E-éducation : comment donner une impulsion nationale aux projets ?

Les enjeux de l’e-education sont multiples, d’autant plus que les nouvelles générations font un usage personnel massif des technologies. Il est amplement temps de généraliser l’utilisation des TICE dans les établissements scolaires.

L'enjeu
Eviter d’accroître la fracture numérique entre les citoyens, donner à tous la possibilité de comprendre les outils qu’ils utilisent, aider au développement de l’économie numérique… les enjeux de l’e-education sont multiples, d’autant plus que les nouvelles générations font un usage personnel massif des technologies. Il est temps de généraliser l’utilisation des TICE (Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) dans les établissements scolaires.
Les clés du débat
1. Faut-il une politique nationale plus volontariste pour généraliser l'usage des TICE ?
2. Comment passer au manuel numérique ?
Le partage de compétences entre l’Etat et les collectivités pose problème à la fois pour les budgets, dans un contexte de crise économique, et pour la mise en place des équipements et des contenus. D’un côté, l’Etat est chargé de la pédagogie, donc des contenus. De l’autre, les collectivités territoriales gèrent l’infrastructure : les lycées sont financés par les régions, les collèges par les départements et les écoles primaires par les communes.
A cause de cette séparation des compétences, « certaines collectivités ont payé des équipements comme les ENT (Environnement numérique de travail) qui sont parfois sous-utilisés à cause d’un défaut de formation des professeurs ou d’un manque de contenu », explique Olivier Devillers, responsable TIC de l’Association des maires des grandes villes de France. Cette sous-utilisation n’incite pas les collectivités à renouveler leurs équipements. De plus, difficile de garantir que tous les établissements seront équipés des mêmes outils. Au final, « il y a une fracture d’usage considérable, ce qui pose problème d’un point de vue républicain », déplore Olivier Devillers.
Pour corriger ces effets de bord et accélérer l’introduction des TICE dans les établissements scolaires, beaucoup demandent « une politique de l’Etat plus volontariste, avec plus de financement », comme l’explique Olivier Devillers. Les ambitions ne peuvent être que nationales, même si les collectivités continuent à être impliquées dans les projets. Certaines initiatives dans ce sens ont déjà vu le jour, comme l’opération Ecole numérique rurale, du ministère de l’Education nationale, qui vise à doter en équipements informatiques 7 000 écoles de communes de moins de 2 000 habitants.
Le think tank Renaissance numérique préconise ainsi « la création d’une organisation indépendante réunissant le ministère, des sociétés privés, des parents, des professeurs, et qui serait chargée de mettre en place d’ici à quatre ans des technologies de l’information dans les écoles en associant financements privés et publics », explique Christine Balagué, cofondatrice du think tank. Elle précise que l’expérience pourrait s’inspirer de l’ancienne organisation anglaise, Becta (British Educational Communications and Technology Agency).
Le Conseil national du numérique (CNNum) propose aussi de confier « à un organe indépendant une mission permanente d’animation, de réflexion et de conseil sur l’école numérique. Cette instance mixte doit être composée de personnes qualifiées issues du milieu enseignant ainsi que du monde des entreprises du numérique. »
Le CNNum propose également une mutualisation au niveau régional des responsabilités techniques et pédagogiques liées au TICE. Ces agences locales regrouperaient l’académie, le CRDP (centre régional de documentation pédagogique) et les collectivités territoriales sur la base du volontariat.
Des changements plus locaux sont aussi envisagés : « Une plus grande autonomie pourrait être donnée aux chefs d’établissement, qui nommeraient des porteurs de projets numériques. Ces professeurs seraient alors responsables de l’introduction des TICE à l’école, et recevrait une incitation salariale liée à cette mission », propose Christine Balagué.
Quelles que soient les solutions choisies, l’e-éducation mérite plus d’attention, même si de nombreuses expérimentations existent sur le territoire. « Tant qu’on en sera au stade des expérimentations, le budget des TICE ne sera pas considéré comme un budget naturel, comme c’est le cas dans n’importe quelle entreprise aujourd’hui », regrette Marie Gaillard, consultante en e-éducation.
L’UMP propose de généraliser dans tous les établissements l’usage du manuel numérique. L’exercice risque cependant d’être difficile, car les éditeurs préfèrent toujours les manuels papier. « L’édition scolaire représente 13,6 % du marché du livre en France. Les politiques savent qu’il y a une industrie derrière, avec un nombre d’emplois importants », ajoute Marie Gaillard, consultante en e-éducation. La généralisation des expérimentations en cours pose des problèmes techniques, tels que les problèmes de connexion aux différents ENT (environnemens numériques de travail) en l’absence de standard dans le domaine. Chaque collectivité est libre de choisir l’outil qui lui convient le mieux. Les ENT manquent aussi parfois de contenus pédagogiques.
Pour y remédier, UMP et PS ont mis en avant la formation des enseignants à l’informatique, « un enjeu majeur », comme le confirme Christine Balagué, cofondatrice du think tank Renaissance numérique. De fait, les expérimentations sur les pratiques dépendent fortement du travail des enseignants. Dans tous les appels d’offre TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) des collectivités, il y a d’ailleurs un volet formation. « Les industriels ont bien compris les carences de l’Education nationale, et la plupart des prestataires vendent non seulement des TNI (tableaux numériques interactifs), mais aussi des ressources pédagogiques, des communautés d’utilisateurs et un accompagnement avec de la formation », constate pour sa part Olivier Devillers, responsable TIC de l’Association des maires des grandes villes de France.
Au final, « c’est l’enseignement même de l’informatique et du numérique, de la maternelle à la terminale, voire de l’enseignement supérieur, qui doit être développé », avance Christine Balagué, membre d’un groupe de travail sur ce sujet. Enseignement que promettent de promouvoir aussi bien l’UMP que le PS.
Le Conseil national du numérique (CNNum) propose, quant à lui, de mettre à disposition des enseignants et des élèves une plate-forme référençant les ressources numériques pédagogiques. De fait, la multiplication des contenus numériques rend leur recherche, leur évaluation et leur choix difficile. Sans parler des difficultés liées à leur utilisation a posteriori.
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