Jacques Brouard, psychologue du travail et consultant
Dans les ports français et étrangers, Jacques Brouard use de psychologie pour faciliter l'adoption de progiciels. Explications.
Vous êtes diplômé en psychologie et vous travaillez en SSII. Quel est donc votre rôle ?Jacques Brouard : Faire en sorte que les deux mondes - le métier et l'informatique se comprennent. Le premier ne voit pas immédiatement ce qu'il gagne à transférer son expertise dans un progiciel. Mon rôle consiste d'abord à rendre le changement le plus pédagogique possible. Il s'agit de comprendre les contraintes des hommes et leurs peurs perte d'emploi, de pouvoir, remise en cause de l'expertise, etc. et d'expliquer les bénéfices de l'outil informatique. Il remplace la mémoire, mais il donne aussi des moyens d'anticipation.De quelle manière votre formation vous aide-t-elle à vaincre les résistances au changement ?JB : Ma formation de ' psy ' m'aide, sans doute, à mieux comprendre les comportements individuels et collectifs. Ce qui facilite les interventions auprès de mes collègues et du client. Ma connaissance des processus d'apprentissage m'est également précieuse. Concrètement, j'organise, par exemple, des réunions et des rencontres là où l'information circulait par e-mail, méthode plus rapide, mais source de malentendus. Et en cas de difficulté, je propose des stratégies de contournement. La fonction de psychologue fournit un cadre déontologique dans lequel je m'inscris, entre autres, pour conduire des entretiens confidentiels.A quel stade du projet intervenez-vous ?JB : Surtout au début. Dès la phase de négociation commerciale, ce qui permet aux informaticiens de connaître le contexte quand ils viennent présenter le produit. Puis j'interviens lors de la phase de maquettage avec les informaticiens. J'apporte la garantie que l'outil sera fidèle au métier, qu'il ne le trahira pas. Je travaille aussi sur l'ergonomie du logiciel et la formation des utilisateurs. Et, au besoin, j'accompagne le client dans ses recrutements. Au final, mes missions sont longues, de l'ordre six mois avec, au minimum, un mois sur place.Votre métier nécessite une bonne connaissance du métier de vos clients. Avez-vous un secteur privilégié ?JB : Le monde portuaire, même si j'ai apprécié les missions que j'ai effectuées il y a quelques années dans l'assurance. Dans les ports, les caractères sont trempés, le verbe haut, et l'air salé. Les gens qui y travaillent mêlent tradition et modernité. Sous l'effet de la mondialisation, des bouleversements très forts sont en cours. Les utilisateurs ont conscience qu'ils ont besoin des outils les plus performants pour ne pas être à la traîne. Ainsi les dockers du Havre savent très bien de quels équipements disposent leurs collègues de Rotterdam.Vous voyagez beaucoup : Marseille, Le Havre, Abidjan, Port Louis à l'île Maurice...JB : Oui, et j'aime ça. Mais on retrouve les mêmes valeurs, les mêmes résistances, le même sel dans chaque port. La culture y est partout la même.Le côté le plus agréable de votre métier ?JB : Quand vous avez convaincu un utilisateur, d'abord réticent à l'outil, de se l'approprier et qu'ensuite il en fait la promotion auprès de ses collègues et les forme.Vous êtes une sorte de Majax ?JB : Non, et heureusement. Tous les pouvoirs de magicien qu'on prête aux psychologues n'existent pas. Il reste une belle part à la rébellion qu'il faut accepter.
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