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Si son concept, novateur, est adapté aux dirigeants et aux salariés en contact avec la clientèle ou en charge de la maintenance, la tablette soulève aussi des questions. L'intégration avec le système d'information pose notamment problème.
La déferlante des tablettes tactiles, incarnées par l'iPad, suscite tout sauf de l'indifférence chez les décideurs en entreprise.“ Auparavant, lors de nos comités de direction, tous les participants avaient un PC portable ouvert devant eux. Maintenant la plupart ont une tablette à la main ”, explique Jean-Laurent Poitou, directeur de l'activité informatique embarquée de la société de conseil Accenture. Au-delà de l'anecdote, la tablette bouscule les us et coutumes en entreprise. Pour certains, c'est un phénomène de mode. “ Les annonceurs voudraient nous faire croire que ce concept est véritablement nouveau et que la valeur ajoutée de ces produits est unique. Il n'en est rien ”, affirme, péremptoire, Yann Jouveneaux, DSI pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique de Sakata, semencier d'origine japonaise.
La force de l'iPad : une ergonomie séduisante
Pour autant, le pouvoir d'attraction de ce nouvel objet technologique est bien réel. Selon une analyse de Forrester datant d'octobre 2010, 43 % des firmes en Europe et aux Etats-Unis se disent intéressées par son utilisation, et seulement un quart d'entre elles n'aurait aucun projet en la matière. “ A l'heure actuelle, la majorité des entreprises qui se disent concernées ont un des deux besoins suivants : soit équiper les cadres de direction, essentiellement pour un usage de consultation, soit répondre à une demande métier, le plus souvent tournée vers le grand public ”, soutient Marion Le Mélinaidre, consultante spécialisée dans les objets communicants chez Devoteam Consulting.L'intérêt pour la tablette fait florès chez certains consultants et DSI. Son ergonomie les séduit, d'autant qu'ils sont souvent peu technophiles. “ Ils apprécient son interface intuitive et efficace et s'accommodent des lacunes en termes de gestion des fichiers et de connectivité. La tablette est en train de prendre l'avantage sur le netbook ”, soutient la consultante de Devoteam Consulting. “ Elle va envahir le top management. Car elle est idéale pour lire ses courriels et y répondre, et pour accéder aux tableaux de bord de la société. Des applications de reporting propres à ce type de matériel devraient voir le jour ”, explique Henri Pidault, directeur du système d'information et d'organisation de la Compagnie des Alpes, société exploitante de parcs de loisirs et de stations de ski.Même discours chez Orange, où on loue l'ergonomie des tablettes pour des usages très basiques. “ Chez nous, elles ont tendance à remplacer les portables de nombreux cadres haut placés. Leur application métier principale étant la messagerie électronique, ces produits offrent le meilleur compromis en termes de poids, de lisibilité, de rapidité d'allumage face à un portable ou un assistant personnel (PDA) ”, estime Hubert Ségot, directeur de l'infogérance et du service aux utilisateurs chez l'opérateur. Certaines entreprises proposent déjà l'iPad à une population ciblée. Le groupe Valophis Habitat, spécialiste de la gestion locative immobilière, le fait essayer à des membres de la direction générale et du comité de direction.“ La légèreté et la rapidité de démarrage de l'iPad nous ont conquis. Sa qualité pour lire les documents est un vrai atout pour nos managers en déplacement. Nous testons actuellement un bureau virtuel Windows embarqué, afin de pouvoir réaliser des opérations bureautiques standards : lecture et correction de documents Word, Excel ou Powerpoint en condition de mobilité et utilisation d'une messagerie électronique en mode Outlook Web Access ”, commente Gildas Chauveau de Vallat, DSI de Valophis.Une autre population est susceptible de tirer avantage de cet outil. Il s'agit des personnels en contact direct avec la clientèle. La tablette vient alors renforcer une démarche commerciale, informative, voire collaborative. Lors du Mondial de l'automobile, qui s'est tenu à Paris en septembre 2010, BMW France a ainsi utilisé 80 iPad comme configurateur de véhicule, avec prise de premiers contacts commerciaux.“ Nous avons également équipé toutes les concessions BMW et Mini du Japon avec plus de 350 tablettes d'Apple, pour les commerciaux et en libre-service pour les clients. Ce terminal permet d'améliorer l'expérience de nos clients et prospects autour de nos véhicules dans un cadre plus confortable et donne une image technologique avancée en rapport avec nos marques ”, explique Nicolas Drapier, responsable des technologies de l'information au sein de la filiale française, en charge du centre de développement du groupe BMW pour les applications sur les mobiles Apple.
