Développer une « économie de la collaboration » dans l'entreprise

En entreprise, partager n'est pas toujours facile à accepter. Transformer son organisation par le digital vers plus de collaboration nécessite d'intégrer l'"économie du don", telle que la décrit Marcel Mauss, dans la culture de l'entreprise

Porté comme une valeur commune, le principe de « travailler ensemble » est en réalité accepté par chacun mais sous diverses conditions. Or l'intention précède l'action. Faute d’aborder clairement ce sujet dans les entreprises, les démarches d’accompagnement s'épuisent à former à l'outil avec des résultats qui plafonnent.
Réticence à partager
On explique souvent la réticence à partager par le sentiment de pouvoir lié à la détention d’information. Certains managers s’accrochent à l’idée qu’ils sont une courroie de transmission entre leur responsable et leur troupe. Dans un monde de sur-information, cette conception du rapport à l’information s’effrite et n’explique pas tout.
L’économie traditionnelle consiste à échanger un produit ou un service contre de l’argent. Marcel Mauss, dans son « essai sur le don », montre que "partager" gratuitement relève d'une forme de transaction régit par des règles sociales implicites, invitant à une réciprocité. Il montre également que cette transaction commence par l'acte de don et celui d'acceptation du don.
Réticence à recevoir
L'acceptation d'un partage signifie qu'un jour on en fera autant. La réciprocité est bien-sûr lointaine et implique une relation de confiance. Dans l’économie traditionnelle, la réciprocité est au contraire immédiate avec le paiement. Par symétrie avec le don, on peut associer la valeur de défiance à nos échanges traditionnels.
Accepter un partage c’est aussi reconnaitre son existence Dans l'entreprise, cette acceptation est difficile. Le syndrome NIH (not invented here) en est une illustration. A l’école on nous a dit de ne pas copier, alors on n’ose plus reconnaître qu'on réutilise le travail d'un autre. La culture de la majorité des entreprises ne permet pas l’émergence du partage car le corps social qu’elle constitue ne comprend pas l'acte de don, ni ne reconnait sa valeur.
Intégrer l'économie du don dans son entreprise
La collaboration sur des activités proches du processus est logiquement récompensée par l’entreprise. En revanche, cette dernière n’est pas en mesure de valoriser le « service rendu » lorsqu’il sort de la fiche de poste. Si dans l’entreprise, le seul levier d’incitation actionné est financier, le management et les collaborateurs s’inscrivent implicitement dans une logique de défiance.
Transformer son organisation par le digital vers plus de collaboration à tous les niveaux nécessite d'intégrer cette "économie du don" dans la culture de l'entreprise. Le réseau social d’entreprise (RSE) permet de l’établir. Il met en scène le partage comme un « don ». D’abord, il reconnait l’existence d’un donateur. Contrairement aux bases de connaissances traditionnelles, celui qui partage est mis en avant. Il possède une vraie liberté dans la forme et la nature de son partage. Ensuite, le RSE fixe l’acceptation du don. La liste des visiteurs s’affiche publiquement, chacun peut remercier par un message ou un « like » qui traduira l’acceptation du don. Ceci illustre l’impact du RSE sur la sociabilité des collaborateurs dans l’entreprise. Désormais, « aider les autres » est un signe de reconnaissance social au sein du groupe. Le management n’a plus qu’a s’accorder avec cette évolution et promouvoir les stimulateurs de cette « économie du don ».