Fail Conference : Entretien avec Loïc Le Meur
Loïc Le Meur, fondateur et PDG de Seesmic, est un peu à l'origine de cette première conférence sur l'échec entrepreneurial. Emigré aux Etats-Unis, il a une double expérience d'entrepreneuriat en France et outre-Atlantique.
01net Pro: Quelles différences voyez-vous dans la culture de l'échec en France et aux Etats-Unis ?
Loïc Le Meur: C'est un cliché mais il est réel. L'échec est accepté et normal dans la Silicon Valley. Cela fait partie de la culture. Un entrepreneur qui se plante gagne en expérience.
Lors de cette première Fail Conference, le débat a essentiellement tourné autour des rapports entre les entrepreneurs et les investisseurs. Il semble qu'en France, la réussite entrepreneuriale soit fortement liée à la capacité à lever des fonds. Qu'en est-il là-bas ?
C'est vrai, c'est très lié, mais les investisseurs n'en tiennent pas autant rigueur en général, car les exemples d'incroyables succès après un échec sont nombreux : Evan Williams s'est planté avec Odeo avant de lancer Twitter et Mark Pincus avec Tribe avant de créer Zynga. Les deux avaient levé beaucoup pour ces projets et les investisseurs ont perdu la plupart des fonds. Certains, qui n'ont pas suivi pour l’aventure suivante, comme celle de Twitter, s'en mordent les doigts aujourd'hui.
En France nous avons des investisseurs en capital-risque. Est-ce qu'ici, les investisseurs sont plus focalisés sur les risques d'échecs alors qu'aux Etats-Unis ils sont plus intéressés par les opportunités de réussite (Venture Capital) ?
Un autre cliché, lui aussi souvent vrai. La plupart du temps, en Europe, quand vous avez une réunion avec un investisseur, il vous parle de tous les écueils potentiels alors que les Américains se concentrent sur l'opportunité. Mais attention, ce n'est pas parce que l'entretien est plus facile qu'ils investissent plus facilement. Difficile de généraliser. Sincèrement, il y a d'excellents VC en Europe, comme les miens (Wellington Partners et Atomico). Ce sont d'anciens entrepreneurs, ils connaissent bien le sujet et la nécessité du pivot.
Dans votre intervention au TechCrunch French Remix, vous conseilliez aux entrepreneurs de viser d'emblée l'international. Hier, Stéphane Distinguin, de Faber Novel, concluait l'événement en assurant qu'il faut savoir faire avec son écosystème, c'est-à-dire se contenter du marché français. Deux visions divergentes, toutes deux guidées par la peur de l'échec ? Quels sont les risques pour chacune ?
Il est évident que l'on peut réussir en se concentrant sur le marché français, il suffit de regarder Free ou Vente-privée. Pour autant, si l'on ne vise pas l'international tout de suite, il y a peu de chances que cela se produise par magie. Et si vous voulez le faire dans un second temps, un Américain aura certainement pris le marché et sera devenu dominant, rendant difficile l'expansion. Il suffit de voir Facebook l'emporter systématiquement contre les clones, ou encore l'explosion de Groupon... Le pire est vraiment de se concentrer sur créer des clones, c'est ce qui tue l'innovation en Europe.
Vous avez un passé d'entrepreneur en France puis vous avez émigré aux US. Etait-ce suite à un échec de votre business en France ?
Pas du tout, j'ai juste voulu être au centre du réacteur, à une demi-heure de Google, Facebook, Twitter et tous les autres, cela aide.
Quel est votre expérience de l'échec ?
J'échoue tous les jours, en permanence, et je change de direction quand c'est le cas. L'agilité est la première qualité d'un entrepreneur, je crois. Il faut avoir un bon board, avec des investisseurs qui le comprennent, sinon c'est la catastrophe. Un succès comme Salesforce, aujourd'hui valorisé à plus de 15 milliards de dollars en Bourse, n’est pas passé loin du dépôt de bilan à plusieurs reprises, comme le raconte Marc Benioff dans son livre(*). Il faut juste comprendre que c'est normal, cela fait partie de l'aventure. En France, on ne le sait parfois pas assez. Je trouve excellent que FailCon ait eu lieu en France, cela aide à faire comprendre que l'échec est normal, si ce n'est nécessaire, pour progresser et avancer, entrepreneurs comme investisseurs. Pas les uns contre les autres, mais ensemble.
Merci Loïc.
(*) Behind the Cloud, de Marc Benioff
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