Eloge des blogueurs

Dans l’univers du web social, la blogosphère reste une entité aux contours mouvants, dont les membres sont les fidèles représentants de la démocratie numérique. Et je veux croire dans l’avenir des blogueurs.

Ils étaient à la mode il y a cinq ou six ans. On en parlait un peu partout dans la presse, à la télévision. La « blogosphère » était un endroit chic et branché où les candidats à la présidentielle voulaient s’afficher, on prétendait même que certains étaient influents. De glorieux business plans s’étaient bâtis sur leur arrivée déferlante, des sociétés se sont construites pour monétiser leurs contenus. Et puis plus rien. On n’en parle presque plus. Les blogueurs sont redevenus des ouvriers du net, majoritairement anonymes, qui chaque jour tissent un pan de plus de cette gigantesque toile sociale. C’est à eux que je veux dédier ma première chronique de l’année.
Des millions de blogueurs
Combien y a-t-il de blogueurs en France et dans le monde ? Je n’en sais fichtre rien, et je doute que les chiffres publiés chaque année par Technorati soient une représentation fidèle de la réalité. Une chose est sûre, on en trouve parmi toutes les strates de la population française : des énarques aux ouvriers, des ados aux seniors, des parisiens aux provinciaux, des hommes et des femmes. Il n’est pratiquement pas de groupe humain exempt de blogueurs. Faites le test autour de vous, au travail, en famille, je suis certain que vous découvrirez des blogueurs cachés jusque dans votre entourage le plus proche.
Une activité pour des passionnés
De quoi parlent-ils ? Avant tout de leur passion. D’équitation, de « cloud-computing », de chocolat, de cinéma, de politique, de show-biz, de leur entreprise ou du dernier livre qu’ils ont lu, peu importe : les blogueurs – les plus talentueux, en tout cas – parlent avant tout de ce qui les intéresse. C’est ce qui fait le charme de ce « passe-temps » : il y en a pour tous les goûts. Bien sûr, certains sujets sont plus « porteurs » que d’autre : un blog sur les philosophes arabes du moyen-âge attire certainement moins d’audience qu’un blog sur les applications iPhone. Mais cela importe peu, ce qui compte, c’est la qualification du lectorat : plus un blog parle d’un sujet pointu, plus il a de chances d’être rapidement découvert par ceux à qui il est destiné.
Il n’y a pas un profil unique de blogueur
Comment procèdent-ils ? A chacun ses méthodes. Mon activité me conduit à en rencontrer régulièrement, et je reste chaque fois stupéfait par leur ingéniosité, leur capacité d’adaptation et leur dynamisme. A des qualités rédactionnelles évidentes – il faut en avoir, croyez-moi, pour produire plusieurs dizaines d’articles par mois –, certains ajoutent un savoir-faire spécifique dans la prise de son, la photographie, la réalisation de films ou l’illustration graphique. Certains blogueurs écrivent leurs articles en direct, sur l’instant, quand d’autres préfèrent dégager un temps de réflexion avant de transposer à l’écrit leur regard sur l’actualité.
Il faut aussi pas mal de persévérance et d’abnégation. Rédiger un article prend de trente minutes à plusieurs heures, selon sa complexité. Multipliez cela par 200 ou 300 (le nombre de billets publiés en une année), et vous aurez une idée du temps passé devant un écran d’ordinateur à produire du contenu que les autres liront peut-être… ou jamais. C’est un sacrifice, dont il faut avoir conscience.
Une monétisation difficile
De quoi vivent les blogueurs ? Rares sont ceux qui vivent des revenus issus de leur blog, qu’il s’agisse de billets sponsorisés ou de publicité Google. Bien sûr, il y a quelques stars, quelques blogs qui s’apparentent plus à de la presse en ligne qu’autre chose. Mais pour les autres, soyons réalistes : un blog avec 300 ou 400 visites par jour ne permet, au mieux, que de se payer une ou deux places de cinéma par semaine : pas de quoi se vanter, n’est-ce pas? Les blogueurs ont, pour la plupart, un métier, une occupation en dehors du blog : salariés, enseignants, fonctionnaires ou retraités, des gens comme vous et moi, en quelque sorte. Et certainement pas des super stars.
