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L'externalisation des fonctions techniques et l'appropriation par les métiers de leur informatique chamboulent les organigrammes. Entre réduction des effectifs et évolution des compétences, le personnel des DSI sera profondément remanié
dans les prochaines années.
La DSI existera-t-elle toujours en 2010 ? Une question volontairement provocatrice pour évoquer les grands mouvements de personnel qui s'amorcent au sein des directions informatiques. Si la réponse est, bien sûr, positive, la DSI
verra néanmoins ses compétences profondément remaniées. Dans une étude de prospective, le cabinet de conseil KLC détaille la révolution en cours, qui suit deux tendances. D'une part, l'externalisation progressive des fonctions techniques vers les
prestataires : SSII, constructeurs, opérateurs ou éditeurs. D'autre part, l'appropriation par les maîtrises d'ouvrage de leur système d'information et leur aptitude à intégrer des informaticiens en leur sein.
La grande fonte des effectifs
Ces flux centrifuges vont conduire mécaniquement à une baisse de l'effectif interne. Sur la base d'une simulation sur dix ans d'une DSI type, employant 80 personnes, KLC en arrive à une division par plus de trois. Aisément
' externalisables ', voire ' offshorisables ', les fonctions de l'exploitation, du support, du développement et, dans une moindre mesure, de la maintenance
applicative seront les plus touchées, avec une diminution des troupes d'environ 40 à 50 %.Pour autant, les transferts ne peuvent qu'être limités et que reposer ?" idéalement ?" sur le volontariat. Même si elle prétend le contraire lors de l'appel d'offres, une SSII n'a pas vocation à reprendre la totalité des
équipes. ' Seul 30 % de l'effectif l'intéresse vraiment, évalue Pierre Laigle, directeur général de KLC. A savoir les jeunes, peu chers et volatiles, et les salariés les plus pointus, sur lesquels
repose la connaissance métier de l'entreprise cédante. 'Et les autres ? Avec l'effet papy-boom, les DSI profiteront de l'accroissement des départs en retraite et préretraite. Mais elles ne pourront s'épargner les frais d'une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences (GPEC). D'importants efforts de formation devront être entrepris pour permettre à des techniciens d'accéder à des postes plus transverses, de type urbanistes.Autre piste possible : les transferts internes. Dans leur volonté d'étendre leur pouvoir sur ' leur ' informatique, les métiers peuvent accueillir des ressources de type chef de
projet maîtrise d'ouvrage, consultant SI métier, ou responsable d'application. Il reste toutefois, selon Sonia Boittin, directeur associé de KLC et coauteur de l'étude, à inventer les passerelles entre DSI et directions opérationnelles.
' Les métiers doivent être prêts à accueillir des informaticiens, à leur donner un vernis métier, puis à les relâcher. De leur côté, les informaticiens craignent de s'éloigner de leur centre d'expertise, le spécialiste étant
mieux perçu dans la profession que le généraliste. '
Conserver une garde rapprochée
Bien sûr, si la DSI se dépeuple d'un côté, elle se remplume de l'autre. Garante de l'intégrité et de l'évolutivité du système d'information, la DSI doit conserver une garde rapprochée, constituée à la fois d'experts ?"
responsables télécoms, RSSI, etc. ?", de généralistes ?" architectes, chargés de veille technologique, etc. ?", et de pilotes de l'infogérance ?" gestionnaires de contrats, directeurs de domaines infogérés...' Réduire le DSI à un rôle d'acheteur et de contrôleur des travaux finis n'est qu'un raccourci absurde, qui ne correspond en rien à la réalité du métier ', s'insurge Philippe Tassin,
consultant indépendant et DSI par intérim. ' La DSI doit maintenir un niveau technique suffisant pour choisir le meilleur fournisseur, puis le contrôler, renchérit Stéphane Rousseau, DSI d'Eurovia. Il
s'agit surtout de travailler en étroite collaboration pour analyser les problèmes qui surviennent ou préparer toute évolution. ' Selon KLC, la gouvernance de l'infogérance exige ainsi une importante cellule interne, dont le
coût est évalué à 7 % du budget externalisé. Ces postes de supervision requièrent à la fois un bon niveau de formation et de la maturité. Le profil type ?" un ingénieur se prévalant d'une dizaine d'années d'expérience ?" s'éloigne
de celui actuellement en vigueur ?" un technicien de 35 ans, de niveau bac + 2. Et un afflux de demandes sur ces compétences rares pourrait entraîner un risque de pénurie.Selon Richard Peynot, analyste senior chez Forrester Research, ' les nouveaux métiers s'adressent plutôt à des profils seniors, qui devraient être formés dans des disciplines telles que les aspects légaux de
l'externalisation, la négociation, l'ingénierie financière, les techniques de gouvernance ou la modélisation de processus. Or, dans ces domaines, l'offre de formation continue est faible '. Faute de les trouver par la voie du
recrutement ou de la promotion, la DSI ira les débaucher chez les SSII, profitant ainsi de leur connaissance du marché.La DSI peut aussi s'appuyer sur les fonctions de support qui lui sont rattachées : acheteurs, juristes ou contrôleurs de gestion, par exemple. Des ressources extratechniques, qui se développent depuis cinq ans et interviennent
dans le choix, le contrôle et le pilotage des fournisseurs. Au risque d'empiéter sur les prérogatives du DSI. Pour éviter ce type de conflit, il faut, selon Stéphane Rousseau, jouer la carte de la transparence :
' Soumettre un contrat pour relecture au service juridique sans avoir évoqué en amont le type de relation souhaitée avec le prestataire, les risques, les contraintes, et les objectifs du projet ne pourra pas déboucher sur un
contrat utile. '
Le DSI, un général sans troupes ?
La réduction des effectifs de la direction informatique et l'arrivée de nouveaux intervenants hors de son contrôle hiérarchique remettent en cause le rôle du DSI et la façon même dont il est perçu au sein de l'entreprise. D'autant
qu'en France, peut-être plus qu'ailleurs, la reconnaissance d'un manager se mesure au nombre de personnes qu'il encadre et à l'importance de son budget.Fondateur de Coaching & Performance, Pascal Vancutsem conseille au DSI d'adopter une attitude positive face à une mutation par ailleurs inéluctable. ' Sa légitimité va simplement se déplacer. Elle n'est plus
interne, mais externe. L'infogérance fait de lui un manager à distance, un chef d'orchestre d'autant plus indispensable que ses équipes sont parties. Il était l'homme des systèmes d'information. Il devient l'homme de la stratégie des systèmes
d'information. 'Un virage que tous les DSI ne sont pas encore prêts à négocier. ' Certains sont dans le déni et s'accrochent à leurs machines, constate Sonia Boittin. A l'autre bout du spectre, des
entreprises ont recruté des DSI non informaticiens. ' Bien sûr, le profil idoine se situe entre les deux, entre expertise et capacité à manager. A condition, toutefois, que la formation initiale et continue prépare les DSI de
demain. ' Les écoles de management proposent toutes des modules système d'information et gestion de projet. En revanche, les écoles d'ingénieurs peinent à offrir des filières orientées management. ' Les
grandes écoles doivent aussi faire leur révolution.X.biseul@01informatique.presse.fr
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