[IT for Business Forum]. Quand Syntec et le CNNum égratignent les politiques sur le numérique
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Accompagnés de Leo Apotheker, Gilles Babinet (CNNum) et Guy Mamou-Mani (Syntec) ont dressé ce matin un bilan critique de la stratégie numérique de l'Etat et du monde politique en général.

La seconde édition de l’IT for Business Forum(*) a démarré ce matin à Deauville sur les chapeaux de roue. Avec pour thème la stratégie de l’Etat dans le numérique, la première session a donné lieu à quelques moments de bravoure.
A quelques jours de céder la présidence du Conseil national du numérique (CNNum), Gilles Babinet a dressé un bilan sans retenue d’un an d’activité. Il a rappelé tout d’abord combien le CNNum avait été attaqué lors de son lancement, qualifié par certains de « Medef du web » ou d’ « Ovni sarkozyste » étant donnée l’absence, parmi ses membres, d’associations ou de partenaires sociaux.
Pour éviter justement de glisser sur les sujets « clivants » de la Hadopi ou de la neutralité d’internet, le Conseil a volontairement pris le parti de concentrer ses efforts sur les enjeux de la compétitivité et de la réforme de l’Etat. En abordant notamment les thèmes de l’éducation, de la recherche, de la santé ou du financement. « Nous avons essayé d’adopter un juste milieu dans nos positions, estime Gilles Babinet. Il s’agissait ni de servir la soupe ni d'être, en bon esprit gaulois, dans la critique permanente. »
Avec quelques victoires – l’annulation de la « taxe Google » ou le rétablissement du statut de la Jeune entreprise innovante et des désaccords –, notamment sur la LCEN (Loi pour la confiance dans l'économie numérique). Mais aussi des regrets. « Je déplore que notre rapport sur l’e-éducation ait été peu entendu et que notre avis critique sur la politique du gouvernement en matière de financement n’ait pas donné lieu à des réformes. » Pourtant, le CNNum a été reçu souvent par le président de la République. « Il nous a écouté, même si, derrière, la mise en application des mesures est plus difficile. » De même Eric Besson, le ministre de tutelle, a joué le jeu. « Il restait fair play même quand nous nous opposions au gouvernement. »
« Certains ministres ne comprennent rien au numérique »

En revanche, les relations avec les autres membres du gouvernement ont été plus compliquées. « Nous avons rencontré de nombreux ministres. Certains ne comprennent rien au numérique. C’est dommageable. Il faut de l’appétence pour porter une vision alternative et faire le choix de l’innovation pour rompre avec la linéarité de nos politiques. Pourtant, le numérique peut transformer la société sur tous les thèmes régaliens de l’Etat. »
Gilles Babinet fustige aussi la conception pompidolienne des grandes réalisations de type Airbus, à mille lieux de l’approche et de l’état d’esprit d’une jeune pousse. Il rappelle aussi que le gouvernement britannique dépense deux fois plus dans les services IT que la France, malgré le contexte de restriction budgétaire qui est de mise au Royaume-Uni. Le président du CNNum n’est pas plus tendre avec les parlementaires. « La France a la classe politique la plus vieille d’Europe, avec un âge moyen de 58 ans chez les parlementaires. Quand un sénateur m’a dit : “Je laisse le numérique à mes petits-enfants”, je suis tombé de ma chaise ! »
Déjà deux réponses de candidats pour le Collectif du numérique
Président de Syntec numérique, Guy Mamou-Mani s’est montré plus confiant pour l’avenir. En charge d’interpeller les candidats à la présidence, le Collectif du numérique, qui réunit désormais 21 associations dont la sienne a reçu, « pas plus tard qu’hier » deux réponses. Celles de Françoise Hollande et d’Eva Joly. Et il espère avoir « dans les prochains jours avoir une réponse très engagée du président sortant ». Guy Mamou-Mani a aussi sa petite idée pour forcer les politiques à débattre du numérique, grand absent pour l’heure de la présidentielle. « Il faut que le grand public s’approprie ces sujets, puisque les politiques n’écoutent que leurs électeurs et les médias. »

Ancien PDG de SAP et de HP, Leo Apotheker s’étonne qu’il faille débattre en France de la place du numérique dans l’économie nationale alors qu’il s’agit d’un rare secteur en croissance et créateur d’emploi. « Je crois qu’il faut passer outre les politiques. Quand j’ai démarré SAP, il n’y avait pas de ministère dédié. Les gouvernements doivent seulement créer un environnement favorable avec une fiscalité incitative ET stable. Comment bâtir un business model quand la fiscalité change d’un mois sur l’autre ? »
Le cloud et la machine à coudre, même combat

Face à l’appréhension qu’auraient les politiques à évoquer le numérique, perçu par les électeurs comme destructeur d’emploi, les trois intervenants rappellent la théorie de Schumpeter : chaque nouvelle technologie commence par détruire des emplois puis elle contribue à créer plus qu’elle n’en supprime. « La machine à coudre prenait le travail de 65 couturières, puis elle a donné naissance à l’industrie textile », prend pour comparaison Guy Mamou-Mani. Il en ira de même du cloud computing.
Le débat s’est terminé sur quelques sujets qui fâchent, dont celui sur le grand emprunt, qui a vu son budget consacré au numérique de 4,5 milliards d’euros perdre 500 millions. « L’Etat ne sait pas investir dans l’innovation, fustige Gilles Babinet. Ce n’est pas dans sa nature. Il aurait dû faire appel à des fonds spécialisés. Lors de l'un des appels à projets, un membre de la commission d’attribution a démissionné. Les critères étaient tellement nombreux qu’au final, les financements allaient aux collectivités locales. » Leo Apotheker en rajoute une couche. « L’Etat est un mauvais investisseur. Il ne peut comprendre les busines innovants. » Cela vaut aussi pour le cloud à la française, dont Orange et Thales semblaient être sortis victorieux. « Il vaudrait mieux envisager d’emblée un cloud européen. » De même, selon lui, il serait préférable de construire une « Silicon Valley européenne » et non s’éparpiller à Cambridge, Saclay ou Postdam.
Une dernière pour la fin : la « taxe Google ». Une « ânerie », puisqu'elle taxait les annonceurs et non Google. Avec le CNNum, Gilles Babinet a plutôt réfléchi à la façon d'imposer « la bande Gafa » (Google, Amazon et Facebook), les rois de l’optimisation fiscale. Pour lui, tous les acteurs opérant des services sur le territoire devraient être assujettis à la même base fiscale. Une idée récemment défendue par le candidat Sarkozy.
(*) Manifestation organisée par le groupe NextRadioTV (propriétaire de 01 Business & Technologies et de 01net)
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