Inscrivez-vous gratuitement à la Newsletter BFM Business
Après une fusion délicate en 2008, le géant de l'énergie a organisé un brainstorming mondial afin de faire émerger les nouvelles valeurs du groupe. Pour y parvenir : une plate-forme collaborative web 2.0 et six mois de préparation.
Comment réaliser un événement fédérant l'ensemble des collaborateurs quand on est un groupe de 200 000 personnes réparties dans 60 pays ? Deux ans après l'annonce, en 2006, de leur rapprochement, Gaz de France et Suez fusionnent pour devenir un des leaders mondiaux de l'énergie. “ Si les valeurs passées des deux groupes sont proches, le comité exécutif ne s'est pas pour autant contenté de les juxtaposer. En leur conférant un rôle moteur, il a souhaité voir émerger une culture commune. Ceci d'une manière innovante, en invitant tous les collaborateurs, quel que soit leur pays ou leur entité, à exprimer leur perception du groupe et leurs attentes ”, résume Romain Petit, chargé de mission au sein de la direction de la communication et de la communication financière de GDF Suez.
Une journée d'échanges en temps réel
L'idée d'un intranet collaboratif, accessible à tous, surgit très vite. Mais en 2008, la fusion est encore toute récente et il est trop tôt pour imaginer la mise en place d'un système de cette envergure, qui nécessiterait aussi beaucoup de temps. Décision est prise d'organiser une journée fédératrice, le forum des valeurs, en recourant à des outils collaboratifs. “ Nous recherchions une plate-forme suffisamment robuste et sécurisée pour que chacun participe individuellement au projet, qu'il n'y ait pas d'intrusion externe, et pour que le forum des valeurs couvre, le jour J, l'ensemble des fuseaux horaires de la planète ”, raconte l'intéressé.Au-delà de l'accessibilité, il fallait un outil collaboratif qui aide chacun à discuter en temps réel avec ses collègues, à l'autre bout du monde. Le groupe opte alors pour la plate-forme collaborative web 2.0 de Multilogue. Le 3 mars 2009, les patrons du groupe adressent un mailing aux collaborateurs, afin de les inciter à se connecter à l'espace de travail depuis leur poste, pour ceux qui en sont équipés. Lors de la connexion, chacun est invité à choisir la langue d'utilisation et à renseigner un formulaire de prof il limité (âge, pays, entité…). Alors l'échange commence, en “ live ”, au sein de salles de discussions thématiques virtuelles : “ Qui voulons-nous être ? ”“ Qu'avons-nous en commun dans la façon de pratiquer nos métiers ? ” Etc. Environ 70 modérateurs, issus des filières RH et communication, ou des déontologues, regroupés dans un “ hub room ” au siège, scrutent les messages et identifient les commentaires sortant du cadre du réglement d'utilisation du forum des valeurs (propos diffamatoires, injurieux, etc.). Une charte à laquelle chaque collaborateur a adhéré en se connectant à la plate-forme. Pour ceux qui ne disposent pas d'un poste informatique, le groupe a organisé des ateliers physiques, animés par les managers de proximité qui réunissent leurs équipes et les fait plancher sur les thèmes du forum.Un seul jour fondateur…mais six mois de travail intense en amont. La direction de la communication a piloté l'opération. Une équipe projet a été constituée, composée d'une petite dizaine de personnes issues principalement de la DSI et de la communication. En outre, un “ réseau forum des valeurs ” a rassemblé près de 150 salariés provenant des filières management, communication et RH du groupe. Leur mission : répercuter les informations auprès d'un deuxième cercle d'environ 500 collaborateurs représentatifs des différentes branches et entités du groupe. Une adresse de messagerie électronique collective a été créée afin d'informer régulièrement l'ensemble des membres du réseau sur les avancées du projet. Chacun était ainsi en mesure de remonter ses questions à la direction de la communication, qui y répondait directement ou par le biais de bilans réguliers adressés à tous.En cours de projet, deux webcasts (échanges par vidéo en direct sur internet) ont par ailleurs été organisés de façon à partager les grandes avancées avec tous les collaborateurs impliqués. L'opération n'aurait sans doute pas connu un tel succès sans la mobilisation initiale et la forte implication des 19 membres du comité exécutif, qui ont incité l'ensemble des cadres dirigeants du groupe à promouvoir l'événement auprès de leurs équipes et à y participer eux-mêmes. La direction de la communication a travaillé main dans la main avec la DSI, dès le démarrage du projet. Des correspondants systèmes d'information, répartis à travers tout le groupe, se sont assurés de la faisabilité technique du cahier des charges (serveurs, sécurité…).
Respecter les différences culturelles
La principale difficulté du projet était de n'exclure personne du dispositif. La question de l'accessibilité au forum apparaissait donc cruciale, quels que soient la configuration du poste de travail du collaborateur, son pays et son entité. Ce qui n'était pas une mince affaire après une fusion d'envergure, qui a nécessité le rapprochement de multiples systèmes d'information. “ Un véritable casse-tête, mais un beau défi technologique à relever pour des équipes qui apprenaient tout juste à travailler ensemble ”, assure Romain Petit.Autre challenge, traiter les milliers d'échanges en plusieurs langues afin qu'émergent les valeurs essentielles. Une équipe de linguistes a analysé les contributions des collaborateurs dans leur langue respective, pour respecter leurs sensibilités culturelles et linguistiques. Puis un traitement sémantique informatique a fait ressortir 13 familles de mots clés, symbolisant les grandes attentes des salariés, leurs perceptions du groupe, ses missions et son avenir. Quatre thématiques se sont détachées, donnant naissance aux quatre “ nouvelles ” valeurs du groupe : exigence, engagement, audace et cohésion.Pour Romain Petit, ce type de dispositif est intéressant, notamment son ratio entre le faible coût unitaire par contributeur et le bénéfice à long terme que représente la matière recueillie. Auparavant, ce type de démarche “ bottom up ” était conduit via des programmes d'études qualitatives et/ ou quantitatives. Occasionnant un réel coût financier, surtout lorsqu'il s'agissait de les déployer sur plusieurs pays. “ Les contributions nous ont aussi fourni une matière riche sur l'entreprise, ses sensibilités, l'image que les salariés ont de GDF Suez et de son avenir. Cette “ bible ” nous aide aujourd'hui à cadrer nos actions de communication interne au plus près des préoccupations réelles et des attentes de nos collaborateurs ”, explique-t-il. Les retombées d'un tel exercice participatif en termes d'adhésion et de mobilisation interne s'avèrent donc largement positives. GDF Suez a lancé dernièrement son premier baromètre interne, qui a révélé que 78 % des employés approuvaient pleinement les valeurs du groupe.Reste, dans la pratique, à faire vivre ces valeurs et à agir pour que chacun se les approprie. Ainsi, elles se sont vues progressivement inscrites et détaillées dans l'ensemble des documents de référence et de présentation du groupe, à commencer par la charte éthique, mais aussi le site internet, l'intranet, le rapport annuel, ou encore la brochure institutionnelle.
Votre opinion