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L'ouverture à la concurrence et une informatique obsolète ont mis en péril l'activité fret de la SNCF. Il était devenu vital pour l'entreprise d'avoir un système d'information performant. Après quatre ans de projets, le pari semble réussi.
“ Si une intempérie bloquait une voie, il était presque impossible de réagir ”, se souvient Patrick Lefevre, DSI de Fret SNCF. Une difficulté en rapport avec l'ancien système d'information (SI), plus précisément, avec la dispersion des données dans de multiples applications, et dont la consolidation restait inaboutie. “ Par exemple, insiste Patrick Lefevre, réaffecter les wagons d'un train bloqué sur d'autres convois à J - 1 était problématique. ” Un existant lié à l'historique de la société.Simple direction commerciale de la SNCF, le fret n'avait pas son propre SI. Depuis 2000, son autonomie progressive s'est accompagnée de la mise en œuvre d'autant de briques logicielles provenant de divers services (matériel, commercial, etc.). Souvent des applications remontant aux années 80 et déployées par des intégrateurs différents. Conséquence, en 2008, le SI se composait de 150 applications interconnectées par 900 liaisons point à point. “ Un mille-feuille applicatif se traduisant, entre autres, sur le terrain par une matrice de ressources et de disponibilités plutôt complexe ”, décrit le DSI de Fret SNCF. Celle-ci mettait en concordance les disponibilités respectives de locomotives, de conducteurs et de “ sillons ”, le terme consacré pour définir l'utilisation d'une voie sur une période donnée. “ On achète des droits de passage à Réseau ferré de France (RFF) ”, explique Patrick Lefevre. De plus, la rénovation en cours du réseau par l'exploitant complique l'affectation des ressources. “ Au cœur de notre métier, cette partie a été la première rénovée ”, souligne-t-il.Autre facteur de complexité, l'ouverture à la concurrence sur l'international en 2003, et celle du marché domestique en 2006, ont rendu obsolète une partie des applications. “ Avant 2003, le train s'arrêtait à la frontière. Les outils gérant les échanges physiques de wagons avec les autres transporteurs répondaient alors aux besoins ”, rappelle Patrick Lefevre. Le SI prend désormais en charge l'acheminement dans toute l'Europe et assure la gestion et la traçabilité des wagons de Helsinki à Lisbonne. Indépendamment de ces aspects, l'ouverture à la concurrence imposait, bien sûr, “ d'être bien armé en termes de SI ”, insiste Patrick Lefevre. Depuis 2008, Fret SNCF a perdu 20 % du marché domestique et a connu des difficultés. Dans le même temps, il s'est étendu en Europe via la création ou le rachat de filiales, notamment en Italie et en Belgique.
Des applications unifiées dans toutes les filiales européennes
Toutes ces raisons ont poussé l'entreprise à mettre en place un SI intégré, “ qui a vocation à remplacer en totalité l'ancien patchwork applicatif ”, souligne Patrick Lefevre. Ce fut également l'occasion de déployer le SI dans toutes les filiales européennes. “ Seule la structure allemande utilise son propre SI ”, détaille Patrick Lefevre. Pour décloisonner complètement le patchwork applicatif, la DSI a urbanisé le SI à partir des données. Techniquement, ce choix s'est traduit par une grosse base de données Oracle couplée à des développements spécifiques. Homogène, l'environnement technique du nouveau SI s'appuie sur Tomcat, Java et sur des machines standards. Contrainte habituelle, il fallait développer les nouvelles applications sans arrêter la production. Moins courant dans le monde du transport, la DSI a choisi de suivre une méthode agile pour conduire le projet. “ Il n'était pas concevable d'attendre le temps habituel dans ce type de projet, souvent autour d'une année, avant la livraison des applications. Ce, d'autant plus que le besoin évolue souvent pendant cette période ”, justifie Patrick Lefevre. L'agilité s'est traduite par un découpage des fonctions beaucoup plus restreint que dans les projets classiques. Et par l'absence de spécifications détaillées, remplacées initialement par un document de cadrage, puis par des allers-retours avec les utilisateurs. Le périmètre couvert par ces composants étant restreint, leur livraison a pu se faire à raison d'un toutes les six à huit semaines. Ce qui a réduit le risque d'inadéquation avec le besoin et, dans le pire des cas, limité les développements inutiles. La mise en œuvre est sous-traitée depuis 2008 à Cereza, une société de services spécialisée, entre autres, dans le transport.Première application à être remplacée, Swing succède à celle qui gérait les wagons isolés. Une activité a priori moins rentable que la commercialisation de trains entiers. L'application a été découpée en quelques dizaines de fonctions faisant l'objet d'autant de composants livrés en 2008 et 2009. Finalisé la même année, Swing a servi de socle pour l'installation d'une application multilot et multiclient. La DSI s'est ensuite attaquée à la migration de son outil majeur, dédié à la planification des trains et à l'affectation des ressources. Baptisé Railway Undertaking System, il est déjà opérationnel en France et en cours de déploiement dans le reste de l'Europe.
Un coût total de possession divisé par deux
Contrainte de la démarche agile, pour assurer le maintien de la production, la mise en œuvre des nouveaux applicatifs a inclus la prise en charge des anciens systèmes, notamment pour la synchronisation des données. Ce, “ jusqu'au démantèlement complet des anciens systèmes ”, détaille Patrick Lefevre. Une contrainte qui s'est traduite par “ la mise en place de très nombreuses moulinettes ”, ajoute Dominique Masutti, président de Cereza. Des moulinettes interapplicatives basées sur un outil d'EAI (intégration des applications de la société).Dès son lancement, le projet était également sous-tendu par la volonté de la direction de maîtriser les coûts, en l'espèce, de diviser par deux le coût total de possession (TCO). Cette baisse des coûts a touché toutes les facettes du SI. Rationalisé et centralisé, le nouveau SI évite la duplication de données et des applications, dont une partie était redondante. Il s'agit aussi d'un “ mainframe killer ”, ajoute Dominique Masutti. Les équipes n'ont pas échappé à cette cure d'amaigrissement. “ La DSI compte désormais 75 collaborateurs plus proches du métier ”, décrit Patrick Lefevre. Les études ont été externalisées, le développement et la tierce maintenance applicative sont pris en charge par Cereza. D'autres développements sont prévus ou en cours. “ La rénovation de l'ordonnancement de la production facilitera la prévision des besoins de convoyage. L'utilisation des ressources s'en trouvera aussi optimisée ”, illustre Patrick Lefevre. En ce qui concerne l'avenir, ce dernier entend continuer à faire évoluer le SI avec une approche agile.
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