En devenant un super régulateur, le CSA fera-t-il regretter l'Hadopi ?

Présenté en Conseil des ministres en juin, le projet de loi sur la Création devrait accorder des larges pouvoirs au gendarme de l'audiovisuel, notamment sur les contenus diffusés sur le web. Le CSA va t-il imposer aux FAI d'activer par défaut dans les box un système de filtrage ?
Peu à peu, Aurélie Filippetti met en forme son projet de créer en France, comme c’est le cas aux États-Unis avec la FCC (Commission fédérale des communications), un régulateur unique dont le pouvoir s’étendra à l’audiovisuel, Internet et aux télécommunications. Ces modifications sur le fond sont au cœur de la Loi Création qui sera présentée en Conseil des ministres en juin prochain pour une mise en place en 2015.
BFM Business a obtenu une copie du texte qui sera proposée. Il confirme l’intention de faire du CSA le juge et le gendarme de l’ensemble des médias sur lesquels peut être diffusée une œuvre? C'est-à-dire les TV, les PC, les appareils mobiles, mais aussi les consoles de jeux et les magasins d'applis en ligne. Tous les services diffusés par ces appareils seront, selon les informations rapportées par BFM Business, visé par ce nouveau Conseil supérieur de l’audiovisuel qui, peut-être, devra changer sa dénomination.
Les équipes d’Olivier Schrameck, président du CSA, devront élargir leurs compétences au-delà de « l’ancêtre d’Internet », comme la télévision est surnommée par les Guignols de l’info.
Un filtrage par défaut ?
Selon les révélations de BFM Business, le CSA sera à la fois un gendarme chargé de punir et de faire respecter la loi, un arbitre entre les différents acteurs et un régulateur. Sur ce dernier rôle, le site d’information économique voit cette régulation comme une « épée de bois » puisque le CSA « n'aura aucun pouvoir concret, à part adresser des recommandations au gouvernement, et exercer toute mission de conciliation ».
Ainsi, comme le rapport Lescure le proposait, le gouvernement désire confier au CSA les pouvoirs de l’Hadopi qui viendront s’ajouter à son actuelle mission qui est de « veiller au respect par les services audiovisuels, de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de la dignité de la personne humaine, et de l’interdiction de l’incitation à la haine ou à la violence pour des raisons, de race, de sexe, de meurs, de religion ou de nationalité ». Cette vocation s’étendra donc à l’Internet et c’est cette nouvelle responsabilité qui pourrait lui attirer les foudres des internautes.
L’inquiétude repose d’abord sur les moyens mis en œuvre pour parvenir à remplir cette mission qui peuvent s'effectuer par un flltrage de l’accès au web par des systèmes de contrôle parental activés par défaut sur les box par les fournisseurs d’accès. Jusqu’à présent, la loi impose d’installer ce dispositif dont l’activation dépend uniquement du choix de l’utilisateur.
Pour le CNNum, le filtrage doit être une mesure d'exception
Certes, le texte de BFM Business n’évoque pas cette option formellement. Mais elle reste possible d’autant que déjà, une loi impose aux opérateurs de fournir un service qui n’est activé que volontairement. Le sera-t-il par défaut comme c’est le cas en Grande-Bretagne pour protéger les enfants de la pornographie en ligne ? En France, quels sont les sites et les contenus qui seront filtrés ?
Jusqu’à présent, l’Hadopi avait toujours refusé ce mode de contrôle s’il est installé en cœur de réseau - par opposition à un filtrage activé par un particulier de sa propre initiative - et qu’il ne soit pas une obligation légale. Comme le note un proche du dossier, l’Hadopi y a renoncé « pour des raisons de faisabilité technique autant que pour des raisons d'atteinte à la liberté d'usage d'internet. »
Bien sûr, ni le ministère de la Culture, ni le CSA ne désirent commenter cette possibilité. Quant au Conseil National du Numérique (CNNum) sa position sur le filtrage ne varie pas. « Nous ne nous sommes pas positionnés formellement sur ce projet de loi que nous n’avons pas lu, nous a répondu Mathilde Bras, rapporteur au CNNum. Quant au filtrage, notre position reste la même. Cette méthode doit rester une mesure d’exception comme nous l’avons déjà dit en décembre dernier dans notre avis sur les contenus et comportements illicites en ligne. » Le texte conseillait de « ne jamais déroger au principe du recours à une autorité judiciaire préalable avant l’instauration d’un dispositif de surveillance, de filtrage ou de blocage de contenus sur Internet ».
Pour l'heure, chacune des entités concernées attend le texte définitif avant de se prononcer. Et, comme l'indique Mathilde Bras, les rumeurs à ce propos circulent depuis des années. Se concrétiseront-elles en juin ? Beaucoup le craignent. Certains iront-ils jusqu'à regretter le « bon vieux temps de l'Hadopi » ?
Source : BFM Business.
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