Une existence menacée
Pourtant, une menace pèse sur les blogs, une menace importante : celle que représentent les médias sociaux généralistes, à savoir Facebook, Twitter et Google+. C’est la menace d’un discours court, rapide et ininterrompu, par opposition à une prise de parole plus lente, plus rare et plus élaborée. Il est plus simple d’émettre un tweet pour propager son avis, que de s’asseoir une demi-heure ou plus pour poser ses arguments. Twitter et Facebook ont détourné bien des blogueurs de leur rythme de publication antérieur.
Je veux croire, cependant, dans le renouveau des blogs et l’avenir des blogueurs. Parce que ceux qui ont persévéré ont affûté leur plume, amélioré leur ligne éditoriale, renforcé leur audience et leur visibilité. Parce que de nouveaux blogs naissent chaque jour, blogs collaboratifs pour certains, au sein desquels les blogueurs les plus aguerris aident les débutants à faire leurs premières armes. Parce que loin d’être un ennemi, les autres plates-formes sociales deviennent de remarquables moyens d’acquérir du trafic. Parce que les acteurs technologiques – Blogger, Wordpress, mais aussi Blogspirit et Overblog en France – n’ont eu de cesse de s’améliorer et de faciliter le blogging.
Dans l’univers du web social, la blogosphère reste une entité aux contours mouvants, dont les membres sont les plus fidèles représentants de ce que signifie la démocratie numérique. En cette année d’élection, je leur tire une nouvelle fois mon chapeau.
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hkabla
Plus que la qualité, je pense que c'est la spécialisation qui fait sortir du lot. La rareté, en quelque sorte. Le premier ou le seul à parler d'un sujet sur lequel la masse ne s'est pas déjà porté.
A l'inverse, les initiatives de blogs collectifs comme le Huffington Post (ramenons les choses à leur juste valeur, n'est-ce pas?) permettent, par la quantité, de faire émerger quelques individualités. -
mdial
On a deja vu le blog "techno" ou "geek" aux EU s'estomper. On peut imaginer que le blog va/doit évoluer car les choix de plateforme, la quantité d'éléments à consulter ne cessent d'augmenter.
Il y a certainement la place pour les blogs surtout pour des blogs avec de la bonne qualité (une combinaison de régularité, contenu, forme, SEO) sur des sujets surtout niche ; mais bon nombre vont disparaitre, ou devoir se transformer et / ou migrer.
Le bloggeur "éternel" me semble un profil rare -- car c'est un TRES long chemin. Finalement, avec la difficulté de sortir du lot sans un coup de pousse (i.e. mass media) dans un internet bien congestionné, le bloggeur doit être acharné pour maintenir.
La qualité finira par sortir en haut, mais meme la qualité seule n'est pas garantie de survivre par le peu de trafic / retour / revenu... -
le journal de personne
Mon nom est ...Personne
Prenez soin d'écouter ce que je vais vous dire
Parce que je trie mes mots sur le volet
Et que je ne me répète jamais !
Je vous ai dis comment je m'appelle
ça règle la question de QUI ! -
hkabla
En fait, a menace est insidieuse. Les journées n'ont que 24 heures, et plus on passe de temps sur Facebook et Twitter, moins on en passe, finalement, à soigner le contenu de son blog. Parlez-en à d'anciens blogueurs, leur pratique du blog a souvent baissé du fait de Twitter.
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Dominique Dupagne
les blogueurs n'ont pas à avoir peur de twitter ou facebook, bien au contraire. Google augmente le poids des liens provenant des médias sociaux. C'est grâce aux liens sur Facebook, aux forums et aux tweets que les blogueurs se font connaître, trustent les bonnes place dans les résultats de Google et deviennent des médias à part entière.
Ce n'est pas une compétition, c'est une collaboration.
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