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Directions générales, fonctionnelles et opérationnelles, utilisateurs du système d'information, partenaires... Face à ces acteurs clés, les DSI vont devoir s'affirmer et jouer un rôle moteur dans la transformation de l'entreprise.
Yann Fessard de Foucault, directeur de la division système d'information au cabinet de chasseurs de têtes Michael Page, donne le ton : ' Le DSI devient le réceptacle des besoins du marché, de la stratégie de l'entreprise et des besoins des utilisateurs du système d'information. Il doit être un manager. ' Et ce manager doit nouer un dialogue de plus en plus riche avec les personnages clés de son environnement : la direction générale qui le supervise, les directions fonctionnelles et opérationnelles donneuses d'ordres, les clients et usagers du système d'information (SI), les fournisseurs et les membres de sa DSI. Pour y voir clair, il doit ouvrir son champ de vision le plus largement possible, marcher sur des ?"ufs et faire preuve d'audace !On s'en doute, la relation avec la direction générale paraît la plus problématique. La prudence est de rigueur. ' Depuis dix-huit mois, les directions générales se séparent assez vite de leur DSI à la suite d'un désaccord concernant les budgets, les problèmes d'alignement du système d'information sur la stratégie de l'entreprise, les architectures (schémas directeurs trop chers, pas assez réactifs...) ou l'organisation (externalisation), constate Bernard Riquier, PDG du cabinet de recrutement Bernard Riquier Conseil. Des occasions se présenteront pour des remplaçants qui accepteront ce que les autres ont refusé. ' Côté direction générale, l'efficacité des dépenses demeure l'objectif majeur à 52 %, selon le rapport ' European CIO Survey-Views on IT Delivery 2006 ' de Capgemini Consulting Services. ' Ma direction générale me délègue tout pouvoir pour gérer mon budget. Mais j'ai une limite à ne pas dépasser ', confirme Michel Pisaneschi, DSI de la Mutualité française Loire, à Saint-Etienne, qui fait le point sur les budgets et l'avancement des projets deux fois par mois.
Mettre en place des outils facilitant la gestion de priorités
Les directions générales entendent transformer leur entreprise rapidement et à moindre coût. Face à elles, nombre de DSI avancent néanmoins à pas mesurés. On les comprend. ' Mon rôle est de connaître et de gérer l'ensemble des projets informatiques, expose avec retenue Olivier Herrmann, le directeur des opérations et du système d'information (Dosi) du PMU. Or il n'incombe pas au DSI de fixer les priorités. Ni de définir des critères de sélection des projets à mettre en ?"uvre. Cependant, par expérience, je sais que la gestion de ces priorités est rarement effectuée. ' C'est pourquoi Olivier Herrmann poursuit actuellement la mise en place d'un outil d'analyse et d'attribution des priorités pour tous les projets informatiques. Une manière d'objectiver les choix et les arbitrages.Les DSI avouent leur sentiment d'être installé sur un siège éjectable. ' Certains se freinent, mais c'est dangereux pour eux, prévient Philippe Hedde, directeur général d'IBM France, en charge de la division Business Consulting Services. Ils ont intérêt à prendre l'initiative. Sous peine de subir la pression économique des discussions traitées en direction générale sans qu'ils le sachent. ' Conséquence : les profils les plus recherchés incluent la capacité à proposer des solutions innovantes et raisonnablement séduisantes.Antoine Lepoutre, DSI du fabricant de vêtements SAS Kiabi Europe, l'a bien compris. Il s'est fait force de proposition pour la direction générale : ' Nous ne voulions pas d'un progiciel de gestion intégré généraliste, car notre métier de distributeur nécessite de réagir tous les jours à de nouvelles formes de commerce susceptibles d'apparaître. ' La société a donc adopté des progiciels spécifiques, coordonnés par une intégration d'applications d'entreprise (EAI). Un argument décisif, qui a emporté l'adhésion de franchisés en Arabie Saoudite et au Qatar. Ceux-ci ont pu conserver leur système d'information local, au lieu de se voir contraints de s'adapter à un système central de la marque.
