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La mise en route du DMP promet des innovations dans la pratique de la médecine et une meilleure coordination des soins. Les éditeurs de logiciels médicaux peaufinent leurs offres en ce sens.
Deuxième chance, deuxième vie pour le dossier médical personnel (DMP). Depuis le début 2011, l'ouverture de ce service national autorise, en théorie, tout praticien à créer un dossier pour chacun de ses patients et à y verser des pièces médicales. En pratique, il faudra quelques mois ? trois, précisément ? avant que ce scénario soit véritablement réalisable. Le temps que plusieurs centres hospitaliers universitaires (CHU) et que quelques dizaines de médecins prennent le pouls des patients et mesurent leur consentement. “ Ils remonteront également des éléments sur l'ergonomie et le fonctionnement du système lors de son exploitation par les professionnels de santé ”, explique Jean-Yves Robin, le directeur de l'Asip Santé (Agence des systèmes d'information partagés de santé).
L'indispensable adhésion des praticiens
Le succès de cette nouvelle édition du DMP dépendra pour beaucoup de l'adhésion des praticiens. Et ces derniers n'accepteront d'interagir avec le référentiel national que si l'exercice est parfaitement transparent. Cette interaction peut prendre deux formes : soit par le biais d'un portail mis à disposition par l'Asip Santé (ce qui implique une double saisie), soit depuis le logiciel du professionnel de santé (LPS), l'option privilégiée. Seuls trois éditeurs ont déjà été homologués DMP par l'Asip (Cegedim, Hellodoc et Axilog). Une trentaine devrait l'être en avril.L'homologation implique le respect du cadre d'interopérabilité défini par l'agence, qui spécifie des profils d'intégration, un protocole d'authentification et un format de données. Il décrit également une liste de transactions, chacune appelée sous la forme d'un service web. Celles-ci couvrent trois grandes familles de fonctions : la création, la consultation et l'alimentation des dossiers dans le référentiel. “ Tous les LPS n'ont pas forcément vocation à respecter l'ensemble des transactions, explique Elie Lobel, directeur du pôle projet de l'Asip. Ainsi, un logiciel administratif d'accueil des patients ne sera concerné que par la création de dossier, et non par la consultation. ”
Des logiciels progressivement enrichis
Cegedim, par exemple, n'a intégré pour l'instant que les actes liés à la consultation et l'alimentation. “ Pour les fonctions de création de dossier ou de gestion de consentement du patient, nous passons encore par les pages web de la plate-forme nationale du DMP ”, rapporte Francis Mambrini, vice-président santé de l'éditeur. A noter, d'ailleurs, que certaines transactions dites rares ne seront accessibles que par ce biais. C'est le cas, par exemple, de la fonction traçabilité du DMP, pour laquelle l'Asip ne préconise pas un service web.“ En mars, notre logiciel devrait couvrir l'ensemble des transactions. Les médecins ne seront plus obligés de changer d'environnement. Un progrès indispensable pour une pratique quotidienne ”, poursuit Francis Mambrini. A l'image de Cegedim, nombre d'éditeurs adopteront une convergence progressive, fondée sur une exploitation hybride (web et logiciel) du DMP.Mais au-delà de l'aspect technique, la mayonnaise ne prendra que si ce dossier médical personnalisé apporte une réelle plus-value dans la coordination des soins. L'objectif de Jean-Yves Robin est ainsi “ de passer d'une pratique de dialogue singulier, d'un face à face dans le secret entre le médecin et son patient, à une pratique beaucoup plus coopérative, plus transversale, pour laquelle un ensemble de professionnels de santé saura réunir leurs compétences afin de délivrer de meilleurs soins. Le DMP contribuera à cette évolution. ”Ce nouveau partage documentaire promet de nouveaux usages et une série d'innovations dans la pratique de la médecine. L'Asip a d'ores et déjà prévu de greffer des services additionnels sur le DMP. Comme le raccordement imminent du dossier communicant de cancérologie, et celui du dossier pharmaceutique prévu, lui, pour la fin 2011. Mais ce nouveau socle documentaire devrait surtout aider à l'amélioration de la coordination des soins. D'abord, en offrant des services de visualisation du parcours du patient. Ensuite, en structurant, en planifiant et en rendant ce parcours le plus fluide possible. “ Surtout dans le cadre de pathologies chroniques, espère Olivier Mariotte, président de Nile, cabinet de conseil spécialisé dans la santé. Il faut savoir qu'à l'horizon 2015-2020, 18 % de la population représenteront 80 % des coûts de santé. ” Cette amélioration du parcours devrait se traduire en partie par une meilleure régulation des soins. “ Certaines alertes, appliquées aux données du DMP, pourraient être déclenchées dans le cadre de pathologies particulières. Et à l'inverse, on éviterait la dispense de soins inutiles. Notamment dans le cadre des urgences, où l'on recense 11 millions de consultations superflues par an. ”Enfin, l'utilisation du DMP débouchera sur une nouvelle forme d'analyse des données médicales, rendue possible dès lors que les contenus deviendront véritablement structurés. Ce à quoi s'emploie l'Asip dans les futures versions de son cadre d'interopérabilité. Pour l'heure, le mode d'archivage, qui repose sur le format CDA (Clinical Document Architecture), ne renferme que des métadonnées génériques (titre, date de création, auteur…).
Une vision transversale du parcours du patient
Demain, la structuration des documents de biologie, de radiologie ou de cardiologie facilitera l'extraction de données médicales à proprement parler, et donc la vision transversale du parcours du patient ainsi que les analyses statistiques.Tous les services qui se nourriront du DMP sont encore à mettre œuvre par les éditeurs. Mais il reste évident que ce nouveau champ des possibles et le déploiement des futures pratiques qui l'accompagnent relèvent moins d'enjeux techniques que sociaux. Il dépendra avant tout de la propension au changement des praticiens.
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