Entre les grands opérateurs et les collectivités, le torchon brûle. A l'occasion du salon Odebit, qui s'est tenu au Cnit Paris-la Défense les 20 et 21 septembre derniers, les responsables locaux de l'aménagement numérique n'ont pas mâché leurs mots à propos du déploiement de la fibre optique. “ Nous avons besoin d'un meilleur équilibre entre les acteurs publics et privés, et de plus de visibilité sur les projets des opérateurs ”, explique Roland Courteille, directeur général du syndicat mixte Manche numérique. “ Avec le dispositif actuel, on risque de vitrifier notre territoire ! ”, s'exclame Alain Lagarde, président du syndicat mixte Dorsal (Limousin). Celui-ci a d'ailleurs cosigné, le 31 août dernier, “ l'appel des sept ”, une initiative collective de sept départements visant à “ replacer les collectivités au cœur de l'aménagement numérique ”. Quinze autres collectivités les ont rejoints depuis.
L'enjeu des territoires dits moyennement denses
Pour comprendre cette fronde, il suffit de lire le rapport du sénateur Hervé Maurey. Publié en juillet, il dresse un constat alarmant de l'actuel Plan national du très haut débit (PNTHD). Trop en faveur du secteur privé, il serait contre-productif. Tout se joue en fait dans les territoires dits moyennement denses. Dans une telle zone, une collectivité locale ne pourra obtenir de subventions pour le déploiement d'un réseau à très haut débit que si aucun acteur privé n'a montré l'intention de la couvrir. Le problème, selon le sénateur, est que les intentions des opérateurs n'engagent à rien et manquent de précision.Dès lors, la collectivité se trouve bloquée et ne pourra plus investir que dans les zones peu denses, qui n'intéressent pas les acteurs privés. Ce qui exclut, par voie de conséquence, toute possibilité de péréquation, c'est-à-dire de financement des portions non rentables par les secteurs profitables.Par ailleurs, les collectivités redoutent que les promesses des opérateurs n'aboutissent pas, ou alors avec beaucoup de retard. “ Le marché de la fibre optique va tuer celui de l'ADSL, car c'est un marché de remplacement. Or les gros opérateurs ne peuvent pas se permettre de rebattre les cartes totalement et veulent préserver leurs parts dans le haut débit. Du coup, la fibre ne démarre pas ”, estime Jacques Notaise, directeur de Debitex, établissement public interdépartemental de la Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise.Renforcer le rôle de l'État
Pour remédier à cette situation, le sénateur lance plusieurs propositions. Il veut rendre obligatoires et juridiquement opposables les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN), qui identifient les réseaux existants et les projets de déploiement. Avec, à la clé, des sanctions en cas de défection. Il souhaite aussi renforcer le rôle de l'Etat. “ Il n'y a plus de ministre d'aménagement du territoire, ni de ministre chargé du numérique en tant que tel ”, souligne Hervé Maurey, qui compte déposer une proposition de loi dans les mois qui viennent. Le gouvernement, pour sa part, essaye de désamorcer cette situation explosive, avec la mise en place de commissions consultatives régionales, censées arbitrer entre les opérateurs et les collectivités.
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