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Du recrutement à la fidélisation des troupes, chez Google, l'innovation passe aussi par les ressources humaines. Toute une culture d'entreprise.
' Je fais régulièrement du kite surf, juste en dessous du Golden Gate Bridge, et je croise parfois l'un des fondateurs de Google, Sergey Brin. Un gars sympa qui parle à tout le monde. Quand je pense au soin
qu'il apporte à sa planche, alors qu'il pourrait s'en acheter une neuve tous les jours ! ' Stéphanie, informaticienne au c?"ur de la Silicon Valley, sait de quoi elle parle : plusieurs de ses amis sont devenus
millionnaires en travaillant chez Google.Avec plus d'un milliard de dollars de bénéfices en 2006, le moteur de recherche le plus utilisé au monde continue de surprendre. Sa force ? Une technologie de recherche inégalée, sans doute, mais pas seulement. Car l'incroyable
réussite de l'entreprise Google se révèle aussi et surtout une affaire d'hommes et de femmes, et la conséquence d'un modèle de management unique. Pour tenter de mieux comprendre l'exception Google, 01 Informatique s'est rendu
sur place, à Mountain View, au sud de la baie de San Francisco.
Leçon n?' 1 : bâtir un cadre de travail exceptionnel
Bienvenue à Googleland ! Vu de notre Hexagone, le siège social du géant d'internet a des airs de parc d'attraction : fauteuils de massage, salle de sport, terrain de volley, piscine avec option nage à contre-courant...
Dans la Silicon Valley, ce genre de luxe se rencontre plus fréquemment qu'ailleurs. Il n'empêche, l'entreprise a raflé récemment la première place du palmarès des sociétés où il fait bon travailler, publié par Fortune. Le
Googleplex s'apparente à la fois à un campus, à une start up géante et à un laboratoire de recherche. Diplômés de Stanford, les deux fondateurs se sont directement inspirés de leur université, distante de seulement quelques kilomètres. Et la
ressemblance s'avère troublante.A 11 heures du matin, en ce mercredi ensoleillé de mai, quelques Googlers s'éternisent dans un café, absorbés par leur discussion. Le terrain de volley est déserté, mais le visiteur croise des jeunes, en tongs et en shorts, portant
parfois un tee-shirt à l'effigie de leur employeur, parcourant les allées verdoyantes du campus à vélo ou à trottinette motorisée. Quelques jeunes filles aux traits asiatiques se sont isolées sous un parasol avec leur ordinateur portable Wi-Fi.
L'atmosphère est paisible. A l'intérieur, les locaux spacieux sont baignés de lumière. Des photos ou des peintures, réalisées par certains collaborateurs, s'étalent sur un mur. Ici, chacun est libre de personnaliser son bureau comme il l'entend. On
se croirait à l'époque glorieuse de la bulle internet, les excès en moins...En effet, dès l'origine, Google a cherché à simplifier la vie quotidienne de ses salariés. Plusieurs guichets postaux ont ainsi été installés aux quatre coins de l'entreprise. De même, une navette gratuite équipée en Wi-Fi achemine
les salariés de San Francisco ou de toute la baie vers Mountain View. C'est l'un des avantages les plus appréciés des Googlers, épargnés de la sorte par les problèmes d'embouteillages qui empoisonnent l'existence des travailleurs de la Silicon
Valley.
Leçon n?' 2 : multiplier les espaces de communication
Tout est pensé pour éviter que les salariés ne gaspillent du temps. On préfère qu'ils se sentent bien et qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. ' Nous favorisons en permanence la communication et le travail en
équipe ', explique Stacy Savides Sullivan, ancienne directrice des ressources humaines de Silicon Graphics (dont Google a d'ailleurs repris les locaux), aujourd'hui DRH et responsable de la culture d'entreprise à Mountain
View. En clair, sa mission est de faire en sorte que les employés soient heureux à leur travail. Le groupe ne propose ainsi pas moins de 14 restaurants, tous gratuits et meilleurs les uns que les autres. Et le mot d'ordre est clair : mangez
sain ! Les jus de fruits sont frais et 100 % naturels.En France, les fondateurs ont insisté pour que les collaborateurs bénéficient d'une cafétéria plutôt que de chèques de restauration. Et l'entreprise se montre généreuse dans ses prestations sociales : soins médicaux et dentaires,
congés de maternité et de paternité, aide financière pour le premier enfant... Un vrai luxe aux Etats-Unis !
