Après avoir constaté qu'il fallait empiler les solutions techniques pour atteindre le fameux Graal tant convoité du 100 % sécurité, le juriste s'interroge encore sur les fonctions remplies par les systèmes techniques d'identité.
Et il s'impatiente. Une seule question le hante, celle de la preuve : preuve de ce qui a été fait, des droits accordés, de l'imputabilité à une personne, de l'identité de cette personne, et de son consentement. Dans un contexte de plus en plus
réglementé où la transparence est le maître mot, la preuve représente une question de droit fondamental, éternelle et supranationale. Elle mérite de s'y pencher au regard de deux techniques en vogue : la biométrie et la signature
électronique.
Les notions d'autonomie, de maîtrise et d'imputabilité ne sont pas assurées
La biométrie - ou pour les puristes, l'anthropométrie - a bénéficié de deux progrès majeurs. Elle s'est nettement perfectionnée, et a été reconnue compatible avec le respect des droits et des libertés individuelles des
individus. Pour le juriste, la biométrie crée un lien extrinsèque avec l'homme, sans toutefois satisfaire aux obligations de la signature. La signature électronique, elle aussi, a profité de deux évolutions essentielles. Reconnue en tant qu'outil
juridique dans l'Union européenne, elle reste seule à assurer ce lien nécessaire entre une action ou un document et la personne qui en est à l'origine. Pour le juriste, la signature électronique garantit l'autonomie de la personne en termes de
consentement à une action ou à un document.Pourtant, ces deux techniques portent en elles un écueil important. La première n'assure pas cette autonomie de la personne en termes de consentement. Il s'agit de comparer avec un lecteur biométrique, un élément préenregistré à
l'élément biométrique de la personne. La seconde n'assure pas la maîtrise de l'identification de la personne. Il s'agit d'attribuer un certificat électronique, seul lien avec l'individu, à une seule date donnée, selon une procédure plus ou moins
renforcée et moyennant une gestion dans le temps de ce certificat et des événements qui l'entourent, parfois indépendants de l'individu lui-même.Le constat est alarmant. Les exigences juridiques de base en matière de preuve - principalement la notion d'autonomie et de maîtrise (libre arbitre sur les actions de tous les jours) et celle d'imputabilité (action par action)
- ne sont pas pleinement satisfaites, voire pas du tout pour le juriste contradicteur qui n'hésitera pas à mettre en exergue la ou les failles de sécurité devant le juge, tant on s'éloigne de l'homme par le truchement d'outils technologiques
et de procédures ad hoc.
Replacer l'homme au centre des questions d'identité
Les dysfonctionnements commencent déjà à pointer leur nez : failles de sécurité sur le passeport électronique britannique, refus répété de la Cnil sur le dossier médical personnel, haro des avocats américains qui contestent
l'usage de fichiers centraux.La solution tiendrait donc dans la combinaison de ces deux techniques. La société WBS propose d'ailleurs un tel système, le seul autorisé par la Cnil et qui peut sembler révolutionnaire à première vue tant il est évident. Son
fondateur, Philippe Morel, déclare que
' la génération du virtuel, c'est la génération du soupçon. La réponse au soupçon, c'est la confiance. ' Pourquoi cette solution, qui replace l'homme au centre des
questions d'identité, n'a-t-elle pas été pensée bien avant ? Sans doute parce que son inventeur est un ancien magistrat et qu'il s'est attaché aux aspects fonctionnels et juridiques en même temps qu'aux aspects techniques. Pourquoi n'est-elle
pas déployée en 2007 ? Sans doute à cause de lobbies écrasants de constructeurs et de sociétés de consulting, qui font de la surenchère sur le marché de la sécurité. Sans doute aussi parce que cette solution fait doucement son
' coming out '. En France, WBS est en pourparlers avec l'Union nationale des huissiers de justice, en la personne de son président Eric Piquet, aux fins de déploiement de la solution au sein de la
profession.Vos idées :
carteblanche@01informatique.presse.fr*avocat à la Cour, chargée d'enseignement en faculté de droit. Dotée dune double compétence en matière de biométrie et de signature électronique, elle instruit des dossiers auprès de la Cnil.
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