DRH : trois tendances à surveiller

Face à l'évolution du monde du travail, les DRH doivent garder un oeil attentif sur trois tendances : la crise identitaire du management intermédiaire, l'évolution des entreprises vers une organisation apprenante et l'aptitude au changement.

Ça y est. La période des kick-off est passée, nous entrons dans le vif de l’année, et nous allons bientôt vérifier la validité des plans pensés à l’automne. Selon moi, trois tendances émergentes devraient retenir l’attention des DRH pour leur éviter de s’arracher un peu plus les cheveux si elles apparaissent dans leurs entreprises. Plus que de nouvelles attitudes à adopter, il s’agit de faire face au contrecoup de l’évolution du monde du travail. Les trois thèmes choisis pour cet article ont été abordés dans les différentes études et white papers que j’ai rédigés, et font partie d’une série d’une dizaine de tendances dont je parle régulièrement avec les DRH et les directeurs de la stratégie.
Un management intermédiaire qui se cherche
Dans certains cas, on peut aller jusqu’à parler de crise identitaire du management intermédiaire. Le rôle premier de ce dernier est de gérer les activités de ses subordonnés et d’assurer le reporting. L’information opérationnelle et stratégique est donc sa matière première : soit pour la concaténer et la remonter, soit pour la transférer top-down sous forme d’objectifs interprétant la stratégie, soit, le cas échéant, pour la négocier en transversal (interbranches, cross-fonctionnelles, etc.). Or, avec l’avènement du 2.0, l’information circule librement et elle est de plus en plus souvent générée hors du cénacle du comité exécutif et de la hiérarchie « autorisée ». Du coup, les troupes du manager intermédiaire apprennent non seulement certaines nouvelles avant lui, mais ils en apprennent aussi pour lesquelles il n’y a pas de directives sur la suite à donner.
Le management intermédiaire oscille donc entre l’ignorance, l’appréhension, et le dédain voire la condescendance vis-à-vis de l’univers 2.0. Il est rare que ses membres s’intègrent à la mouvance, même dans les entreprises en avance dans l’adoption des nouveaux usages. Autrement dit, on les voit rarement bloguer ou exploiter leur profil « riche » et encore moins dialoguer sur les réseaux sociaux, qu’ils soient internes ou externes. Mais tout ceci ne les empêche pas de se poser des questions quant à leur rôle dans cette nouvelle configuration.
La solution ? Ne pas les oublier dans les programmes internes, et réaliser des workshops pour que les participants s’approprient le sujet. Le management par l’exemple est souvent indispensable : si le PDG « encourage » les pratiques 2.0, non seulement elles seront adoptées, mais elles auront générées une réflexion identitaire bénéfique. Enfin, le reverse mentoring permet aux juniors d'être les mentors des seniors et aux experts ceux des executives.
L’organisation apprenante change (encore) de visage
Rendre une organisation apprenante, c’est un peu comme gravir l’Everest : l’objectif est difficile à atteindre. Dans les années 80, le concept de la gestion des connaissances (knowledge management) apparaît et il est d’abord focalisé autour du document. La GED (gestion électronique des documents) est née. Beaucoup de plates-formes collaboratives, issues de cette époque, en portent encore l’empreinte. Puis, parce que les documents sont lourds à gérer et que tout le savoir n’y est pas inscrit, on s’est tourné vers les connaissances intangibles. On a alors assisté au renouveau des communautés de pratique et d’experts. Ces dernières étant une interprétation souple, numérique et communautaire du compagnonnage ouvrier auquel on doit, entre autre, les cathédrales.
Dans notre monde moderne, chacun d’entre nous appartient à de nombreuses communautés : alumni, métier, spécialité, compétences, branche, entreprise(s), sans compter les cercles, clubs et autre groupes d’intérêts. Il n’est plus rare d’avoir des parcours diversifiés et des compétences très diverses. C’est même souhaitable d’après certains recruteurs. Conséquence, avec l’avènement des technologies 2.0, la gestion des connaissances s’est recentrée sur l’individu : profil riche dans les réseaux sociaux et dans les plates-formes collaboratives, contacts (amis professionnels) et groupes d’échange. La gestion des talents est facilité et surtout visible de tous. La DRH n’est plus (malgré elle) un goulot d’étranglement. Bien sûr, les GED et les communautés exclusives n’ont pas disparu, mais ne sont plus au centre de la gestion des connaissances.
Est-ce qu’on en a fini avec cette évolution ? Je ne crois pas. L’une des nouvelles idées que j’explore est l’exposition de l’organisation et de ses personnes à la connaissance. En d’autres termes, il faut s’assurer que chacun a un pied dans le réseau social d’entreprise et les réseaux externes. Mais ce n’est pas suffisant, il faut aussi s’assurer de l’exposition réelle et potentielle de chacun à l’apprentissage via le collectif et le collaboratif.
Et s’il fallait s’entraîner au changement?
Parmi les points clés peu explorés mais primordiaux : la disposition de l’organisation à s’adapter et à changer. Le changement n'est pas une fatalité, l'aptitude au changement est un capital.
Parce que la société et les marchés changent toujours plus vite, il y a de moins en moins de temps pour réfléchir au prochain mouvement, à la prochaine stratégie. Idéalement, l’entreprise devrait être comme un organisme qui s’adapte à son environnement : chacune de ses composantes exposées à l’extérieur remonteraient des infos et participeraient à l’assimilation puis à la transformation de la structure. Si l’entreprise 2.0 est un bon indice de l’aptitude de l’organisation à changer, ce n’est pas le seul. Il y en a deux autres.
En commençant par la souplesse. Le stress au travail et les risques psycho-sociaux dont on entend beaucoup parler sont la conséquence d’événements alarmants mais aussi de l’effort des pouvoirs publics pour encourager les entreprises à s’en préoccuper. Il ne s’agit pas seulement de parer aux risques, mais de faire perdre à l’entreprise sa rigidité, de lui faire gagner en « zenitude », et donc en souplesse. Avec, pour finalité, une plus grande curiosité, une ouverture d’esprit face aux nouveautés et à l’inédit, et un calme proactif devant l’incertitude.
Enfin, être habitué au changement est important. Les entreprises qui ont peu ou pas changé sont très handicapées par rapport à celles qui se transforment régulièrement avec créativité, sans tomber dans la répétition. On parle alors d’innovation, d’intégration d’activités externes, de réorganisation, d’évolution de la vision, de la culture, des valeurs.
Qu'en est-il de vos entreprises ? Ces trois idées y ont-elles une place ? N'hésitez pas à laisser un commentaire pour nous en dire plus.
Votre opinion