Leçon n?' 3 : instaurer des horaires à la carte
' Google n'a qu'un seul but : garder ses équipes sous la main le plus longtemps possible, au cas où... ', témoigne un informaticien qui, malgré tout, rejoindrait bien la
société. Dans la Silicon Valley, travailler beaucoup ne choque personne. Chez Google, toutefois, chacun organise son emploi du temps comme il l'entend, mais doit donner le maximum. Il n'est pas rare de voir la salle de sport bondée dès 15 heures. Ce
sentiment de liberté représente pour tous un puissant moteur d'implication.
Leçon n?' 4 : se contenter de recruter les meilleurs
En théorie, tout bon DRH tente de recruter les meilleurs. Dans la pratique, c'est loin d'être évident. Mais pas chez Google. Avec plus de 1,3 million de candidatures reçues en 2006 et plusieurs milliers de CV par jour, Google peut
faire le difficile. Pas moins de 400 cadres se consacrent entièrement au recrutement, dont une centaine pour l'Europe. Tous les opérationnels sont également tenus de participer aux entretiens d'embauche. Pour certains, il s'agit d'un vrai job,
inscrit noir sur blanc dans leur contrat ! Ils peuvent recevoir jusqu'à trois candidats par semaine. Ce dispositif contraignant porte ses fruits. La présence systématique de plusieurs opérationnels durant les entretiens est bien perçue par les
candidats, qui jugent le procédé plus démocratique : la décision ne repose pas sur l'avis subjectif d'une seule personne. Par ce biais, avant même que la personne ait mis les pieds dans l'entreprise, Google s'assure qu'elle sera capable de
travailler en équipe.
Leçon n?' 5 : rentrer dès l'entreiten d'embauche dans la technique
Concrètement, le processus de recrutement relève du parcours du combattant. Si le nombre d'entretiens est désormais officiellement ramené à cinq, il n'est pas rare de croiser des Googlers qui en ont vécu plus de huit ! En
général, le premier contact a lieu par téléphone durant une demi-heure. Un ingénieur appelle le postulant pour éclaircir certains points de son dossier de candidature. Ensuite, durant une demi-journée, celui-ci passe plusieurs entretiens avec divers
responsables et d'éventuels futurs collègues. Google cherche à évaluer tout de suite le niveau technique du candidat. Les experts lui soumettent des défis précis, comme d'écrire des lignes de code avec tel ou tel langage de programmation.
' Nous observons sa réaction lorsqu'il rencontre un problème et la manière dont il l'aborde ', témoigne Judy Gilbert, la directrice du recrutement à Mountain View. L'autre critère de sélection repose
sur la personnalité. ' Tout au long du processus, nous vérifions la capacité du candidat à travailler en équipe, son comportement au sein d'un groupe et son ouverture d'esprit ', précise Judy. A la fin
des épreuves, les opérationnels impliqués dans le processus livrent leurs impressions dans un courriel. Un comité restreint se réunit et un ingénieur passe au crible les références du candidat. Une pratique courante chez Google qui horripile
certains. Sophie, diplômée de HEC, a ainsi postulé à un poste dans le marketing. ' J'ai dû leur envoyer une photocopie de mon diplôme et de mes notes ! En dernière année, j'avais en majorité des A et des B, mais un C et
un D en droit, raconte-t-elle. Ils m'ont rappelé pour me dire que c'était insuffisant et que mon entretien était annulé. '
Leçon n?' 6 : créer un environnement intellectuel stimulant
Une politique de recrutement aussi élitiste crée une sorte de microcosme de personnalités souvent brillantes. On aime ou on n'aime pas, mais c'est un principe fondateur du système. Tous les salariés du groupe vous le diront : ils
sont davantage séduits par la qualité de leur entourage professionnel et la possibilité de s'appuyer sur des experts de renom que par leur piscine à vagues ou leur terrain de volley.
