Les industriels qui n'ont pas encore pleinement apprécié la valeur et le risque que confère le brevet à la stratégie d'entreprise sont en danger. Il semble en effet souhaitable qu'ils s'en préoccupent davantage et mieux, avant de devenir de prochaines cibles pour leurs compétiteurs.Anticiper les batailles de brevets afin de ne pas les subir s'avère primordial. Dernier exemple en date, l'affaire Apple-Samsung. La condamnation du Coréen par un tribunal de Californie intervient presqu'un an jour pour jour après l'acquisition des brevets de Nortel par un conglomérat d'industriels comprenant, entre autres, Apple et Microsoft. Des brevets qui couvrent, pour une grande partie, les applications de téléphonie mobile.
Menace sur Google et Android
A l'époque, Google avait été perçu comme le grand perdant de cette vente aux enchères. Pour se consoler, le géant américain s'était rabattu sur le portefeuille de brevets de Motorola Mobility. Samsung, lui, était resté à l'écart de ces acquisitions, campé sur ses positions brevets que beaucoup, dans la profession, connaissent comme étant fortes. Résultat : bien que Samsung soit désigné aujourd'hui comme le grand perdant de ce procès, une menace pèse également sur Google et son système d'exploitation (OS) Android. En effet, en poursuivant sur sa lancée, Apple pourrait être amené à exiger de tout constructeur d'appareils embarquant Android de lui reverser des royalties. Il y a un an, le montant envisagé était de 40 dollars par unité. Les produits Samsung dotés de la technologie Android pourraient se voir contraints de payer ces royalties, ou bien de changer d'OS. Quelles que soient les suites données à ces affaires, cette condamnation met en lumière trois réalités. La première, c'est que les montants déboursés il y a un an pour acquérir les brevets Nortel sont bien en relation étroite avec les enjeux industriels et financiers de ces sociétés et qu'ils ne sont pas tombés du chapeau comme certains ont bien voulu le laisser croire. Ces acquisitions n'étaient donc pas des épiphénomènes, mais des décisions industrielles mûrement réfléchies. Deuxièmement, c'est la preuve que le monde des affaires est en guerre autour de ces histoires de brevets. Il ne s'agit pas d'une énième attaque de “ patent trolls ”. Ces dernières paraissent aujourd'hui presque quantité négligeable tant la violence de l'affrontement de ces deux mastodontes est brutale.Une valeur stratégique
Dernier point, les marchés sont de plus en plus sensibles aux brevets, à la qualité des portefeuilles détenus par les sociétés, ainsi qu'à leurs capacités à s'armer et à défendre leurs positions brevets. Pour preuve, la chute, ces derniers jours, de la capitalisation boursière de Samsung d'environ 10 milliards d'euros, soit dix fois le montant de sa condamnation.Bien sûr, c'est un jury populaire américain qui a statué ? en seulement trois jours ?, avec toutes les limitations et les biais que nous pouvons imaginer (patriotisme économique, méconnaissance des brevets et des technologies mises en œuvre…). Les montants aujourd'hui en jeu remettront-ils en question la compétence des jurés ?En conclusion, rien de nouveau sous le soleil, si ce n'est que le montant des dommages demandés à Samsung met un peu plus en lumière la valeur stratégique que confèrent les brevets aux enjeux industriels. Lorsqu'on te montre la lune, ne regarde pas le bout de mon doigt…(*) Filiale du CEA Investissement, spécialisée en stratégie et management de la propriété industrielle.
Votre opinion