Kodak : mort et résurrection d'un géant historique de la photographie

Deux ans après une banqueroute historique, la marque américaine Kodak revient à la vie. Désormais placée dans le giron d'un géant industriel taïwanais, sa division appareils photo a de l'ambition et une stratégie offensive.
En janvier 2012, un séisme secoue la planète photo. Kodak, vénérable institution de la photographie, se place sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Plus que centenaire – Eastman Kodak Company est née en 1888, la célèbre marque qui popularise la photographie aux USA et dans le monde a raté le virage du numérique.

Assise sur le juteux marché des pellicules pendant des décennies, elle perdait des milliards de dollars depuis 2007. Après avoir frôlé la disparition, la marque s’est refait une santé en vendant certains de ses brevets (à Apple et Google, notamment, via des groupes d’investissement), et en réorganisant ou vendant ses divisions; Ainsi, sa branche capteur devient Truesense Imaging, l’impression est devenue Kodak Alaris, etc.
Quant à la branche « appareils photo », elle ne pouvait pas disparaître comme cela, la marque était trop belle et c’est un groupe industriel taïwanais qui a repris la licence. Sous le nom de JK Imaging, le Kodak nouveau est une société de droit américain dont la R&D est partagée entre Taïwan et le Japon, avec des bureaux commerciaux à Hong Kong, Los Angeles et Londres. La mondialisation et la concurrence asiatique auront eu raison d’Eastman Kodak, mais c’est cette même mondialisation qui lui a redonné la vie – en l’infusant d’ADN asiatique.
Le masque américain d'un géant asiatique
Si le grand public ne connaît pas Asia Optical Co Inc. (groupe côté à la bourse de Taïwan), cet industriel asiatique est pourtant l’un des plus gros ODM/OEM du monde de la photo. Comprendre que c’est cette entreprise qui conçoit déjà de nombreux appareils pour de célèbres marques asiatiques : des bridges, des compacts, mais aussi des optiques interchangeables ou encore des modules optiques de smartphones. Ce dernier business est d’ailleurs très juteux puisqu’Asia Optical fournirait, selon un responsable du groupe, pas moins d'un tiers des blocs optiques de smartphones dans le monde !

De vraies ambitions
Nous avons déjà vu renaître – et mourir quelque temps après – des marques de la photo comme Polaroid, Rollei ou HP. Nous recevions à chaque fois des équipes commerciales ultra-motivées, venues présenter de nouveaux produits, qui allaient être suivis par de plus en plus d’appareils. Jusqu’à ce que les numéros de téléphones sonnent dans le vide et que les mails renvoient des messages d’erreurs… Avec JK Imaging Kodak, la donne est différente puisque l’industriel – Asia Optical – n’est plus un simple exécutant mais le principal instigateur – et actionnaire – de la nouvelle entité, qu’il a osé se mettre en avant et s’est déjà fendu d’une première conférence de presse à Londres, avec présentation de ses produits, de sa stratégie. Et il a même dévoilé de vraies innovations comme une caméra vidéo qui filme à 360°.

Un marché du compact en difficulté
« Puisque toutes les marques AAA [les marques les plus célèbres, NDLR] se retirent du marché des compacts d’entrée et milieu de gamme, le segment est désormais libre pour que nous puissions installer la marque », expliquait Austin Kazami, directeur de JK Imaging lors de sa conférence londonienne du 20 mars dernier. Si le pari a du sens, le marché de la photographie est très difficile et en baisse de 18% en volume entre 2012 et 2013. La faute essentiellement au coup de sabre que les smartphones infligent aux compacts d’entrée de gamme. Il reste à savoir si la concurrence avec les groupes japonais – prompts à se serrer les coudes quand il s’agit de faire face à un groupe non-nippon – ne tournera pas au carnage pour le Kodak nouveau.
A peine un an et déjà 6 gammes et 20 produits !
L’avantage d’être une marque qui fabrique pour les autres, c’est qu’on se fait vite un portefeuille produit. En à peine plus d’un an d’existence juridique, JK Imaging Kodak propose déjà une vingtaine de produits. Non seulement des compacts pas cher, mais aussi des bridges à zoom record – x65 pour l’AZ651 ! -, des caméras d’action, des picoprojecteurs, des smartlens (ces accessoires pour smartphones qui intègrent à la fois le capteur et l'optique) voire un appareil photo hybride à capteur Micro 4/3 compatible avec les modèles de Panasonic et Olympus (le S1, uniquement disponible en Asie pour le moment).
Kodak/JK Imaging est donc techniquement prêt, mais il va désormais lui falloir innover et proposer des produits qui sortent du lot afin que cette résurrection inespérée ne soit pas qu’un feu de paille.
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