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Résolues à satisfaire les citoyens avec toujours plus de services Web, les collectivités territoriales avancent d'un pas inégal. Parmi elles, des zones non couvertes et des pôles d'excellence.
Le ' pianocktail ' imaginé par l'impénitent jazzman germanopratin Boris Vian mixait musique, danse et cocktails. Et bien d'autres choses encore. A sa manière, ludique, interactive et intellectuellement
stimulante, l'engin préfigurait le Web 2.0. Bien des analogies s'imposent. Bourré de technologies et lancé à pleine vitesse vers des usages à peu près infinis, ce système éco-techno-socio-anarchique concourt en ligne et en un savant désordre à
la satisfaction du plus grand nombre de citoyens. Et ce vaste projet n'en est qu'à ses prémices.Situé, par son essence même, à la frontière de la technologie et des usages, le Web 2.0 va exploser sous la puissance de feu d'une logique combinatoire qui associe d'un seul tenant l'équipement informatique des ménages, la
convergence entre Internet et téléphone et la poussée concomitante des contenus audiovisuels.Dans ce déferlement incontrôlé, y a-t-il moyen de conjuguer les promesses du Web 2.0, l'efficacité économique et la redynamisation des territoires ? En avril, dans les murs de la vieille Sorbonne, la très sérieuse
Association nationale des docteurs en sciences économiques et sciences de gestion a, pour la première fois, consacré un colloque à ce thème.Mieux encore, à Biarritz, les 19 et 20 juin prochains, le congrès annuel du Coter Club traitera du sujet porteur, et un brin provocant, de ' DSI 2.0 '. Pour cette association de DSI territoriaux, il
y a de quoi faire. Les défis que doivent relever les responsables informatiques des collectivités territoriales sont immenses. Il s'agit rien moins que de faire de l'administration électronique, envisagée au sens le plus large, un ensemble de
réalisations performantes mises au service du citoyen consommateur de services.Déjà, la prise de conscience monte. Et, avec elle, les premiers résultats. La nécessité d'aider le tissu industriel par l'intermédiaire des nouvelles technologies, préoccupation vivace chez tous les acteurs économiques, fait droit,
lentement mais sûrement, à l'optimisation de la relation entre l'administration territoriale et ses usagers.Ainsi, en Bourgogne, Louis-François Fléri, responsable du projet e-Bourgogne, se dit résolu à faire du fil RSS et du haut-débit une priorité régionale. ' On s'est longtemps concentré sur l'amélioration des
prestations aux entreprises présentes sur les territoires, reconnaît-il. Mais on effectue un pas plus de plus. Il s'agit de s'adresser directement au citoyen, en lui proposant un bouquet de services mieux adaptés à ses
besoins. ' Un sentiment partagé par certains protagonistes, qui font déjà du Web 2.0 sans le savoir.Dans l'agglomération de Parthenay (Deux-Sèvres), structure de taille moyenne qui fut dans les années 1980, avec Metz, une pionnière pour l'adoption massive de nouvelles technologies, le système d'information évolue constamment.
Avec une seule obsession : acclimater Internet à la vie quotidienne.' Le Web 2.0 est à la mode. Notre manière d'apporter notre contribution, c'est de travailler d'arrache-pied à la refonte du portail, affirme François Fouillet, DSI de la communauté de communes.
Dès cet automne, on va offrir au citoyen un espace blog et un ensemble d'espaces collaboratifs. La carte de vie va être étendue à d'autres domaines, de manière à prendre en compte l'ensemble du quotidien. Ce sera le cas pour la gestion du
compte familial, par exemple la cantine scolaire, ou la gestion de l'accès de tous les membres d'une famille au centre aquatique. On entre dans un niveau de détail qui permet de gérer le maximum de choses au moyen d'un point d'accès
unique. 'Mais pour y parvenir, souligne François Fouillet, de nombreuses évolutions techniques s'imposent. D'où l'amélioration programmée du portail. ' C'est la condition si l'on veut mieux informer les citoyens, faire
passer de la vidéo, mettre de l'interactivité, encourager la réponse. Notre idée est d'affiner et d'élargir le concept de carte de vie. Nous avons l'ambition de proposer une batterie de services communs à plusieurs communes. Toute la difficulté
consiste à en masquer la complexité à l'utilisateur. '
On parle aussi... de clients
Même son de cloche à la mairie de Lyon, où le DSIT explique la difficulté de tout regrouper sous la bannière du Web 2.0. ' C'est vrai que cette notion est quelque peu sémantique, déclare Philippe
Dubost. Son intérêt est cependant de faire comprendre qu'il s'agit bien d'une rupture, d'une nouvelle façon de mettre l'informatique au service des citoyens. 'Lui préfère de beaucoup l'expression DSI 2.0 pour qualifier sa mission : ' C'est plus techno, on parle de bande passante, d'ADSL et de fibre optique. ' Et aussi, et peut-être
