Dictature du clic et mort des idées
Bientôt, chacun recevra dans sa boîte à lettres électronique son journal gratuit sur mesure, mis en pages par un logiciel grâce aux cases cochées dans un formulaire, et qui le remplira automatiquement en allant puiser dans une banque
de contenus mis à jour en permanence et indexés astucieusement. Cela existe déjà ! C'est le nouveau genre de l'info personnalisée, à la demande, c'est
monjournal.com. Tout le monde est content, les éditeurs de logiciels, hébergeurs, fournisseurs et ?" paraît-il ?" les lecteurs-internautes aussi, car rien n'est plus important que de se
croire unique. Le système se pare de toutes les vertus : c'est du one to one automatisé. Même dans l'automobile, ils n'ont pas réussi à faire un truc aussi chouette.Les marketeurs vérifient les clics pour ajuster le contenu à la demande : tiens, il nous faudrait un peu plus de ceci, un peu plus sur untel, et les fournisseurs de contenus s'exécutent. Ainsi, on colle à la demande client. On
peut vendre tout cela, niche par niche, à ses annonceurs qui, eux aussi, font passer des messages selon le contenu et l'audience. La boucle est bouclée. C'est du CRM plus plus, aux petits oignons. Car, c'est connu, le client sait toujours ce qu'il
veut. Il suffit de le lui demander. C'est sûrement ainsi qu'on a tout inventé, n'est-ce pas ?En fait, cette dictature du clic, c'est la fin des idées originales, de l'innovation, de l'offre. C'est le règne du copier-coller, du me too, du consensus mou. Plus personne ne dérange personne. Tout le monde s'emmerde, mais c'est
gratuit. On achète l'info comme du beurre dans les supermarchés du web, tartinée à la demande, avec les paillettes qu'il faut. Les nouveaux rédacteurs en chef vous disent sans vergogne : on ne publie que de l'actu qui fait cliquer. Ça, c'est de
la stratégie éditoriale ! L'info banalisée, l'info pour tous, c'est du yaourt de cerveau, de la marmelade de neurones. Elle n'a plus de sens, juste des caractéristiques, des rubriques, un volume, un vocabulaire. Elle ne sert plus à comprendre
le monde, elle sert juste à l'habiller de bruits et d'images.Le plus extraordinaire c'est qu'on prétend faire de cette bêtise nouvelle l'archétype de la nouvelle communication : comme tout le monde dit tout en même temps à tout le monde, il en sortira forcément quelque chose de mieux
qu'avant, nest-ce pas ? Ah, si internet rendait plus beau et plus intelligent, moi, je vous le dis, ça se saurait !