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Le web est aujourd'hui un espace de concurrence forcenée où il faut se différencier à tout prix, notamment pour exister face aux poids lourds du secteur. Le travail sur l'expérience client devient la clé pour transformer les visiteurs en acheteurs.
Améliorer l'expérience utilisateur, tel est désormais le leitmotiv des sites d'e-commerce. Ceux-ci ne peuvent plus se contenter de disposer d'un catalogue en ligne classique, de se battre sur le positionnement des prix, ou de surenchérir afin de faire venir les internautes sur leurs sites. Il leur faut se démarquer de la concurrence. Emery Jacquillat, fondateur de Matelsom, a fait le choix d'un outil de développement RIA (Rich Internet Application), Flash d'Adobe, pour valoriser ses sites (Matelsom.com, Authentica.fr, Camif.fr, Meubles.com).
Enrichir le ressenti utilisateur
“ Nous avons opté pour une interface riche afin d'offrir une expérience d'achat unique, qui ne s'appuie pas uniquement sur les prix. Le coût pour faire venir le visiteur ne cesse d'augmenter, donc le revenu pour chacun d'entre eux doit aussi progresser. Notre principal enjeu est de créer de la valeur. Une telle interface joue son rôle dans ce processus. ”Michaël Chaize, représentant de Flash chez Adobe pour l'Europe, milite en faveur de cette approche : “ Une enseigne peut émerger du lot par des expériences utilisateurs immersives. Le Britannique Burberry, par exemple, a mis en place une navigation 3D qui permet de visualiser les vêtements sous différents angles : l'expérience utilisateur est ainsi beaucoup plus forte. ” Pour remplacer son catalogue papier de 800 pages, qui coûtait 50 millions d'euros chaque année à la Camif, Emery Jacquillat mise désormais sur sa version électronique. Avec une fonction particulière de type buy this look : “ Cette application Flash, développée en interne, nous permet d'exposer nos produits au sein d'un univers ambiant. On peut zoomer, afficher les prix en dynamique. Notre onglet “ 8 styles à vivre ” génère aujourd'hui 25 % des visites. ”
Des graphisme adaptés à chaque internaute
Outre le volet conception, la personnalisation est désormais de mise sur les photos des produits. Le modèle de Vente-privee.com, qui s'est très tôt doté de son propre studio photo, est de plus en plus repris. “ Comment un site peut-il émerger au sein des comparateurs s'il arbore les mêmes photos que ses concurrents ? ”, questionne Jean-Claude Muratore, responsable des ventes chez Adobe. Boulanger l'a compris, qui a développé lui aussi un tel studio, tout comme Jules.fr, qui en a même fait une véritable composante de sa stratégie. Amélie Boucher, ergonome et auteur de l'ouvrage Ergonomie web illustrée, a travaillé sur ce projet : “ Nous avons testé les photos de produits présentées sur les anciens sites de Jules, pour voir quels styles faisaient vendre. Jules veut se différencier des autres d'un point de vue global. ” Toutes les enseignes cherchent à personnaliser leur site en fonction des populations d'internautes qu'ils ciblent.Dans cette optique, la technologie facilite l'utilisation de graphismes générés à la volée. “ Avec une plate-forme comme Omniture, nous pouvons enfin réaliser ce qui paraissait l'aboutissement ultime du marketing au début des années 2000 : le one to one, avec un site optimisé pour chaque segment, pour chaque personne ”, explique Jean-Claude Muratore. Pourtant, la segmentation marketing traditionnelle ne fonctionne plus, comme le souligne Emery Jacquillat : “ Nous avons constaté que nous avions trois profils d'internautes, non pas liés à l'âge ou à la catégorie socioprofessionnelle, mais à la façon d'acheter. Nous avons défini la segmentation HEC : H pour les hésitants (qui doivent être assistés), E pour les efficaces (qui utilisent essentiellement le moteur de recherche), et C pour les chineurs ou curieux. Nous cherchons à répondre à ces trois types. ”
Établir une relation durable avec les ergonomes
L'optimisation des sites est désormais à l'ordre du jour, mais la maturité des entreprises vis-à-vis du travail des ergonomes est très diverse. “ La relation de ces derniers avec les cybermarchands est variable. Certains sites feront réaliser une étude juste parce qu'on leur a dit que c'était important. D'autres auront comme seul objectif de prendre une photo de leur plate-forme à l'instant T. Le plus efficace est d'établir une relation avec les ergonomes dans la durée : la vie d'un site web, ce n'est pas une refonte tous les trois ans, entre lesquels on ne touche surtout à rien ”, conseille Amélie Boucher. Pour reconcevoir et améliorer une page d'accueil, plusieurs moyens sont disponibles : le travail avec des focus groups, les enquêtes auprès d'échantillons d'internautes ou encore les études à base d'eye tracking (oculométrie). Cette technique, présentée comme la formule miracle il y a quelques années, voit aujourd'hui son importance relativisée : “ C'est un outil extrêmement intéressant, reconnaît Amélie Boucher, mais attention à l'interprétation des cartes de chaleur ! Les hypothèses peuvent être complètement fausses. Ces analyses doivent absolument être complétées de données verbales et nécessitent une réelle expertise pour être étudiées correctement. ”
Mesurer l'efficacité des changements
Actuellement, ce sont les tests A/B et MVT (Multi Variable Testing) qui sont de plus en plus utilisés pour vérifier l'efficacité des changements apportés aux sites. Avec le premier, on compare deux variantes d'un design : Website Optimizer de Google et Omniture d'Adobe routent une partie du trafic sur l'une ou l'autre des deux versions. Il suffit ensuite de mesurer les performances commerciales de chacune pour définir la bonne formule. Le second test pousse la logique plus loin, avec un grand nombre d'alternatives testées en parallèle. Jean-Pierre Le Borgne, directeur du développement de Yuseo, émet quelques objections : “ Le test A/B connaît le même engouement que l'eye tracking il y a quatre ou cinq ans. Les deux méthodes (A/B et MVT) sont un moyen d'avoir un juge de paix objectif sur les choix réalisés. Ce qui nous semble dangereux, c'est d'essayer de trouver ainsi la variable discriminante, alors qu'on n'est jamais certain de tester la bonne variable. On peut donc facilement en tirer de mauvaises conclusions. ” Yuseo préconise plutôt de recourir à des études sur des panels d'internautes, des études qui peuvent impliquer de 300 à 500 internautes dans l'évaluation du site.
Des tests à renouveller souvent
Pour autant, peut-on considérer qu'un site est parfaitement optimisé ? Olivier Sauvage, directeur associé de Wexperience, en doute : “ On ne peut réellement mesurer l'utilisabilité d'un site sur une échelle comme celle de Richter. On compte les clics, les erreurs, le temps passé et, six mois plus tard, on voit si ça progresse. Il faut accepter ce flou. ” Une analyse que ne partage pas Jean-Pierre Le Borgne : “ Il faut revenir aux fondamentaux. Si les gens ne trouvent pas le produit, ils ne l'achètent pas. Si on ne donne pas la bonne information au client au bon moment, on ne peut pas le rassurer. Mais on est capable d'estimer un niveau d'utilisabilité sur la base d'un objectif précis. ”Amélie Boucher ajoute : “ L'ergonomie, c'est la science du compromis. Il n'y a pas de méthode miracle pour améliorer celle d'un site. Il faut non seulement appliquer toutes celles qui existent en parallèle, mais aussi procéder par itérations. ” Une approche qui n'est plus une vue de l'esprit : les grands sites, disposant de plus de moyens, commencent à mettre en œuvre ce type de stratégie.
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