La France en fichier
Pierre Berlemont, rédacteur en chef adjointLa future carte d'identité biométrique est sur les rails (lire p. 9). C'est donc pour “ un fichier des gens honnêtes ”, selon les termes de François Pillet, rapporteur de la commission des lois et sénateur du Cher (rattaché au groupe UMP), qu'a voté l'Assemblée nationale. Il faut comprendre 11 députés présents sur 577 lors de cette séance du 7 juillet dernier. C'est tout de même peu pour un vote sur une proposition de loi censée ficher l'ensemble de la population française. Concrètement, les futures cartes nationales d'identité biométriques comprendront une ou deux puces électroniques. La première, dite régalienne, sera réservée aux informations d'identité (date de naissance, empreintes digitales…). La seconde, facultative, servira à identifier son porteur auprès de services électroniques (e-commerce). Ces deux puces seront gérées par le ministère de l'Intérieur. Les problèmes d'un Etat Big Brother mis à part ? même s'ils posent d'évidentes questions de respect de la vie privée ?, interpellent. La mise en œuvre technique d'un tel projet est incommensurable : comment ficher 45 millions de personnes, en assurant une sécurité sans reproche ? Les piratages de Sony devraient faire réfléchir nos gouvernants. D'autant qu'en cas de piratage d'une telle base biométrique, les dommages sont irréversibles : on peut changer son mot de passe sur son compte Sony Entertainment, mais la couleur de ses yeux, c'est un poil plus complexe. Et puis, techniquement, le projet est irréalisable : sécuriser des transactions en ligne avec une carte à puce suppose d'équiper tous les PC et autres smartphones d'un lecteur ad hoc. Les essais de lecteurs de carte bancaires intégrés au matériel pour particuliers se sont soldés par des échecs. Et qui les financerait ? L'Etat ? Les constructeurs ? Les particuliers ? Allez, Big Broher, rentre chez toi.
Votre opinion