surtout, de client. ' Aujourd'hui, l'usager est devenu un client des services publics. Il sait ce qu'il veut, il est plus exigeant, et il le veut tout de suite. 'Plus question de faire attendre un internaute qui effectue une demande en mairie comme, autrefois, l'on faisait patienter plusieurs semaines le demandeur d'un abonnement au téléphone, ou, à la manière d'un concessionnaire automobile,
de faire lanterner un acheteur parce que l'on ne dispose pas du modèle choisi en stock. ' Dans les collectivités territoriales, la population est en front office, et nous faisons le reste. On passe d'une
approche en silo à une approche transversale. 'L'adoption des nouvelles technologies dans la vie quotidienne, par l'entremise du DSI, ne se déroule pas sans quelques effets secondaires. ' Les évolutions techniques vont de plus en plus vite, et le droit
n'arrête pas d'évoluer ', constate Hervé Rathat, DSIT de Reims Métropole et de la Ville de Reims, enthousiaste et prudent. Il sait de quoi il parle.D'un côté, il a mis en place un réseau local de soixante-dix kilomètres de fibre optique pour acheminer le très haut débit dans la campagne rémoise afin d'attirer, de conserver et d'encourager le maximum d'entreprises performantes. De
l'autre, il met en garde contre les risques juridiques inhérents à cette tendance exponentielle.' On essaye de mettre le plus d'outils possible à la disposition des gens. Mais, depuis une loi de 2006, nous devons conserver la trace des logs pendant un an. Nous devons être capables de dire sur quel
site une personne est allée. Qu'en est-il, par exemple, si un individu indélicat surfe sur Internet à partir d'une borne Wi-Fi installée en pleine ville ? Dans un cas comme celui-ci, la responsabilité du DSI peut-elle être
engagée ? 'Pour parer à cette éventualité, et à toutes les autres connues ou non encore identifiées, Hervé Rathat rencontre désormais tous les deux mois un avocat-conseil spécialisé dans le droit des nouvelles technologies. Ensemble, ils
effectuent un point complet sur les nouvelles dispositions législatives et réglementaires. Et s'assurent que l'ensemble du système d'information, surtout dans sa composante gadgets électroniques communicants, se conforme aux exigences normatives et
juridiques les plus récentes.Autre frein à la mise à disposition du Web 2.0 sur les territoires : les réticences culturelles. A Plaine-Commune, communauté d'agglomérations de Seine-Saint-Denis, on reconnaît sans ambages que beaucoup de retard a été pris
dans ce domaine. Beaucoup de responsables informatiques se donnent du mal pour acclimater les outils. Encore faut-il que ceux-ci préexistent. ' Nous sommes actuellement dix personnes à la DSI, explique son
responsable Daniel Rigault. Mais nous ne possédons pas encore d'intranet. Pour nous, le Web 2.0 c'est surtout du marketing. 'Dans le même département, le Syndicat intercommunal informatique de Bobigny dresse un constat analogue. ' A notre niveau, ce concept est encore un peu futuriste. Tout ce qui est de l'ordre de l'espace
collaboratif, j'en entends beaucoup parler, mais il faut bien reconnaître qu'on n'y est pas du tout ', constate, pour le déplorer, Philippe Barbotte, son DSI. Pourtant, dans une des communes concernées, des dispositifs ont
été mis en place. C'est presque cela le plus rageant...Ainsi, il existe un logiciel qui permet de faire du pilotage de projets, et même d'entrer dans le détail du portefeuille à gérer de façon dynamique. ' A la Courneuve, ils l'ont adopté, observe
Philippe Barbotte. Mais le problème, c'est qu'il n'existe pas de culture de partage de projets. '
Des disparités sources de cacophonie
Le paroxysme est atteint quand, dans les structures déconcentrées (services de l'Etat) ou les entités décentralisées (services territoriaux), l'adoption du très haut débit et la puissance de traitement se heurtent aux consignes de
sécurité. ' On ne peut pas communiquer avec le public tant le verrouillage des fichiers, les limitations des échanges en termes de mégaoctets ou de transmission vidéo nous brident, avoue un DSI. A quoi
sert de disposer d'un matériel et d'un logiciel performants s'ils sont bardés de protections qui encouragent les usagers à revenir au téléphone ? 'En écoutant ces témoignages, comment ne pas penser à ce que déclaraient, il y a deux ans, Michèle Anouilh et René-Yves Labranche, DSI respectifs des communes de Bagneux et de Chelles, en banlieue parisienne. A l'époque, la plupart des
procédures d'appels d'offres n'étaient pas encore dématérialisées. Renseignements pris auprès de plusieurs de leurs confrères, la situation n'a guère évolué depuis. Le DSI 2.0 est arrivé mais, pour des raisons qui lui échappent en grande
partie, il est seul.
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