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Les dévelop- peurs de logiciels 3D sont de plus en plus nombreux à choisir le libre, notamment pour bâtir des applications professionnelles de simulation.
L'Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatisme) mélange, dans ses projets de recherche, outils propriétaires, commerciaux et open source. Son équipe Reves (rendu et environnements
virtuels sonorisés) de Sophia-Antipolis a ainsi décidé, à la fin de 2004, de remplacer son moteur 3D interne devenu obsolète par un logiciel libre, Ogre3D.Compatible avec différents systèmes d'exploitation, celui-ci gère les deux principaux langages de programmation des cartes graphiques : OpenGL et DirectX. ' En outre, la communauté de développeurs autour
d'Ogre se montre active. Elle s'appuie sur un leader reconnu, Steve Streeting. Ce qui évite de se retrouver avec plusieurs méthodes mal abouties qui remplissent la même fonction ', remarque David Geldreich, chercheur à
l'Inria de Sophia-Antipolis.Les moteurs 3D temps réel, comme Ogre3D, Scol ou G3D, viennent souvent du monde du jeu vidéo. Le studio strasbourgeois Creative Patterns a lui aussi choisi, dès novembre 2004, Ogre3D comme module visuel de son nouveau jeu
sur PC, Building World. Ils ont été séduits par l'existence d'une communauté de développeurs forte et par le multilangage, mais aussi par la présence d'éclairages sophistiqués, la prévisualisation et les exports
opérationnels depuis les principaux outils de modélisation du marché, comme Maya et 3DS Max.Au final, le studio se déclare plutôt satisfait de son choix. Même si, comme le souligne Stéphane Becker, responsable du studio Creative Patterns, ' la gratuité est une fausse économie. Il est nécessaire d'avoir
des développeurs en interne qui maîtrisent le produit '. L'open source apporte également davantage d'autonomie en évitant de dépendre d'un fournisseur. Il y a quelques années, le rachat par Electronic
Arts de RenderWare avait ainsi échaudé les petits studios qui utilisaient ce moteur 3D.
Des jeux vidéo à l'industrie automobile
La maturité de l'open source se vérifie par son usage croissant dans les applications de réalité virtuelle développées par l'industrie. La société Oktal, qui intervient notamment sur le marché de la simulation
automobile, a mis au point avec les chercheurs de Renault Scaner II. Ce logiciel de simulation automobile est destiné aux laboratoires de recherche et aux constructeurs. Il a été décliné récemment en version DT (driver
training) pour la formation du grand public. L'an dernier, les chercheurs ont décidé d'abandonner Performer, la librairie graphique de SGI. Son rythme de portage des nouvelles cartes graphiques n'était pas assez rapide, et les liens
étaient insuffisants avec Maya et 3DS Max.A la suite d'un benchmark, deux solutions open source, Ogre3D et OpenScene-Graph (OSG) ont été présélectionnées. La première a été jugée trop orientée DirectX. C'est donc OSG qui a été sélectionnée. Cette solution
exploite mieux la cible OpenGL en prenant en charge des rendus d'éclairage spécifiques nécessaires aux applications. Par ailleurs, elle s'adresse à différents matériels, ce qui facilite l'affichage d'applicatifs aussi bien sur un ordinateur portable
que dans une salle de réalité virtuelle à plusieurs écrans.Gilles Gallée, responsable du marché de la simulation automobile pour Oktal, avoue : ' Même si l'intérêt de l'open source réside avant tout dans la maîtrise du code, la gratuité des
licences joue aussi. Avec la version DT de Scaner, le déploiement, prévu cette année, est d'environ vingt simulateurs avec trois canaux, ce qui correspond à soixante licences pour un logiciel payant. 'Le consultant et spécialiste de la réalité virtuelle Jacques Le Faucheux, fondateur de JLX3D, a testé, en début d'année, différents moteurs open source sur un projet de visualisation 3D incluant des
données géographiques. Son client, qui utilisait Performer, souhaitait que son application s'exécute sur divers environnements immersifs, avec une gestion intégrée de calculs multicanal sur clusters.Une autre priorité était de bénéficier d'algorithmes adaptatifs pour les scènes géographiques qui savent, lors du déplacement de la caméra, calculer de manière continue des modèles géométriques intermédiaires de terrain, au lieu de
remplacer brutalement une base de données par une autre. Leur choix s'est donc porté sur l'applicatif open source Delta3D qui inclut OpenSceneGraph. Développé par l'institut naval californien Moves, il inclut des algorithmes
adaptatifs assez robustes, spécialisés terrain.
Le matériel a repris la main
Le critère de choix d'un moteur 3D ne repose plus sur les seules performances (maîtrise du code ou algorithmes spécialisés). Le résultat visuel dépendant essentiellement de la carte graphique. ' Cette
transition du logiciel vers le matériel s'est faite en plusieurs années ', explique Gilles Gallée. En 1999, le logiciel de simulation d'éclairage d'Oktal traitait deux phares à 20 Hz en multipasse logicielles.
Vers 2002, des solutions mixtes logicielles et matérielles sont apparues. En 2005, elles deviennent purement matérielles.Aujourd'hui, ils peuvent simuler l'éclairage de 24 phares à 60 Hz avec du matériel dix fois moins cher. ' La qualité visuelle dépend avant tout du matériel et du compilateur graphique. Nous ne sommes
pas limités par la technologie Ogre, raconte Pascal Mobuchon, de Total Immersion. Nous sommes bridés par notre efficacité à créer du contenu optimisé pour le temps réel et par la productivité globale du
workflow. 'Le module de visualisation 3D n'est en effet qu'une brique de l'application temps réel. Il doit gérer le son, les différents périphériques et intégrer des modules de plus en plus sophistiqués d'animation dynamique ou
d'intelligence artificielle. ' Ogre ne porte que sur la visualisation 3D. Il propose des extensions, mais la qualité de leur développement reste aléatoire. L'équipe du projet Reves utilise donc son propre module
sonore ', souligne David Geldreich, de l'Inria.Chez Oktal, OpenSceneGraph est pour l'instant le seul module open source de leur applicatif Scaner, mais ils en testent d'autres pour le son (OpenAL), pour la dynamique (ODE) et pour la simulation des mouvements
de piétons en interaction, grâce à l'intelligence artificielle.
Une qualité de code satisfaisante
Malgré les inévitables bugs et problèmes de performances, le bilan de l'utilisation d'Ogre3D par l'équipe de Reves se révèle positif. Les dysfonctionnements sont corrigés par les améliorations soumises à la communauté open
source. Par exemple, l'Inria a fait ajouter la prise en compte des Points Sprites, une fonction, très pratique, intégrée dans les nouvelles cartes graphiques. Pour Creative Patterns, Ogre3D présente aussi de petits défauts, mais la
qualité du code égale celle des logiciels commerciaux.Des efforts ont été faits sur la documentation. Pour pallier l'éventuelle absence de réponses de la communauté, il convient de disposer de ressources internes. L'application commerciale de Creative Patterns, un jeu de construction de
villes, nécessite d'assembler divers petits éléments. Ils ont dû développer leurs propres algorithmes, qui seront bientôt insérés dans le code source.
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