Une simplicité d'accès à l'informatique métier
Chez le constructeur automobile, on voit plus loin : “ Avec L'iPad, nous allons pouvoir unifier le poste de travail vendeur en conciliant bureau virtuel Windows, outils de messagerie, agenda, contacts et applications BMW spécifiques. ” Chez Orange, les tablettes tactiles concernent les personnels de maintenance. Mais ce ne seront pas celles d'Apple. “ Nous allons équiper nos techniciens d'intervention d'une tablette qui sera plus proche du cartable numérique que de l'iPad. Nous apprécions les gains ergonomiques de cet outil, la rapidité de démarrage, la lisibilité des ordres de travaux et la simplicité d'accès à l'informatique métier ”, détaille Hubert Ségot.Cet outil présente toutefois un inconvénient majeur : son inadaptation à la production de documents. “ Oubliez l'iPad si vous devez rédiger des rapports, des présentations ou remplir des tableaux Excel ”, affirme Henri Pidault. L'expérience d'Aéroports de Paris (ADP) est intéressante, car cette organisation a commencé des projets pilotes au dernier trimestre 2010. Près de 50 iPad sont actuellement testés dans différentes configurations techniques (accès Windows distant, applications web…). “ Dès qu'il s'agit de saisir des informations, ça ne va plus. Le modèle d'Apple est aussi lourd que certains anciens TabletPC, mais il dispose d'une bonne autonomie. En revanche, sur les seconds, on peut remplacer la batterie par une autre déjà chargée. Celle de l'iPad, elle, n'est pas, amovible… ”, remarque Eric Barnier, directeur informatique et des télécommunications d'ADP.
Un outil difficile à intégrer dans le système d'information
L'intégration des tablettes (celle d'Apple en particulier) au système d'information de l'entreprise soulève également quelques questions. “ En dehors des applications de bureautique légère, l'iPad ne s'inscrit pas facilement dans un système d'information. De par sa plate-forme spécifique, avec pas ou peu d'outils de déploiement ou de gestion de la mise à jour des applications et son manque de base de données embarquée, il reste un outil majoritairement grand public et personnel ”, remarque Louis Jouanny, directeur général de la société de conseil Endeavor.Et Charles Lacoste, DSI de Roset, de surenchérir : “ Pour que sa tablette se démocratise, il faudrait qu'Apple fournisse des outils d'administration et de déploiement professionnels. A défaut, le coût total de possession risque d'être trop élevé pour envisager un usage de masse. ” Plus fondamentalement, nombre de DSI habitués aux technologies Microsoft ne plébiscitent guère l'arrivée d'une nouvelle race de terminaux mobiles, qui les oblige à revoir à la fois les procédures de sécurité internes et celles de gestion du parc. “ La préoccupation est en effet de rendre plus sûr l'iPad, qui n'est pas réputé comme étant simple à gérer. Des acteurs tels que Citrix proposent de publier les applications de l'entreprise via un portail sécurisé… mais la publication d'un bureau virtuel n'est pas réellement exploitable à ce jour ”, explique Domenico Di Cicco, gérant de Majeur 7, cabinet de conseil spécialisé en virtualisation.Le manque d'ouverture et de concurrence dans l'univers Apple en fait également réfléchir plus d'un. On connaît les limites de cette politique : incompatibilité avec les technologies Flash ou Silverlight, ou encore recours obligé à l'App Store et à iTunes, qui se révèlent contraignants à l'usage. Louis Jouanny noircit encore le tableau : “ Le développement d'applications sur l'iPad se fait exclusivement avec le kit spécifique d'Apple et son langage C. Toute application et tout développement existant en entreprise ne peuvent en aucune façon être repris. ”
Accepter ou non les contraintes
Louis Jouanny ne s'arrête pas là : “ L'utilisation d'un outil de portage n'est pas admise. Tout doit être réécrit, il faut former des équipes de développement spécifiques, mettre en place des stations de travail Apple, assurer un suivi… ” Chez BMW France, où l'iPad a été sélectionné, on est bien conscient des limites de ce choix : “ L'absence de concurrence réelle de la tablette d'Apple nous conduit peut-être à faire des choix par défaut. Nous ne savons pas si, dans un an, les tablettes concurrentes seront mieux adaptées à nos besoins, ou pas ” explique Nicolas Drapier. Parfois, il faut savoir prendre des risques. Chez BMW, il est assumé.
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