Leçon n?' 7 : limiter les échelons hiérarchiques
Google se distingue par une organisation peu conventionnelle, avec une direction à trois têtes : Larry Page, Sergey Brin et Eric Schmidt, l'ancien PDG de Novell, embauché en 2001 à la demande des investisseurs. Les fondateurs
restent décisionnaires sur tout ce qui touche aux produits, à l'innovation ou à la recherche, et Eric Schmidt s'occupe de la gestion du groupe. Et si l'ego de l'un des dirigeants enfle un peu trop, les deux autres sont là pour le rappeler à l'ordre.
Une approche collégiale unique, répercutée à tous les échelons de l'entreprise. Elle se traduit par une grande souplesse de management et un maximum d'autonomie pour les employés. Niniane Wang, qui occupe un poste de responsable dans l'équipe
d'ingénierie, a quitté Microsoft au bout de cinq ans pour Google. ' J'avais envie de rejoindre une plus petite entreprise, assure-t-elle. Ici, les projets sont plus ambitieux et aboutissent plus vite que chez Microsoft, grâce
notamment aux équipes de travail réduites. '
Leçon n?' 8 : encourager la créativité de chacun
Pour favoriser l'innovation et stimuler la créativité de ses ingénieurs, Google applique une règle très peu répandue dans le secteur, sauf parfois dans des laboratoires de recherche. Les ingénieurs sont libres de consacrer 20 %
de leur temps (un jour sur cinq) à des projets personnels ne rentrant pas directement dans le cadre de leur mission initiale. Dans la pratique, tout le monde ne profite pas de cette liberté. ' Si j'avais du temps, je
dormirais ! '
' Je suis trop occupé et n'ai pas envie de me disperser ', avancent certains. Qu'importe si tout le monde joue le jeu ou non. Au final, Google lance chaque année de nouveaux
produits innovants ! Niniane Wang a ainsi inventé Google Movie avec quatre de ses collègues. Et l'argument séduit les nouvelles recrues.
Leçon n?' 9 : se forger une identité culturelle forte
' Notre culture repose sur le travail dur, une ambiance fun et une créativité due à l'embauche de gens talentueux, aux parcours variés et aux façons très diverses d'aborder les
problèmes. ' Parfaitement rodé, le discours de la DRH Stacy Savides Sullivan séduit bon nombre de Googlers. ' On vous encourage à prendre des risques et à ne pas craindre les
échecs ', se réjouit Daniel Ratner, ingénieur mécanique. Autre composante de la culture maison, l'empreinte des deux fondateurs. Elle se traduit sur le terrain par des actions concrètes. Aux Etats-Unis, ils ont attribué des
aides à l'achat de véhicules hybrides et électriques. En France, chaque salarié s'est vu offrir un vélo pour la ' journée verte '.
Leçon n?' 10 : éviter de se prendre au sérieux
La société californienne tient à préserver en son sein un état d'esprit de start up. A cette fin, chaque année, elle organise des événements conviviaux tels que des pique-niques familiaux et des week-ends de ski. Mieux encore, lors du
' Pyjama Day ', les Googlers du monde entier sont invités à venir travailler en pyjama. ' Je peux vous assurer que c'est assez troublant de voir des managers confirmés se rendre à leur rendez-vous
dans cette tenue ! Cela a généré une alchimie entre les gens, un phénomène vraiment impressionnant ', s'amuse Mats Carduner, le directeur général de Google France. Le message délivré par les fondateurs se révèle en toute
clarté : on peut très bien faire du bon boulot sans se prendre au sérieux. Il fallait oser !s.chicaud@01informatique.presse.frwww.01blog.fr/1910
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