', dit-on chez France Télécom. Pour autant, il est abusif d'évoquer la qualité du DVD, car, sur la paire de cuivre, le codage est à débit fixe, alors qu'il est variable sur disque. Le codage dynamique et le multiplexage statistique, en vigueur sur le satellite et le câble, n'interviendront qu'avec le standard 2+.
Assurer un flux de revenus constant
Pour TPS, il s'agit de reproduire le modèle, bien rôdé, du bouquet satellitaire, dont les urbains étaient jusqu'alors souvent privés. ' TPSL correspond, pour l'instant, à l'offre basique TPS, et est vendu au même prix ', précise Emmanuel Florent, p-dg de TPS, qui compte décliner les options à l'identique de ce qu'il pratique sur Eutelsat. Cette formule par abonnement a l'avantage d'engager la clientèle sur une longue période, et d'assurer ainsi un flux de revenus constant, ce qui satisfait pleinement Patrick Le Lay, président de TF1, et limite son risque financier.Le principe adopté par Free est exactement contraire à celui défendu par France Télécom et TPSL. La filiale d'Iliad ne propose qu'un unique produit à 29,90 euros, comprenant la télévision sur ADSL, la téléphonie et l'accès haut débit. Qui plus est, l'offre télévisuelle est, pour une partie, gratuite (30 chaînes en accès libre, dont celles de France Télévisions, RTL9, Euronews, etc.), et, pour l'autre partie, payante au mois, par canal ou minibouquet, à des prix variables selon les programmes. Plus encore, la téléphonie sur ADSL est gratuite sur la France métropolitaine, et à prix cassés sur l'international et vers les portables. Enfin, un débit important est réservé à l'accès IP. Cerise sur le gâteau, selon certains forums de discussion, la bande passante (3,5 Mbit/s pour la TV, 2 Mbit/s pour l'IP et 64 kbit/s pour le téléphone) est gérée dynamiquement sur les DSLam de Free, ce qui permet de pousser l'accès IP jusqu'à 5 Mbit/s si on ne regarde pas la TV. Le rapport prix-service est particulièrement attrayant, au point que certains décrivent Free comme le prototype du telco low cost.Pour Michaël Boukobza, directeur général adjoint de Free, ' l'équation économique est parfaitement réaliste à ce niveau de prix, car Iliad maîtrise ses 7 000 km de dorsale (en investissement propre ou mutualisé, en fibre noire louée chez LDCom ou aux collectivités locales) ; nous avons développé notre propre modem-décodeur (la Freebox), et nous serrons nos coûts au maximum en partageant les risques avec les éditeurs '.Les chaînes codées à 3,5 Mbit/s, ou parfois moins, sont reprises telles quelles, ou acheminées par liaisons Free ; les débits supérieurs à 3,5 Mbit/s sont recodés dans la tête de réseau parisienne. Les chaînes payantes laisseront à l'opérateur un pourcentage ' modique '.Économie serrée, cela signifie-t-il pour autant moindre qualité ? Michaël Boukobza s'en défend : ' Nous sommes en plein démarrage, et les imperfections constatées ne sont que temporaires. Nous faisons un gros effort sur la maîtrise technique de notre réseau et sur la réactivité de notre service client, dont l'effectif a quadruplé en dix-huit mois pour atteindre quatre cents personnes. ' Chez Free, l'optimisme est de rigueur : l'introduction en Bourse devrait valider un modèle qui, visiblement, perturbe nombre de compétiteurs.
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