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Les jeunes diplômés, qui représentent une part non négligeable des recrutements, ont de nombreuses qualités, mais ils ne sont pas opérationnels d'emblée. Non seulement il faut les accompagner et les former, mais aussi leur donner envie de rester dans l'entreprise.
“ Dynamiques, adaptables, audacieux, ambitieux, mobiles ” sont les termes le plus souvent évoqués par les DRH et managers pour qualifier un jeune diplômé. “ Ils portent un regard neuf sur l'entreprise, sur le projet et sont source de créativité et d'innovation ”, précise Vincent David, président de Sophia Conseil. Leur désir d'apprendre et leur volonté de se forger une première expérience professionnelle de qualité sont également mis en avant. “ Ils apportent de nouvelles compétences, plus techniques, un nouveau potentiel, de la fraîcheur, une motivation, et ils peuvent entraîner des équipes à progresser ”, ajoute Rebecca Meimoun, DRH de Keyrus.Cette génération Y est passionnée de nouvelles technologies. “ Ils vivent en permanence dans un univers orienté web 2.0 ”, indique Agnès Duroni, directrice du recrutement de Capgemini TS France. “ Mais ils fonctionnent plus à l'expérimentation qu'à la théorie ”, souligne Stéphane Bennour, PDG de Neos-SDI. Capables de faire plusieurs choses en même temps, ils sont mobiles et réactifs face aux situations variées auxquelles ils sont confrontés. “ Ils privilégient le choix du projet à la région dans laquelle ils vont intervenir ”, confirme Vincent David.
Mettre en place un dispositif adapté
Mais recruter un talent fraîchement sorti de l'école nécessite, de la part de l'entreprise, de mettre en œuvre un dispositif adéquat. “Intégrer un jeune diplômé est un investissement, déclare Rebecca Meimoun. On le recrute pour ses compétences intrinsèques, pas pour son aspect opérationnel ”, poursuit Frédéric Guzy, responsable ressources humaines au département SIT (système d'information et de télécommunication) de la RATP. En effet, les entreprises sont conscientes, pour la plupart, que la nouvelle recrue ne sera pas opérationnelle avant un certain temps et, en guise de phase d'intégration, optent pour des périodes plus ou moins longues d'accompagnement, de formation, de tutorat. “ En 2008, nous avons renforcé les équipes des seniors pour suivre et former les juniors, ce qui nous a permis de doubler le taux de recrutement de jeunes diplômés en 2009 ”, relate Malo Gaudry, directeur de Fullsix Technology. La solution trouvée par Groupe Open ? Six mois d'apprentissage sous la gouvernance d'un consultant senior ou chef de projet. Microsoft ou la RATP proposent, eux, des programmes spécifiques sur une voire deux années. “ Il est difficile d'appréhender des structures aussi grandes, complexes et aux métiers aussi variés ”, commente Frédéric Guzy.Or toutes les entreprises qui misent sur de jeunes recrues ont le même objectif : les former à leurs méthodologies, produits, services, leur culture et fonctionnement. Et c'est encore un de leurs avantages. “ Il est plus facile de les modeler aux valeurs de l'entreprise, aux méthodologies des projets, à la relation client que quelqu'un d'expérimenté avec tout son background ”, estime Rebecca Meimoun. “ C'est là tout l'intérêt de ce type de profils. Ils sont vierges de méthodes de travail et sont facilement adaptables ”, spécifie Cécile Durin, Business Manager chez HR Access France.Selon le type et la taille de l'entreprise, le volet formation sera donc plus ou moins étoffé. L'objectif ultime est bien évidemment de les rendre opérationnels le plus rapidement possible. “ Et cela est d'autant plus facile que l'étudiant a plusieurs stages à son actif ”, relève Guillaume Bèque, DRH de HR Access France. D'ailleurs, les DRH attachent de plus en plus d'importance aux stages de fin d'études et aux projets scolaires lors de leur processus de recrutement. “ Les écoles ont bien évolué sur ce point, et les projets