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Signés il y a un an, les contrats d'externalisation ne tiennent pas leurs promesses. Un démarrage cahotique qui a peut-être contribué au départ du DSI.
Qui est au volant de l'informatique de Renault ? Donné partant pour juin ou juillet prochain, Jean-Pierre Corniou, DSI du constructeur depuis 2000, serait déjà sur la touche. L'intéressé ne dément pas les rumeurs persistantes
dont il fait l'objet tout en rappelant ses obligations au sein du Cigref. En octobre prochain, l'assemblée générale du Club scellera la fin de son deuxième et dernier mandat de président.Ce départ programmé de Jean-Pierre Corniou serait dû à deux principaux facteurs. Premièrement, l'arrivée de Carlos Ghosn à la tête du constructeur coïncide avec un changement d'organigramme. Deuxièmement, les engagements pris, en
février, par le nouveau PDG à l'occasion de son plan ' Renault Contrat 2009 ', qui prévoit le lancement de la Laguna III en 2007, exige une informatique en parfait ordre de marche. Or, celle-ci connaîtrait des ratés un peu
plus d'un an après la signature des contrats, dits de massification, visant à passer de quelque 300 sous-traitants à trois prestataires ' référents ' : le poste de travail confié à HP, le parc applicatif à Atos
Origin et l'exploitation à CSC. Un montage inédit qui vise une efficacité accrue (Cobit, Itil, CMMi) et une réduction de coûts de l'ordre de 100 millions d'euros en année pleine d'ici 2007 ou 2008.Un contrat d'externalisation a beau nécessiter une période de rodage, on serait loin du compte. Des sources internes concordantes ?" une dizaine de salariés syndiqués et non syndiqués interrogés ?" évoquent une
dégradation de la qualité de service sans économies visibles. Selon FO, le budget informatique, un temps ramené à l'objectif de 1,5 % du chiffre d'affaires, serait même repassé à 1,9 %.
Délocaliser pour faire baisser le taux horaire
Partie émergée de l'iceberg, les premières critiques se sont portées sur le ' 115 ', le support utilisateurs. Alors que cette hotline interne était jusqu'à présent gérée sur site à Boulogne-Billancourt par
Atos Origin, HP l'a décentralisée en Tunisie. Ce qui aurait conduit à une période de flottement et à un effritement de la culture maison. ' Renault a confié à HP la base de connaissances. A charge pour le fournisseur de se
débrouiller avec ', avance une syndicaliste.Mais, aujourd'hui, c'est surtout le domaine géré par Atos Origin qui concentre le feu des réprimandes. Le chantier de rationalisation du parc applicatif qui compte plus de deux milles applications aurait été sous-estimé. Quant au
passage de relais, il se serait opéré sans transfert de compétences ni périodes de recouvrement suffisants. Le projet ' Refondation II ' a, en effet, conduit à des mouvements de personnel en interne
?" préretraites, réaffectations... ?" mais aussi au départ des sous-traitants évincés. ' Des personnes qui étaient employés en régie depuis 10 ou 15 ans ont emporté avec eux leur connaissance métier ', rappelle un syndicaliste. Le départ massif de ces prestataires a
entraîné une perte du savoir-faire accumulé au fil des ans par des sociétés de premier rang, aujourd'hui écartées, à l'instar d'Unilog. D'autant que les anciens prestataires, écartés de la responsabilité des domaines applicatifs, n'ont pas fait
montre d'un excès de zèle à l'heure de livrer les documentations techniques des applications.Et si l'on se réfère au modèle financier construit par la SSII (voir infographie), l'objectif de 10 % d'économies dès la fin 2005 par le remplacement de 65 % des sous-traitants ne paraît pas avoir été
atteint. Afin de tenir l'engagement final de réduction de coûts de 30 % à horizon 2010, Atos Origin actionnerait déjà d'autres leviers. Pour faire baisser le taux horaire moyen, la SSII recourrait fortement, et en avance sur le calendrier, à
des délocalisations nearshore (Espagne) ou offshore (Inde). Quitte à faire de l'ombre à Meconsa, filiale 100 % Renault, basée en Espagne et spécialisée dans le développement.
Un excès de formalisme conduit à l'' effet tunnel '
Autre grief : le formalisme poussé à l'extrême. Au sein de la nouvelle organisation, les demandes d'évolution de code sont désormais clairement formalisées et contrôlées. Mais le passage par de multiples instances et
intermédiaires alourdit considérablement leur gestion. ' Les chefs de projet passent leur journée à remplir des comptes-rendus ', enrage un expert mainframe. Et les délais de
réponse s'en trouvent rallongés. D'où l'évocation d'un ' effet tunnel '.' La demande d'un client interne doit passer par la gestion des budgets, puis par la planification des
développements de la DTSI, etc, pour suivre ensuite un parcours similaire chez Atos Origin, décrit Pierre Nicolas, représentant syndical de la CGT au comité central d'entreprise. Il y a un besoin de formalisation parfois sans
proportion avec le problème rencontré. ' Même si la mise en place de procédures standardisées est un élément constitutif de la tierce maintenance applicative pratiquée de façon industrielle.
Remise en cause de la ' gouvernance à quatre '
Dernier du triumvirat, CSC est jusqu'à présent épargnée par les critiques. Il faut dire que le domaine de la production repris par la SSII bénéficie des procédures de gestion des incidents mises en place par Renault, selon les
standards du marché. Par ailleurs, CSC aurait réussi, selon plusieurs témoignages, à mieux ' mixer ' ses équipes avec le personnel historique de Renault. Au final, FO dresse un constat d'échec pour le modèle de
' gouvernance à quatre ' initié par Renault. ' Passer d'une relation de client fournisseur à une relation de partenariat sur le mode gagnant-gagnant ne tient que sur le papier. Forfaitiser à l'extrême
entraîne paradoxalement des surcoûts, les prestataires facturant tout dépassement pour " rentrer dans les clous ". ' Le manque de coordination, entre les métiers et les prestataires et entre les
prestataires eux-mêmes, diluerait, par ailleurs, les responsabilités.Est-ce que ces dysfonctionnements étaient prévisibles ? Remis en juin 2004 au Comité central d'entreprise, un rapport confidentiel de Secafi Alpha, que 01 Informatique s'est procuré, mettait déjà en
avant un certain nombre d'entre eux. Le cabinet d'expertise faisait notamment un parallèle avec la politique de référencement de France Télécom. Les ' heureux ' prestataires retenus par l'opérateur avaient dû engager les
salariés des fournisseurs évincés ou passer des contrats de sous-traitances avec eux. L'espérance de gains de productivité et de simplification de l'organisation s'éloignant d'autant. La direction informatique de Renault et, par contrecoup, les
prestataires tenus contractuellement à la confidentialité, n'ont pas répondu à nos questions dans les temps.