La crise ukrainienne rebat les cartes du nearshore européen

Face au spectre d’une guerre civile, un nombre croissant d’entreprises réduisent leur sous-traitance informatique en Ukraine. Sous la menace de rétorsions économiques, la Russie pourrait aussi faire les frais de ce conflit. Explications d’un spécialiste.
L’offshore ne fait pas bon ménage avec la géopolitique. Les décideurs qui décident de délocaliser tout ou partie de leur informatique n’apprécient guère les soulèvements populaires et autres révolutions. Le Printemps arabe, il y a trois ans, a ainsi durablement affecté le climat des affaires Egypte et en Tunisie. Même si cette dernière se donne les moyens de rebondir.

A cet égard, la situation en Ukraine inquiète. Les contestations de la place Maïdan, l’invasion de la Crimée puis le bain de sang à Odessa et les référendums des autonomistes dans l’Est du pays, à Donetsk et Lougansk, font craindre une guerre civile entre Kiev et les pro-russes voire un conflit ouvert avec le voisin russe.
De quoi semer le doute chez les donneurs d’ordre. Si en France, l’Ukraine est peu connu comme destination offshore, ses ingénieurs de bonne réputation sont régulièrement retenus par des entreprises américaines, allemandes ou scandinaves. Propriété d’eBay, la solution d’e-commerce open libre Magento est largement soutenue par la communauté de développeurs ukrainiens.
Une rapide recherche sur Google montre qu’il existe une pléthore de prestataire locaux proposant leurs services dans le développement web ou l’open source. Kiev s’était récemment donné pour objectif de doubler ses ressources offshore pour les porter à 100 000 personnes.
Or, depuis quelques semaines, Frédéric Lasnier, président de Pentalog (photo), se fait très régulièrement interpellé sur la question ukrainienne. A la tête d’une société offshore implantée notamment en Roumanie et en Moldavie, il s’est vu notamment proposer la reprise d’activités pour les réimplanter dans un pays bénéficiant du double bouclier de l’OTAN et de l’Union Européenne. « La Roumanie et la Pologne font face à une demande accrue », observe-t-il.
Disposant également d’un bureau à Boston, Frédéric Lasnier voit aussi des startups américaines très inquiètes. « Elles ont sous-traité là-bas une partie de leur R&D. Une exposition au risque qui pourra leur être fatale, par exemple, dans le cadre d’une levée de fonds. »
La Russie a tout à perdre aussi
Sous la menace d’un durcissement embargos, la Russie pourrait aussi faire les frais de la crise. Un élargissent des sanctions économiques pourrait affecter un secteur IT en plein essor (notre dossier spécial Russie). Le climat des affaires pourrait se dégrader entre l’empire russe et l’Occident.
Sans compter que les liens entre la Russie et l’Ukraine sont extrêmement forts, les deux pays partagent la même histoire. « Kiev est la mère de toutes les villes russes », rappelle-t-on du côté de Moscou. Avec aussi des intérêts économiques. Basé en Suisse mais fondé par des russes, le prestataire Luxoft dispose de gros bataillons de développeurs à Kiev, Odessa et Dnipropetrovsk.
Crédit Photo : Maksymenko Oleksandr (Creative Commons)