Apporter une vision du SI en phase avec la stratégie de développement
Une autre tendance se fait jour : l'explosion du commerce électronique en 2005 a prouvé que le système d'information fait intimement partie du moteur de l'entreprise. C'est aussi une arme de conquête. Les directeurs généraux européens, selon l'étude de Capgemini, lui assignent à 19 % un objectif de flexibilité et à 16 % celui de génération de revenus. ' Tout le fonctionnement de l'entreprise dépend de cette chaîne de l'information. Plus elle est fluide, meilleur c'est. A cet égard, le DSI doit posséder un coup d'avance ', souligne Ingrid Bianchi-Lieutaud, patronne du cabinet de recrutement Diversity Source Manager. C'est pourquoi réduire les budgets ne suffit pas. Il faut de l'ambition, de l'audace. ' Le DSI doit convaincre la direction générale de sa vision, savoir la vendre et la mettre en ?"uvre. Avec calme, sérénité, recul et une dose d'humour, préconise Bernard Riquier. Ce mouvement est en marche, comme le prouvent tous ces DSI qui siègent au comité de direction. 'Le champ relationnel du DSI s'étend naturellement à d'autres personnages importants : les directeurs fonctionnels et opérationnels, qui deviennent les véritables acheteurs internes du système d'information. ' Vulgariser et traduire les besoins représentent les qualités les plus remarquables. Pour cette raison, le nombre de DSI qui ne sont pas informaticiens s'accroît. Ainsi que celui des femmes ', analyse Ingrid Bianchi-Lieutaud. Le DSI joue alors le rôle de trait d'union entre la direction générale et les autres directions. Et objective son intermédiation par la gouvernance des systèmes d'information et la définition des rôles des fonctions informatiques. Mais attention : trop d'intermédiation tue la gouvernance. ' Il faut trouver un juste équilibre entre les réunions plénières avec les directions utilisatrices, les réunions périodiques avec les comités de direction, et les rendez-vous aléatoires entre les membres de la DSI et leurs clients internes ', s'amuse Olivier Herrmann. Sinon, gare à la dispersion et à la perte de temps. Un syndrome dont on se prémunit en déléguant le pouvoir. ' Pour rester proche des gens de terrain et de la direction générale, le DSI va s'adjoindre un responsable technique. Le premier se focalisera sur la réflexion stratégique et la vue d'ensemble, en liaison avec le comité de direction. Et le second s'occupera des utilisateurs et des équipes techniques ', conseille Ingrid Bianchi-Lieutaud. Une répartition des rôles que maîtrise Philippe Boyer, DSI et contrôleur de gestion de Geoxia, une firme spécialisée dans le secteur de la maison individuelle (Catherine Mamet, Maisons Phénix...) qui construit environ 6 000 habitations chaque année : ' Notre administrateur applicatif est en lien constant avec les utilisateurs, affirme-t-il. Lors de réunions régulières, ceux-ci lui présentent leurs projets, lesquels sont ensuite débattus au sein du comité informatique opérationnel, qui est le véritable décideur pour les projets. '
?'uvrer à partir de contrats incluant des indicateurs économiques
Dans ce contexte, la pratique de la contractualisation entre les directions métier et la DSI se développe. Une pratique pas toujours formelle : ' J'ai un contrat d'engagement réciproque auprès des responsables utilisateurs en termes de performance et de disponibilité du système d'information ', rapporte Dominique Jaquet, DSI de l'Apec. En amont, il teste les nouvelles applications, notamment leur résistance à la montée en charge, avant la mise en production. Et, en aval, il recourt à des logiciels de mesure et d'alerte qui fournissent des statistiques opérationnelles, dont il reporte les résultats sur un tableau de bord. De leur côté, les responsables utilisateurs définissent les besoins des postes de travail. ' Et chaque mois, nous faisons le point. 