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Simplifier l'accès des usagers aux services administratifs locaux et les paiements à partir d'une même carte, c'est l'objectif de projets lancés dans des collectivités, il y a trois ans. Ces expériences devraient servir de modèle pour l'administration locale, voire nationale. Si des standards s'imposent...
La carte à puce érigée en symbole de la modernisation de l'Administration. Le projet Carte de vie quotidienne a commencé, en mars 2003, par un appel à candidatures. Quatorze expériences ont démarré la même année dans des collectivités locales. Inscrits dans le cadre du plan gouvernemental pour l'administration électronique (Adèle) 2004-2007, qui est doté d'un budget global de 1,175 million d'euros ?" dont 600 000 sont financés par la Caisse des dépôts ?", ces projets visent à faciliter la relation entre l'Administration et ses usagers.Idéalement, à terme, une simple carte donnerait accès à tout un ensemble de services publics locaux, comme le paiement de la cantine, de la crèche, l'accès aux infrastructures culturelles ou sportives. Sans oublier la participation à la vie de la collectivité, avec la possibilité de s'exprimer en ligne sur des questions d'intérêt local.Avec trois ans de recul, les résultats semblent mitigés. Seuls six des quatorze projets poursuivent leur activité. Mais pour leurs promoteurs, l'expérience s'est révélée concluante, même s'il a fallu reconsidérer certains choix technologiques. Et ces projets font office de laboratoires pour des services d'administration électronique d'envergure nationale, en dépit de certains freins, techniques et culturels.
Un trait d'union entre des services disparates
' Nos usagers achètent des produits en ligne sur Amazon, ça fonctionne très simplement. Ils ne comprendraient pas de ne pas pouvoir bénéficier de services en ligne de la part de leurs administrations locales ', souligne Olivier Simon, directeur général adjoint de la ville de Vandoeuvre et chef de projet pour la carte de vie quotidienne. ' Ne pas proposer de tels services pourrait passer pour de la ringardise ', insiste-t-il.De la carte de vie quotidienne, on attend aussi qu'elle améliore les services administratifs. ' Il faut masquer la complexité administrative au citoyen, affirme François Fouillet, DSI de la communauté de communes de Parthenay. Notre projet de carte de vie quotidienne est transversal : une carte et l'accès à plusieurs services communs sur différentes communes. Tout le back office, c'est-à-dire les tâches administratives, doit être géré dans le système d'information. ' La communauté de communes de Parthenay a mis en ?"uvre un système reposant sur une carte sans contact et des bornes. Il offre aux habitants la possibilité de payer la cantine des enfants dans les écoles primaire et maternelle, et de régler les crèches. La carte de Parthenay gère aussi les emprunts et réservations à la ludothèque, à la médiathèque, ainsi que l'accès au centre aquatique.' La carte doit être le support de paiement unique d'accès aux différents services de la communauté ', indique François Fouillet. Mais moderniser les services administratifs locaux ne constitue pas une mince affaire, tant sur le plan technique que sur celui de la réorganisation des services. ' C'est un projet très lourd. Nous n'étions pas forcément conscients de son niveau de difficulté au départ. Quand vous touchez plusieurs services, plusieurs métiers, si vous n'êtes pas organisé, vous allez dans le mur ', avoue François Fouillet. En véritable chef d'orchestre du projet, il répartit équitablement son temps de travail entre les aspects techniques et la conduite du projet proprement dit.' Il a fallu persuader les agents de la pertinence du projet pour qu'ils en fassent la promotion auprès des usagers ', souligne, de son côté, Olivier Simon. Le projet de carte de Vandoeuvre comporte deux grandes familles de fonctions : la concertation électronique, avec la latitude de participer aux débats sur l'aménagement de la ville d'une part ; et l'accès à des services personnalisés et sécurisés pour les professionnels, comme les directeurs d'écoles qui veulent effectuer des demandes de travaux, et les particuliers, qui peuvent payer en ligne certains services collectifs (crèche, cantine), et l'échange d'informations entre les administrations.
