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En quelques années, la CAO et la simulation ont profondément transformé la conception des voitures. Renault dévoile ce qui se cache sous le capot... de ses ordinateurs.
' Pression des pneus insuffisante. Ralentissez. ' Depuis que l'électronique embarquée dans nos voitures contrôle l'état du véhicule ou surveille la route, le conducteur est assisté et les
passagers sécurisés. En attendant le jour où nos voitures se piloteront elles-mêmes... Déjà, avec le dessin en 2D, puis la modélisation en 3D, les maquettes numériques et la réalité virtuelle, le logiciel a changé en profondeur la phase de
conception, et, plus globalement, les processus industriels. Aujourd'hui, c'est la simulation numérique des phénomènes physiques (résistance aux chocs, pénétration dans l'air, interférence entre les systèmes électroniques...) qui s'octroie une
place de choix. Son rôle ? Anticiper les comportements physiques des véhicules.
Le numérique n'est pas moins cher
Les tests numériques de crash ont été les premiers à s'imposer, évitant la destruction de prototypes coûteux à fabriquer. Puis, l'avancée des connaissances en physique et la disponibilité de puissance informatique aidant, les
industriels se sont aussi lancés dans le calcul pour les essais aérodynamiques, acoustiques et, plus récemment, de compatibilité électromagnétique. ' Les grands enjeux actuels de la simulation se situent au niveau des
comportements physiques, confirme Jean-Marc Crépel, chef du projet prototype numérique chez Renault. Ils induisent des calculs mathématiques bien plus complexes que la maquette numérique, qui se contente d'étudier des mouvements
de rotation, de translation, etc. ' En guise d'atelier de prototypage, Jean-Marc Crépel dispose d'un bureau et d'une station de travail dans les superbes locaux translucides du technocentre de Renault, à Guyancourt, en région
parisienne. Son rôle en fait un témoin privilégié de l'importance grandissante de la simulation numérique dans son industrie. ' D'autres secteurs, comme l'aéronautique, se sont montrés plus précoces, continue-t-il. Pour nous,
ces dernières années, la simulation numérique est passée du statut d'activité marginale à celui d'outil reconnu dans le processus de conception. Les essais physiques continuent, mais désormais ils accompagnent les calculs, et non
l'inverse. 'Selon Jean-Marc Crépel, les constructeurs automobiles n'ont pas adopté la simulation numérique pour des motifs économiques. ' Ce procédé n'est pas forcément moins cher que le prototypage physique, et n'offre pas
toujours plus de qualité, mais il permet de conserver le même niveau de qualité dans des délais bien plus courts. ' L'enjeu est de taille. Dans les années 1980, près de sept ans s'écoulaient entre l'idée et le produit final.
Aujourd'hui, les industriels doivent dérouler le processus en à peine deux ans. Et du côté du Japon, on parle même de douze mois ! Chez Renault, les choses sont claires depuis le discours du PDGCarlos Ghosn en début d'année. Entre 2007 et 2009,
il lancera en moyenne huit modèles par an, soit un rythme deux fois supérieur à celui de la période 1998-2005. Même si la simulation numérique n'est pas la réponse miracle, elle joue un rôle indispensable.Pour Helmutt Ritter, DSI ingénierie du constructeur automobile autrichien Magna Steyr, à la pointe de l'automatisation, le coût demeure un atout important. ' Avec un bon modèle de simulation, il apparaît plus
facile de jouer sur les paramètres qu'avec un prototype physique. ' De toute évidence, il s'avère plus simple et plus économique de répéter cinquante fois le calcul d'un crash que de construire cinquante modèles en argile
synthétique destinés à être détruits. En outre, un test numérique aide à identifier la source d'une mauvaise performance aéro-dynamique, par exemple. La notion de bon modèle de calcul reste néanmoins fondamentale. Ainsi, chez Renault, on a longtemps
étudié le véhicule dans sa conception théorique parfaite. Une erreur. La fabrication comme l'utilisation entraînent des variations de paramètres (du fait de la qualité des matériaux, de leur usure) dont il faut tenir compte. Les modèles doivent donc
être simplifiés... mais pas trop. Le travail sur les modèles les plus efficaces ?" et donc pas forcément les plus précis ?" représente une des tâches les plus lourdes de la simulation numérique.
Des calculs encore trop isolés
Car tout n'est pas encore pour le mieux dans le meilleur des mondes. L'état de la connaissance des phénomènes physiques indispensable à la simulation numérique demeure un des principaux obstacles à son développement. Elle n'atteint
pas le même niveau d'avancement dans toutes les disciplines. Ainsi, bien qu'ils soient à l'étude depuis longtemps dans les services de recherche Renault, on ne dispose de tests aérodynamiques numériques tout au long du processus de conception que
depuis le début des années 2000. Etudiés depuis peu, les effets électromagnétiques induits par la voiture et ceux auxquels elle est soumise demeurent mal connus. Les bons modèles restent rares dans ce domaine. Au point que Renault vient d'inaugurer
une gigantesque salle d'essais en dur, le CEM (Compatibilité électromagnétique). Et que dire des effets combinés ? ' Un coup de vent transversal induit des effets d'aérodynamique externes, mais aussi de comportement
routier, détaille Jean-Marc Crépel. De la même façon, les phénomènes physiques observés à l'arrière d'une voiture quand elle roule se révèlent très nombreux et complexes. ' A ce jour, les différents
calculs sont menés de façon isolée. Aucun logiciel du marché n'analyse de phénomènes combinés. ' Chaque nouvelle simulation nous enseigne davantage sur le phénomène physique étudié, raconte cependant Jean-Marc
Crépel. Elle enrichit l'étude de la physique du phénomène, qui alimente elle-même les progrès du logiciel. ' Un cercle vertueux.
Pas encore de logiciels sachant tout centraliser
Les constructeurs automobiles et autres industriels doivent s'intéresser de plus près à tous les résultats de ces calculs. Car si les modèles de CAO sont bel et bien exploités en entrée des logiciels de simulation, les résultats ne se
voient pas réinjectés dans le circuit. Pourtant les données de calcul prennent une importance grandissante. ' Il nous faudra de plus en plus souvent retrouver l'origine d'un choix ', souligne ainsi
Jean-Marc Crépel. Et cela ne deviendra possible qu'en gérant les données et en capitalisant sur les connaissances. ' Certains éditeurs de simulation se penchent sur la gestion des données de calcul selon le modèle des
SGDT ', indique Helmut Ritter. Ces bases de données techniques devraient d'ailleurs assurer au minimum l'interface entre les métadonnées du modèle, la simulation et la géométrie. Pour l'heure, les logiciels de calcul, de CAO
et autres sont distincts, et donc les bases de données aussi. ' Je rêve d'une suite logicielle capable de s'occuper de tout ! ', s'enflamme Helmut Ritter.