présentés par les étudiants tiennent vraiment la route aujourd'hui ”, note Cécile Durin. Certains constatent également une évolution des connaissances du jeune diplômé en matière de relation client, de gestion de projet ou de management. “ Il y a quelques années, ils avaient moins conscience des enjeux clients. Maintenant, ils intègrent ces notions dès leur début de parcours ”, confirme Agnès Duroni, de Capgemini.Les jeunes diplômés n'ont, toutefois, pas que des qualités. On leur reproche ainsi leur manque de lucidité sur leurs compétences et leur mauvaise appréhension des contraintes du marché de l'entreprise. Pour Michel Koutchouk, directeur général d'Infotel, “ ils sont déconnectés de l'informatique professionnelle, bercés par Internet et baignent dans une culture web 2.0. Ils ne sont pas préparés au langage de programmation Cobol et refusent parfois de mettre les mains dans le cambouis ”. De l'avis de plusieurs DRH, ils se pensent immédiatement opérationnels et aspirent à être tout de suite chefs de projet. “ Ils ont beaucoup d'attentes, mais ils semblent oublier qu'ils doivent faire leurs preuves ”, déplore Stéphane Bennour, de Neos-SDI.A leur décharge, il convient de noter qu'ils ont intégré leurs écoles dans une période faste en matière d'emploi, moment où le discours était très optimiste, et qu'ils en sortent en pleine crise. D'où un décalage entre leurs attentes et la réalité, parfois difficilement gérable par les entreprises. Car devenir opérationnel prend du temps. “ Pour accéder au galon de chef de projet, il faut suivre un parcours précis dans l'entreprise ”, prévient Rebecca Meimoun. Chez Microsoft, les jeunes arrivés il y a sept ans commencent tout juste à occuper des postes à responsabilité…
Pour les retenir : plan de carrière et qualité de l'environnement de travail
Embaucher un jeune diplômé nécessite de lui présenter un plan de carrière. “ Ils donnent la priorité à une entreprise qui leur permettra de développer leurs compétences et leur employabilité ”, fait savoir Pascal Guillemin, DRH de Cegid. “ Ils veulent un projet d'entreprise intéressant, des missions motivantes ”, poursuit Benoît Castel, responsable recrutement et suivi RH chez Devoteam. Capgemini s'efforce de les envoyer sur des projets importants, orientés sur les nouvelles technologies. Mais le positionnement de ces jeunes n'est pas sans ambiguïté. “ Ils sont demandeurs d'un plan de carrière, mais ne se projettent pas dans la même entreprise sur une longue période ”, constate Stéphane Bennour.Et c'est là toute la difficulté de l'exercice : fidéliser ces profils volatils. Ils ne s'attachent pas comme leurs aînés à leur entreprise. Même Microsoft se plaint du manque d'engagement de cette génération Y. “ Le jeune diplômé est plus attaché à la mission qu'on lui confie et au projet de développe-ment de sa carrière qu'à la société ”, explique Etienne Jacques, DRH de Microsoft France. Pour Malo Gaudry, de Fullsix Technology, “ la chute de la valeur travail les pousse à faire moins de sacrifices personnels, même en début de carrière ”. Et Gilles Mergoil, président de Neoxia, de renchérir : “ Ils sont plus égocentriques, moins dévoués à l'entreprise. Mais ce n'est qu'un juste retour de manivelle, de nombreuses entreprises négligeant la considération sociale de leurs collaborateurs ”. Ils ont une exigence de qualité de vie professionnelle qu'ils expriment autour de l'ambiance au travail et de la responsabilité sociale de l'entreprise (développement durable, par exemple). Ils mettent aussi en avant l'importance de la transparence, la communication, la dimension internationale, voire l'ouverture sur d'autres métiers. Autant de cartes à jouer pour fidéliser ces jeunes sur lesquels l'entreprise investit beaucoup lorsqu'ils sont en phase d'intégration mais qui, une fois devenus opérationnels - et rentables ! -, risquent d'aller voler vers d'autres cieux.
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