Le casse-tête de l'absence de normes
La principale difficulté posée par les projets réside dans l'absence de normes pour les technologies disponibles. ' Il aurait été judicieux de normaliser dès le départ, nous aurions gagné du temps et en efficacité. Il n'y a pas forcément une volonté de standardisation au niveau de la direction générale de la modernisation de l'Etat ou de la Caisse des dépôts ', déplore François Fouillet. Si l'on considère le seul support physique, les cartes donc, il existe cinq technologies : carte magnétique, carte sans contact, carte porteuse de certificat, carte de type BMS2 (sans contact, mais plus spécifique), et carte Vitale. Sans compter les bornes et les lecteurs.Un casse-tête pour les chefs de projets. A tel point que certains choix, trop complexes ou mal adaptés, se voient remis en cause. ' Nous avions opté pour une carte porteuse de certificat, rapporte Olivier Simon. L'accent était mis sur la sécurisation. Dans le domaine de la concertation électronique, par exemple, l'idée de départ était une carte par questionnaire. ' Pas question qu'un usager puisse donner son avis plus d'une fois. Mais, la nécessité d'utiliser un lecteur de cartes a très vite limité la portée du projet. ' La moitié des difficultés rencontrées avec ce service relevait de la connexion USB des lecteurs aux ordinateurs. Nous n'avions pas les moyens de mettre en place une assistance technique. ' La distribution de ces cartes a donc cessé. Mais le principe du certificat a été conservé. C'est un système de jetons, gérés par le logiciel libre Lasso, qui assure l'authentification des utilisateurs. ' En dehors des difficultés techniques, on ne peut pas dire que la concertation électronique est un succès. Nous avons changé le support, mais le fond du problème demeure, une désaffection du public pour ce genre de consultation ', souligne Olivier Simon.Quelles que soient les solutions techniques retenues par les collectivités locales, il a fallu développer des interfaces de communication de façon à faire interagir différentes applications. ' Nous avons choisi une solution technique, la carte sans contact, et développé le système d'information nécessaire autour, tout en respectant des standards (XML, API). Nous avons dû repenser le système avec la création d'un compte famille et d'une régie de recette communautaire ', explique François Fouillet. Les familles alimentent leurs comptes à partir de versements par chèques ou en espèces.La communauté de communes de Parthenay travaille avec des logiciels spécifiques gérant chaque activité (présence scolaire, bibliothèque, etc.). ' Auparavant, chaque famille disposait d'un compte par activité. Nous avons dû développer des interfaces afin d'assurer des échanges de flux XML automatisés entre les applications. ' L'équipe informatique a aussi mis au point un système pour que l'appel des élèves du primaire s'effectue via des bornes devant lesquelles l'enfant doit se présenter muni d'un badge. Et il a fallu prévoir la prise en compte des élèves qui oublient cette obligation.Le projet élaboré par la ville de Vandoeuvre se fonde sur les logiciels à code ouvert. ' Pour la partie paiement en ligne, nous nous sommes concentrés sur tout ce qui relève du traitement du prélèvement, explique Olivier Simon. Les logiciels métier éditent des factures, qui sont remises dans un fichier central, géré par le logiciel financier de la mairie. Notre solution extrait la facture du fichier central et le transmet, via la plate-forme de télépaiement, au trésor public. ' L'objectif est de connecter le plus de services possibles. EDF, la Macif et Orange utilisent la même plate-forme de télépaiement. ' Nous menons des négociations avec la communauté urbaine du grand Nancy pour inclure leurs factures. 20 % des nôtres sont réglées par l'usager en ligne. Notre objectif est d'atteindre les 30 % d'ici à la fin de l'année. Tous les trois mois, nous faisons la promotion de ces services sur les factures papier ', rappelle Olivier Simon.
Un socle pour bâtir des plates-formes de services
Outre leurs effets positifs au niveau local, des services simplifiés et une image de modernité, comme le souligne François Fouillet, ces projets de carte de vie quotidienne font tache d'huile. Ils peuvent même constituer le composant technologique d'un projet de plus grande envergure. ' Les interfaces avec les applications métier que nous avons développées se transposeront aisément dans les collectivités locales utilisant les mêmes applications ', affirme François Fouillet.Le projet Adeline (Accès dématérialisé local aux infrastructures nationales d'administration électronique), conduit par la Caisse des dépôts, est issu des expériences réalisées à Franconville, Parthenay et Vandoeuvre. Déclinaison du projet Adèle, il a pour ambition de faciliter la vie des administrés de collectivités locales. ' Les mairies rurales sont confrontées au même niveau d'exigence de services ', souligne Olivier Simon. Mais elles ne possèdent pas toujours les moyens d'y répondre. La généralisation de plates-formes de services pourrait grandement leur faciliter la vie. D'autant mieux si elles sont toutes, peu ou prou, équipées de solutions standards.
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