'Un des autres aspects de la contractualisation consiste en la définition d'indicateurs économiques. Dans le cadre de la nouvelle réglementation hospitalière en cours, la direction générale de l'Institut Gustave-Roussy (IGR) a passé avec plusieurs de ses services (radiothérapie, chirurgie, médecine, etc.), des accords de contractualisation assortis chacun d'une quinzaine d'indicateurs. ' Cela a requis neuf mois de discussions ! Les directeurs de services ont contribué à définir les indicateurs. Quatre services sur quinze ont ainsi contractualisé. Il a fallu leur montrer quels étaient les gains pour les départements et l'Institut, témoigne Laurent Tréluyer, médecin et DSI de l'IGR. La chaîne informatique entière doit être optimisée pour prendre les rendez-vous avec les patients, effectuer les examens, obtenir leurs résultats et contrôler les dépenses. Il nous reste à automatiser la génération de ces chiffres et à en rendre l'accès extrêmement simple. '
S'appuyer sur des référentiels en distinguant bien le client de l'usager
Pour encadrer son travail d'anticipation, le DSI a intérêt à dresser un diagnostic qui fasse ressortir des indices de satisfaction des utilisateurs. En fonction des problèmes identifiés, il établira les priorités de mise en ?"uvre. Dans cette perspective, il peut s'inspirer du référentiel Cobit de l'association Isaca. ' Ce référentiel bénéficie du plus large spectre, selon l'IT Governance Institute. Mais Cobit n'a pas l'exclusivité ', prône Jean-Louis Leignel, conseiller en stratégie chez Ineum Consulting et vice-président de l'Isaca. Cobit peut être complété utilement par le référentiel Itil pour la production informatique, l'exploitation et l'assistance technique, ainsi que par le référentiel CMMI pour les développements.' Il n'est pas nécessaire de passer trop de temps sur Cobit. Mieux vaut se faire aider par un conseiller pour rencontrer la direction générale et les directions métier. Le DSI ne doit pas tout faire lui-même. Juste prendre l'initiative de la démarche ', poursuit Jean-Louis Leignel. Autrement, il sera accusé d'être juge et partie. Autre conseil : bien distinguer l'usager du client de l'informatique. Ce dernier, telle la direction commerciale, définit ses besoins et ' paie '. En revanche, l'usager est, par exemple, celui qui saisit les commandes. Le danger, dans la confusion de ces rôles, consiste à accoucher dans la douleur d'un cahier des charges trop lourd et éloigné de l'alignement du système d'information sur la stratégie. Ou qui oblige à trop de développements spécifiques.Quant aux collaborateurs de la DSI, ils vont voir leur paysage professionnel profondément modifié. A périmètre de coûts constant, les directions générales veulent augmenter les investissements en stratégie et planification, en conception et développement. Mais, en même temps, elles cherchent à réduire les frais de gestion des applications et des infrastructures, ainsi que ceux de l'assistance technique. Quitte à les externaliser. A l'instar de l'Institut Gustave-Roussy. ' Nous avons confié à un prestataire le help desk de dépannage des utilisateurs (PC, imprimantes, bureautique). Car ce n'est pas notre métier. Il s'agit plus d'un problème de gestion du personnel que d'économie ', confie Laurent Tréluyer. La sous-traitance fait désormais partie intégrante de la feuille de route du DSI. ' Avec l'externalisation, on bénéficie des dernières avancées technologiques dans des domaines qui ne sont pas les nôtres ', confie Olivier Herrmann. ' Notre réflexion sur les fournisseurs est quotidienne, relève Philippe Boyer. Nous les mettons régulièrement en concurrence au travers d'appels d'offres. En outre, nos utilisateurs les notent de 1 à 5 chaque semaine. Si la note baisse, nous convoquons le commercial de notre prestataire et faisons le point avec lui. ' Qui a dit que les DSI n'étaient pas des managers ?